1999-744 Décision

Représentant : Eric Marinacci, BSJP
Décision No : 6671744
Type de décision : Comité de révision
Lieu de l'audition : Kingston(Ontario)
Date de la décision : le 25 octobre 1999

 

Considérant l'instruction de la demande de révision d'admissibilité du demanderesse du 25 octobre 1999, le Tribunal décide :

DÉCISION

MIGRAINES

FIBROMYALGIE

N'est pas une conséquence de l'état de stress post-traumatique ouvrant droit à la pension.
paragraphe 21(5), Loi sur les pensions

_________________________Présidente
Dorothy M. Goubault

________________________Membre
Milton J. Lewis, Cr

LITIGE

La demanderesse, le 25 octobre 1999, à Kingston (Ontario), a saisi un comité de révision d'admissibilité de la décision du Ministre du 19 avril 1999 la déclarant inadmissible à l'égard des migraines et de la fibromyalgie dont elle est affectée. La demanderesse était représentée à l'audience par Me Eric C. Marinacci du Bureau de services juridiques des pensions.

ÉLÉMENTS DE PREUVE

Le procureur de la requérante, au nom de sa cliente, a déposé les pièces suivantes ;

Pièce P-1: Lettre de M. Larry A. Cebulski, Ph.D., docteur en psychologie, au sujet d'une partie requérante tierce.

Pièce P-2: Extraits du Merck Manual, Centennial Edition, pp. 480 à 483.

Migraines

Fibromyalgie

FAITS ET ARGUMENTS

La requérante reconnaît avoir été affectée par des migraines chroniques avant le regrettable incident qui, en 1991, a entraîné, selon le dernier diagnostic posé à cet égard, l'état de stress post-traumatique, l'affection lui ayant donné droit à une pension en vertu du paragraphe 21 (2) de la Loi sur les pensions. Elle prétend, néanmoins, qu'avant 1991 les migraines étaient relativement modérées et qu'elle pouvait les combattre par l'absorption de Tylénol ordinaire. Depuis l'incident déclencheur de 1991, affirme-t-elle au Tribunal, les migraines se font plus fréquentes, plus persistantes, plus douloureuses et il lui faut maintenant prendre des médicaments beaucoup plus forts et même faire des séjours à l'hôpital et recevoir des injections pour calmer la douleur.

Son avocat fait valoir que l'état de stress post-traumatique, l'affection lui ayant donné droit à pension, a aggravé, de façon permanente, ses migraines chroniques. Il soutient aussi que cette affection a également aggravé sa fibromyalgie comme dans le cas envisagé au paragraphe 21 (5) de la Loi sur les pensions.

Il a appelé l'attention du Tribunal sur un extrait du Merck Manual (Pièce P-2) où le syndrome de la fibromyalgie primaire est décrit comme il suit :

[TRADUCTION]
Le (syndrome) a une forme généralisée, idiopathique, il survient généralement chez les femmes jeunes ou d'âge moyen en bonne santé qui ont tendance à être tendues, déprimées, anxieuses, et à lutter, mais il peut aussi apparaître chez les enfants ou les adolescents (surtout chez les filles), ou chez des adultes plus âgés...

La requérante a le sentiment que cette définition décrit bien son état.

Son avocat a appelé l'attention du Tribunal sur la Pièce P-1, une lettre d'un psychologue portant sur un autre sujet où il s'insurge contre l'idée que les psychologues n'auraient pas les compétences nécessaires pour diagnostiquer une affection d'origine psychologique.

En l'espèce, l'avocat de la requérante se fonde exclusivement sur le rapport d'un psychologue, daté du 14 juillet 1998, pour établir et que la malade souffre de fibromyalgie et de migraines et le rapport de ces affections avec l'état de stress post-traumatique ayant donné droit à la pension.

Le Tribunal n'est saisi d'aucun avis médical, émanant d'un médecin ou d'un psychiatre, qui pourrait venir confirmer le diagnostic de fibromyalgie ou les migraines, ou qui pourrait établir qu'il y a un lien médical entre ces affections et l'état de stress post-traumatique ayant donné droit à la pension.

MOTIFS ET CONCLUSION

En en arrivant à cette décision, le Tribunal a étudié avec soin les éléments de preuve, les dossiers médicaux et les arguments offerts par le représentant, et il s'est conformé pleinement à l'obligation légale de faire profiter la partie requérante ou appelante de tout doute dans l'appréciation de la preuve comme le lui imposent les articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants [révision et appel].

Le Tribunal tient à souligner qu'il n'a pas pour politique de considérer les psychologues comme ne pouvant donner des avis sur des états pathologiques d'origine psychologique. Le Tribunal, cependant, reconnaît que le champ de l'action professionnelle des psychologues est vaste, s'étendant de la vision des enfants au stress post-traumatique. Tous les psychologues ne sont pas également compétents et tous ne possèdent pas la même formation ni les mêmes titres de compétence au regard de tout état pathologique qui leur est soumis.

Le Tribunal a l'obligation, en vertu de la loi qui le régit, d'évaluer la crédibilité des preuves dont il est saisi. Une évaluation soigneuse de la crédibilité et du caractère persuasif des preuves d'ordre médical ou d'autres disciplines dans les affaires sur lesquelles il est statué au regard de la Loi sur les pensions est importante, pour trois raisons :

  1. La Cour fédérale a exigé que, dans certains cas, le Tribunal statue explicitement sur les preuves médicales administrées et qu'il explique pourquoi il les juge digne de foi ou non.
  2. L'explication de toute lacune dans les preuves d'ordre médical aide les parties requérantes et leurs représentants à mieux préparer leurs appels et à reconsidérer leurs requêtes en révision.
  3. Une évaluation soigneuse des preuves d'ordre médical est importante pour le règlement du litige et elle accroît la crédibilité de la décision rendue aux yeux de la partie requérante et de ceux qui la lisent.

Quand il évalue la crédibilité des preuves médicales, trois facteurs doivent retenir l'attention du Tribunal. En premier lieu, il y a les compétences professionnelles de l'expert médical. En second lieu, le Tribunal s'assure de l'exactitude et de l'exhaustivité de l'information à laquelle l'expert avait accès au moment de donner son avis. En troisième lieu, le Tribunal évalue le caractère persuasif de l'avis donné. Il base son évaluation normalement sur l'opinion que se fait le comité saisi au sujet de la conclusion de l'expert : découle-t-elle logiquement des faits ? l'expert a-t-il tenu compte de tous les facteurs pertinents ? Peut-on dire que l'avis reflète le consensus médical général établi à la suite de l'étude scientifique de l'affection en cause? Dans les cas où il y a doute au regard des preuves médicales, le Tribunal, en vertu de l'article 38 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants [révision et appel], peut demander une consultation médicale indépendante.

Le diagnostic et l'avis sur la ou les causes de l'affection doivent être donnés ou établis par un expert ayant la compétence nécessaire pour l'évaluation de l'affection particulière en cause, surtout si cette affection n'est pas bien comprise et, par conséquent, est difficile à diagnostiquer avec précision, comme c'est le cas des affections psychiatriques et d'autres états, dont la fibromyalgie ou le syndrome de fatigue chronique, le diagnostic n'étant pas fondé sur des constatations psychologiques quantifiables ni même vérifiables, mais sur l'expérience subjective de la partie requérante et sur le récit qu'elle en donne. Le rapport de l'expert doit donc indiquer quelles sont ses compétences : dans la plupart des cas, ce sera un état de ses études officielles et un diplôme universitaire ou professionnel, une période de formation sous supervision, son expérience en matière d'évaluation de l'affection en cause et l'éducation permanente suivie.

Pour que le Tribunal puisse évaluer l'exactitude et l'exhaustivité de l'information à laquelle l'expert avait accès pour en arriver à l'avis donné, le rapport d'examen du psychiatre, du psychologue ou du médecin doit inclure tout le dossier sur le cas, de telle sorte que le juge administratif puisse apprécier la valeur de l'avis par rapport aux autres éléments qui ont été versés au dossier. Il faut que le Tribunal sache si le cas dont fait état l'expert est confirmé par d'autres éléments du dossier.

Enfin, le rapport de l'expert doit comporter une description de l'affection ou des affections dont souffre la partie requérante et de sa ou de ses causes. L'expert doit préciser de quelle ou quelles lésions ou maladies la partie requérante souffre, en décrire l'étiologie et indiquer tout facteur, emploi, etc, qui a pu jouer un rôle dans le développement de la lésion ou de la maladie. Il devrait, si possible, décrire l'interaction des facteurs en cause et l'effet sur le plan fonctionnel de toute lésion ou maladie.

Enfin la formation note qu'elle reçoit fréquemment des rapports remis à la suite de demandes des représentants des parties requérantes sans qu'on lui fournisse copie de la correspondance de ce représentant, y compris la lettre par laquelle il demandait l'avis d'expert et les pièces qui y étaient jointes. La formation est d'avis que le représentant de la partie requérante doit être prêt à aider le Tribunal à obtenir toute la documentation pertinente dont il a besoin pour statuer, ce qui inclut toutes les lettres du représentant demandant des avis médicaux : le Tribunal en est alors saisi et elles font preuve.

En résumé, un avis médical ou un avis d'expert digne de foi et persuasif aux fins du Tribunal consistera d'ordinaire en trois éléments :

  • Les faits pertinents ou le dossier du cas.
  • La conclusion
  • Une explication de la façon dont la conclusion peut être tirée des faits.

L'avis n'a pas à être long ; il sera néanmoins persuasif s'il comporte trois caractéristiques :

  • Les faits ou le dossier sont exacts et exhaustifs : ce sont les mêmes faits qu'indiquent d'autres éléments de preuve.
  • La conclusion, découlant logiquement des faits, a du sens.
  • L'expert donne une explication raisonnable de la façon dont il ou elle arrive à la conclusion à partir des faits.

En outre, doivent être jointes à l'avis, lorsqu'il est administré comme preuve, une description des qualités de l'expert et toute correspondance ou communication par laquelle l'avis a été obtenu.

Avant d'accepter l'avis d'un psychologue au regard d'une question, le Tribunal demande un curriculum vitae détaillé ou quelque autre preuve équivalente démontrant l'expertise du psychologue ou son expérience au regard de la question au sujet de laquelle il ou elle donne un avis. En l'espèce, le Tribunal n'a été saisi d'aucun élément qui puisse démontrer que Carl Sordoni, Ph.D., docteur en psychologie a qualité pour donner les avis qu'il a donné dans son rapport du 14 juillet 1998.

Le Tribunal, en conséquence, est incapable de conclure que l'une et l'autre affections ont été régulièrement diagnostiquées et, de plus, qu'il est saisi de preuves médicales régulières démontrant qu'il y a un rapport entre les affections prétendues et l'état, ayant donné droit à pension, de stress post-traumatique.

L'admissibilité à une pension est, par conséquent, rejetée et la décision du Ministre du 19 avril 1999, confirmée.

NOTA:

L'article 25 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants [révision et appel] porte qu'une partie requérante, un demandeur, qui n'est pas satisfait de la décision rendue peut, par avis écrit, en appeler au Tribunal des anciens combattants [révision et appel]. Elle peut se faire représenter, gratuitement, par un membre du Service juridique des pensions, ou celui d'un service d'une association d'anciens combattants ou par tout autre représentant de son choix, à ses frais.

Pour obtenir de plus amples information sur les présentes, la partie requérante est priée de s'adresser au bureau du district le plus proche du ministère des Anciens Combattants ou au représentant qui lui a prêté son concours au regard de la présente requête.

LOIS PERTINENTES

Il est dit au paragraphe 21 (5) de la Loi sur les pensions qu'en plus de toute pension accordée au titre des paragraphes (1) ou (2), une pension est accordée conformément aux taux indiqués à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, sur demande, à un membre des forces, relativement au degré d'invalidité supplémentaire qui résulte de son état, dans le cas où :

  1. d'une part, il est admissible à une pension au titre des alinéas (1)a) ou (2)a), ou a subi une blessure ou une maladie — ou une aggravation de celle-ci — qui aurait donné droit à une pension à ce titre si elle avait entraîné une invalidité;
  2. d'autre part, il est frappé d'une invalidité supplémentaire résultant, en tout ou en partie, de la blessure, maladie ou aggravation qui donne ou aurait donné droit à la pension.

Le paragraphe 39 (1) de la même loi porte que le paiement d'une pension accordée pour invalidité prend effet à partir de celle des dates suivantes qui est postérieure à l'autre :

  1. la date à laquelle une demande à cette fin a été présentée en premier lieu ;
  2. a une date précédant de trois ans la date à laquelle la pension a été accordée au pensionné.

À l'article 18 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants [révision et appel], il est dit que le Tribunal a compétence exclusive pour réviser toute décision rendue en vertu de la Loi sur les pensions et statuer sur toute question liée à la demande de révision.

Il est prévu à l'article 84 de la Loi sur les pensions que le demandeur qui n'est pas satisfait d'une décision du ministre prise sous le régime de la présente loi ou du paragraphe 34 (5) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) peut la faire réviser par le Tribunal.

L'article 3 de la Loi sur Tribunal des anciens combattants (révision et appel) porte que les dispositions de cette loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leurs pays et des personnes à leur charge.

Il est dit à l'article 39 de la même loi que le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes : il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possibles à celui-ci ; il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence ; il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

DÉCISION FAISANT L'OBJET DE L'APPEL

MIGRAINES

FIBROMYALGIE

N'ouvre pas droit à pension en vertu du paragraphe 21 (5) de la Loi sur les pensions, à titre de conséquence à un état de stress post-traumatique ayant donné lieu à pension.

Décision du Ministre en date du 19 avril 1999

 

AUTRE DÉCISION EN CAUSE

ÉTAT DE STRESS POST-TRAUMATIQUE

Droit à pension de trois-cinquième au titre de l'invalidité causée par le service actif dans les forces armées en temps de paix, ou directement liée à ce dernier.

Trib. anc. combat. [rév. et app.] : Révision d'admissibilité, 26 juin 1996

La demanderesse a, pour la première fois, demandé une pension pour cause de migraines et de fibromyalgie le 21 juillet 1998.