2002-861 Décision

Représentant : Gaëtan Paquette, BSJP
Décision No : 100000330861
Type de décision : Appel du droit à pension - Rétroactivité
Lieu de l'audition : Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)
Date de la décision : le 28 février 2002

 

Suite à une audience d'appel du droit à pension tenue pour la conjointe survivante de feu l'appelant tenue le 28 février 2002, le Tribunal rend la décision suivante :

ORDONNANCE

MALADIE DISCALE CERVICALE

Le défunt membre des forces aurait eu droit à une pension pour cette invalidité, évaluée au taux de la catégorie 19 de l'annexe I, à compter du 6 novembre 1997.

Les personnes à charge ont droit à pension si elles sont autrement jugées admissibles. article 35, paragraphes 21(1), 48(3) et alinéa 56(1)(a.1), Loi sur les pensions

Payer un taux additionnel équivalent à 24 mois de pension.
Paragraphe 56(2), Loi sur les pensions

Changement seulement au niveau de la date d'entrée en vigueur.

MALADIE DISCALE LOMBAIRE

Le défunt membre des forces aurait eu droit à une pension pour cette invalidité, évaluée au taux de la catégorie 18 de l'annexe I à 15 p. 100, à compter du 6 novembre 1997.

Les personnes à charge ont droit à pension si elles sont autrement jugées admissibles.
article 35, paragraphes 21(1), 48(3) et alinéa 56(1)(a.1), Loi sur les pensions

Payer un taux additionnel équivalent à 24 mois de pension.
Paragraphe 56(2), Loi sur les pensions

Changement seulement au niveau de la date d'entrée en vigueur.

Copie originale signée par :
_________________________Membre présidant
J.R. Gallant


_________________________Membre
C.L. DePontbriand

Copie originale signée par :
_________________________Membre
M.M. Habington

QUESTIONS EN LITIGE

L'audition d'un comité d'appel du droit à pension a eu lieu par vidéoconférence entre Charlottetown (île-du-Prince-Édouard) et Montréal (Québec) parce que la conjointe survivante de feu l'appelant, était insatisfaite de la décision de révision rendue le 25 juillet 2001 à l'égard du droit à pension. Me Gaëtan Paquette, du Bureau des services juridiques des pensions, représentait l'appelante.

ÉLÉMENTS DE PREUVE

Le représentant a déposé les pièces suivantes à l'appui de la demande :

AD-Ex-O1 : Extrait du manuel Interprétation des Lois, 2e édition, page 239

AD-Ex-O2 : Extrait du manuel Interprétation des Lois, 2e édition, pages 269, 626 et 627

Maladie discale cervicale
Maladie discale lombaire

La question en litige concerne la rétroactivité en vertu du paragraphe 56(2) de la Loi sur les pensions pour les affections ouvrant droit à pension à l'étude, maladie discale cervicale et maladie discale lombaire.

Le représentant a fait valoir que dans sa décision du 25 juillet 2001, le comité de révision du droit à pension a eu tort de refuser à la conjointe survivante la compensation supplémentaire rétroactive prévue au paragraphe 56(2) de la Loi. Il a soutenu que le paragraphe 56(2) ne limite pas l'octroi d'une telle compensation aux cas de retards administratifs de la part du gouvernement ou d'Anciens Combattants Canada. Il a également fait valoir que le comité de révision du droit à pension avait interprété le paragraphe 56(2) de façon beaucoup trop restrictive et que la date d'effet des affections ouvrant droit à pension devrait être fixée au 6 novembre 1995.

MOTIFS ET CONCLUSION

Selon le Tribunal, le libellé du paragraphe 56(2) de la Loi sur les pensions est essentiellement le même que celui du paragraphe 39(2) de la même loi. En ce qui concerne l'application du paragraphe 39(2), il est clair que la disposition est de nature discrétionnaire. Elle pourrait être invoquée lorsque les faits démontrent que des circonstances exceptionnelles sont survenues comme celles mentionnées au paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions.

Ces circonstances sont les suivantes :

  1. retards dans l'obtention des dossiers;
  2. autres difficultés administratives indépendantes de la volonté du demandeur.

Le paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions doit être interprété conjointement avec le 39(1), puisqu'il a pour but de limiter la règle générale de « trois ans » établie au paragraphe 39(1). Alors que généralement, le paragraphe 39(1) accorde un maximum de trois ans de compensation supplémentaire, le paragraphe 39(2) permet d'accorder une telle compensation, dont le montant ne doit pas dépasser celui de deux années supplémentaires de pension, si le dossier répond aux critères mentionnés au paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions.

Selon la décision d'interprétation « I-42 », rendue par le Tribunal précédent, soit le Tribunal d'appel des anciens combattants, concernant l'interprétation du paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions, le paragraphe 39(2) s'applique uniquement lorsqu'il s'écoule une période de plus de trois ans entre la date de la demande de pension et l'octroi de cette pension. Pour invoquer le paragraphe 39(2), le retard doit être de type administratif.

La décision d'interprétation I-42 mentionne également que la nature et les motifs du retard doivent être corroborés par la preuve. Une simple déclaration de la part du demandeur selon laquelle le retard était indépendant de sa volonté ne suffit pas. La preuve doit démontrer qu'il s'est produit un retard dans l'obtention des dossiers ou que la difficulté administrative était indépendante de la volonté du demandeur. Une difficulté ou un retard administratif pourrait signifier une difficulté avec les processus administratifs ou des problèmes opérationnels. Cela ne comprend pas le retard découlant d'une action intentée ou de l'attente d'une décision d'un processus juridictionnel. Le fait de ne pas obtenir une décision favorable après avoir intenté une action en suivant les processus juridictionnels appropriés n'est pas considéré comme un « retard administratif », comme l'a mentionné le rapport de 1968 du comité Woods.

Le Tribunal convient que l'interprétation des mots employés au paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions s'applique aux mots qui apparaissent au paragraphe 56(2) de la Loi. En appliquant cette interprétation aux faits en l'espèce, le Tribunal note que ces faits semblent prendre le sens que leur donne le paragraphe 56(2). Premièrement, la période qui s'est écoulée entre le moment où la demande de pension a été présentée et le moment où la pension a été accordée excède trois ans. La première preuve claire de l'intention de présenter une demande de pension de conjointe survivante est consignée dans une lettre datée du 27 novembre 1989 écrite par l'appelante et adressée au bureau régional du ministère des Anciens Combattants. Bien que l'appelante ait établi un premier contact avec le Ministère en 1984, il ne s'agissait pas d'une demande de pension, mais simplement d'une demande pour laquelle il n'y a eu aucun suivi. Cependant, la preuve démontre clairement que l'appelante a tenté d'obtenir les documents nécessaires pour valider sa demande de pension, et ce, peu de temps après avoir communiqué avec le Ministère en 1989. Par conséquent, le Tribunal note que, bien que la première demande de pension ait été présentée à la fin de 1989, ce n'est que le 1er juin 2000 que la pension a finalement été accordée.

Le paragraphe 56(2) de la Loi sur les pensions exige également qu'on démontre que le problème soit dû soit au retard « dans l'obtention des dossiers » ou à des « difficultés administratives ». Les faits en l'espèce démontrent que le retard était bien d'un retard dans l'obtention des dossiers de service. Les documents nécessaires pour appuyer la demande de l'appelante étaient des dossiers médicaux qui étaient en possession de tierces parties autres que le ministère des Anciens Combattants. La preuve déposée démontre que peu de temps après le premier contact de l'appelante avec le ministère des Anciens Combattants en vue de faire une demande de pension, le représentant de celle-ci a communiqué avec l'ancien employeur de son conjoint décédé pour obtenir les documents nécessaires, y compris le dossier médical du conjoint décédé, de même qu'avec l'Hôpital neurologique de Montréal pour mettre la main sur les documents qui se trouvaient en leur possession.

Les documents déposés démontrent clairement que l'appelante a éprouvé des difficultés à obtenir le dossier médical de son conjoint décédé auprès de l'ancien employeur de celui-ci, Bell Canada. Cela est clairement exprimé dans une lettre en date du 11 juillet 1990 du Dr G. Mathieu, qui mentionne que Bell Canada ne pouvait divulguer aucun renseignement médical sans d'abord obtenir la signature du « patient ». De plus, la preuve documentaire en date du 18 janvier 1991 provenant de l'Hôpital neurologique de Montréal indique qu'ils ont été incapables de localiser le dossier médical du conjoint décédé de l'appelante.

Le paragraphe 56(2) de la Loi sur les pensions exige également une preuve que le retard ou les difficultés étaient indépendants de la volonté de l'appelante. Il ne fait aucun doute que la requérante et son représentant savaient quels documents étaient requis et qu'ils ont fait tous les efforts raisonnables pour les obtenir. Le retard a été causé par l'incapacité de deux organisations bureaucratiques, l'une du secteur privé et l'autre du système de soins de santé, de répondre rapidement, logiquement et adéquatement à la demande légitime de l'appelante qui désirait obtenir le dossier médical de son conjoint décédé. Ni l'appelante ni son représentant ne sont responsables de ce retard à obtenir la preuve nécessaire en temps utile, non plus qu'il ne s'agit d'un retard normal dans le traitement de la demande et des processus juridictionnels prévus par la législation des Anciens Combattants. Ces facteurs indiquent que le retard a été causé par une réelle difficulté administrative, indépendante de la volonté de l'appelante.

Compte tenu qu'il a été clairement prouvé qu'il y a eu un retard dans l'obtention du dossier et que les difficultés éprouvées par l'appelante étaient de nature administrative et indépendantes de sa volonté (et de celle de son représentant), le Tribunal conclut que les faits en l'espèce respectent le libellé du paragraphe 56(2) de la Loi sur les pensions.

Par conséquent, le Tribunal accorde une compensation supplémentaire équivalant à deux années de pension pour les affections ouvrant droit à pension, soit la maladie discale cervicale et la maladie discale lombaire, comme le prévoit le paragraphe 56(2) de la Loi sur les pensions.

En examinant le dossier, le Tribunal a noté que le ministre, dans une décision rendue le 6 novembre 2000, a accordé le droit à pension pour la maladie discale cervicale et la maladie discale lombaire, dont le montant est payable à compter du 1er juin 2000, date de la demande. La décision du comité de révision du droit à pension rendue le 25 juillet 2001 lui octroyait une compensation supplémentaire d'un montant équivalant à trois années de pension pour les deux affections, en se fondant sur la première demande présentée dans les années 1980, en vertu de l'alinéa 56(1)a.1) de la Loi sur les pensions. Cette pension était payable à compter du 6 novembre 1997, soit trois ans après la décision rendue par le ministre.

Puisqu'il y a eu un retard à obtenir les dossiers et que ce retard était indépendant de la volonté de l'appelante, le Tribunal lui accorde donc une compensation supplémentaire d'un montant équivalant à deux années de pension, conformément au paragraphe 56(2) de la Loi sur les pensions.

Pour en arriver à cette décision, le Tribunal a examiné attentivement tous les éléments de preuve, les documents médicaux et les documents présentés à l'appui de l'appel et s'est acquitté pleinement de l'obligation statutaire de trancher tout doute en faveur du demandeur ou de l'appelant, conformément aux articles 3 et 39 de la Loi sur le tribunal des anciens combattants (révision et appel).

 

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA LOI

 

Aux termes de l'alinéa 21(1)a) de la Loi sur les pensions, des pensions sont accordées sur demande, aux membres des forces ou à leur égard, en cas d'invalidité causée par une blessure ou maladie - ou son aggravation - survenue au cours du service militaire accompli pendant la Première Guerre mondiale ou pendant la Seconde Guerre mondiale, ou attribuable à celui-ci.

Aux termes de l'alinéa 56(1)(a.1) de la Loi sur les pensions, la pension accordée par suite du décès d'un membre des forces est payable comme il suit :

a.1) l'alinéa a.2) ne s'appliquant pas, dans le cas où le membre ne recevait pas, à son décès, une pension supplémentaire visée aux alinéas 21(1)a) ou (2)a) à l'égard d'une personne — survivant ou enfant, père ou mère ou autre personne en tenant lieu — qui était alors totalement ou essentiellement à sa charge, ou dans le cas où une pension est accordée en vertu de l'article 48, à cette personne, ou à l'égard de celle-ci, à compter de la date précédant de trois ans celle à laquelle la pension a été accordée ou, si elle est postérieure, la date de présentation initiale de la demande de pension.

Aux termes de paragraphe 29(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le comité d'appel peut soit confirmer, modifier ou infirmer la décision en appel, soit la renvoyer pour réexamen, complément d'enquête ou nouvelle audition à la personne ou au comité de révision qui l'a rendue, soit encore déférer à cette personne ou à ce comité toute question non examinée par eux.

Aux termes du paragraphe 39(1) de la Loi sur les pensions, le paiement d'une pension accordée pour invalidité prend effet à partir de celle des dates suivantes qui est postérieure à l'autre:

(a) la date à laquelle une demande à cette fin a été présentée en premier lieu;

(b) une date précédant de trois ans la date à laquelle la pension a été accordée au pensionné.

Aux termes du paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions, malgré le paragraphe (1), lorsqu'il est d'avis que, en raison soit de retards dans l'obtention des dossiers militaires ou autres, soit d'autres difficultés administratives indépendantes de la volonté du demandeur, la pension devrait être accordée à partir d'une date antérieure, le ministre ou le Tribunal, dans le cadre d'une demande de révision ou d'un appel prévus par la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) peut accorder au pensionné une compensation supplémentaire dont le montant ne dépasse pas celui de deux années de pension.

Aux termes du paragraphe 48(3) de la Loi sur les pensions, sur demande d'une personne à charge d'un membre des forces qui est décédé sans avoir présenté de demande de pension et dont le décès n'est pas attribuable au service militaire, le ministre est tenue de décider si ce membre aurait eu droit à une pension s'il avait présenté une demande à cette fin avant son décès, de la même façon que si la demande avait été présentée par ce membre.

Aux termes du paragraphe 56(2) de la Loi sur les pensions, malgré les paragraphes (1) et (1.1), s'il est d'avis que, en raison soit de retards dans l'obtention des dossiers militaires ou autres, soit d'autres difficultés administratives indépendantes de la volonté du demandeur, la pension ou l'augmentation devrait être accordée à partir d'une date antérieure, le ministre ou, dans le cadre d'une demande de révision ou d'un appel prévus par la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le Tribunal peut accorder au pensionné une compensation supplémentaire, à concurrence d'un montant équivalent à deux années de pension ou d'augmentation.

L'article 25 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) stipule que le demandeur qui n'est pas satisfait de la décision rendue en vertu des articles 21 ou 23 peut en appeler au Tribunal.

L'article 26 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) stipule que le Tribunal a compétence exclusive pour statuer sur tout appel interjeté en vertu de l'article 25, ou sous le régime de la Loi sur les allocations aux anciens combattants ou de toute autre loi fédérale, ainsi que sur toute question connexe.

L'article 3 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) stipule que les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

L'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) stipule que le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci; il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence; il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

DÉCISION FAISANT L'OBJET D'UN APPEL

MALADIE DISCALE CERVICALE

Le défunt membre des forces aurait eu droit à une pension d'invalidité de classe 19 ou de catégorie 1 de 10 p. 100, payable à compter du 6 novembre 1997 (trois ans avant la décision du ministre).

Personnes à charge ayant droit à la pension.
Article 35, paragraphes 21(1) et 48(3) et alinéa 56(1)a.1), Loi sur les pensions.
Article 21, Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

Changement de la date à compter de laquelle la pension est payable

Alinéa 56(1)a.1), Loi sur les pensions.

Après avoir examiné attentivement les faits en l'espèce, le Tribunal n'a trouvé aucune preuve justifiant une compensation supplémentaire.
Paragraphe 56(2), Loi sur les pensions
Comité de révision, le 25 juillet 2001

MALADIE DISCALE LOMBAIRE

Le défunt membre des forces aurait eu droit à une pension d'invalidité de classe 18 ou de catégorie 1 de 15 p.100, payable à compter du 6 novembre 1997 (trois ans avant la décision rendue par le ministre).

Personnes à charge ayant droit à la pension.
Article 35, paragraphes 21(1) et 48(3) et alinéa 56(1)a.1), Loi sur les pensions.
Article 21, Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

Changement de la date à compter de laquelle la pension est payable

Alinéa 56(1)a.1), Loi sur les pensions.

Après avoir examiné attentivement les faits en l'espèce, le Tribunal n'a trouvé aucune preuve justifiant une compensation supplémentaire.
Paragraphe 56(2), Loi sur les pensions

Comité de révision, le 25 juillet 2001

AUTRE DÉCISION PERTINENTE

MALADIE DISCALE CERVICALE
MALADIE DISCALE LOMBAIRE

Ouvrent droit à pension en vertu des paragraphes 49(3) et 21(1) de la Loi sur les pensions et du service dans les forces actives.

Décision du ministre en date du 6 novembre 2000

La conjointe survivante de feu l'appelant, a déposé sa première demande de pension pour les affections décrites ci-dessus il y a plus de trois ans.