2002-992 Décision

Représentant : Aidan Sheridan, BSJP
Décision No : 100000313992
Type de décision : Appel de l'évaluation - Rétroactivité
Lieu de l'audition : Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)
Date de la décision : 6 mars 2002

 

Suite à une audience d'appel de l'évaluation tenue pour l'appelant le 6 mars 2002, le Tribunal rend la décision suivante:

ORDONNANCE

CHEVILLE DROITE FRACTURÉE (OPÉRÉE) - RETROACTIVITÉ

Aucun changement dans la date d'entrée en vigueur de la majoration à 25 p. 100.
article 35, Loi sur les pensions.

Copie originale signée par:
_________________________Membre présidant
J.A. Boisvert

 

Copie originale signée par:

________________________Membre
L.J. MacInnis

 

Copie originale signée par:

________________________Membre
P.L. Murphy

 

QUESTIONS EN LITIGE

Un comité d'appel (évaluation) a tenu une audience à Charlottetown, Île-du-Prince-Édouard, le 6 mars 2002, car l'appelant était insatisfait de l'évaluation de son affection indemnisée, une fracture de la cheville droite (pour laquelle il a subi une opération). L'appelant était représenté par M. Aidan Sheridan du Bureau de services juridiques des pensions.

ÉLÉMENTS DE PREUVE

L'avocat-conseil a soumis les pièces suivantes à titre de preuve :

AÉ-Annexe-C1: Tableau annexé à la section 18.01 de la Table des invalidités d'Anciens combattants Canada;

AÉ-Annexe-C2: Cinq pages de correspondance adressée par le Ministère à l'appelant.

Cheville droit fracturée (opérée)- Retroactivité

FAITS ET ARGUMENT

L'appel concerne la date à laquelle le paiement de l'augmentation de l'évaluation faite à l'égard de l'affection ouvrant droit à pension, une fracture de la cheville, aurait dû prendre effet. Cette date sera désignée ici comme la « date de prise d'effet ».

Les faits relatifs à la cause sont les suivants. L'appelant a subi une arthrodèse à la cheville droite le 7 mai 1987, comme l'indique un compte rendu de l'intervention chirurgicale portant cette date. L'opération a donné lieu à une arthrodèse de la cheville en position sous-optimale. L'appelant a reçu des allocations de traitement du Ministère pour la période entourant l'intervention chirurgicale pendant laquelle il avait besoin de soins actifs et intensifs, comme l'indique une lettre d'Anciens combattants Canada, en date du 10 août 1987, incluse dans la pièce AÉ-Annexe-C2, concernant le paiement des allocations de traitement. La lettre indiquait entre autres ce qui suit « [Traduction] l'information médicale a été renvoyée à la Commission canadienne des pensions pour examen.» Après l'intervention chirurgicale, l'appelant n'a pas demandé une réévaluation de son invalidité ouvrant droit à pension. Il n'a pas non plus été contacté par Anciens combattants Canada ni par la Commission canadienne des pensions (CCP) après son intervention subie en 1987. C'est pourquoi son degré d'invalidité n'a pas été réévalué après cette intervention.

La première réévaluation dont l'appelant a fait l'objet après l'intervention de 1987 a été réalisée en 1999 par suite d'une demande de réévaluation de l'affection indemnisée, savoir la cheville droite fracturée (opérée). D'après les faits, une réévaluation a été effectuée en juillet 1999, peu après que l'appelant eut communiqué avec le Ministère le 17 mai 1999. Le processus consistait en un examen médical aux fins de pension, réalisé par un médecin principal de district, assorti d'une évaluation des constats, faite en conformité de la Table des invalidités d'Anciens combattants Canada. Le médecin principal de district qui a effectué l'examen médical aux fins de pension a recommandé le niveau d'évaluation de base (20 p. 100) prescrit dans le cas d'une arthrodèse, selon la rubrique 13 du tableau 18.01 de la Table des invalidités, majoré d'un supplément de 5 p. 100 applicable à la position sous-optimale, ce qui donne une évaluation totale de 25 p. 100. Le médecin principal de district a aussi fait observer qu'à son avis, l'augmentation de l'évaluation devrait avoir un effet rétroactif remontant à 1987, puisque l'affection qui justifiait l'évaluation de 25 p. 100 avait été présente depuis la date de l'intervention chirurgicale.

Au terme de la réévaluation, le niveau de l'évaluation applicable à la cheville droite est passé de 10 à 25 p. 100, comme l'indique une décision du Ministre en date du 11 août 1999. Le Ministre a déterminé que la date de prise d'effet de l'augmentation était le 26 juillet 1999. L'appelant était satisfait du montant de sa réévaluation, mais mécontent de la décision du Ministre concernant la date de prise d'effet de l'augmentation. Il a demandé une révision de la décision par le Tribunal. Dans sa décision rendue le 23 décembre 1999, le Tribunal a déterminé que le Ministre n'avait pas dûment pris en considération la question de la date de prise d'effet et a renvoyé la question au Ministre.

La décision prise par le Ministre le 12 juin 2000 au terme d'un nouvel examen du dossier différait de la décision antérieure en ce sens qu'elle a établi que l'appelant avait droit à l'application rétroactive de l'augmentation à compter du 17 mai 1999, mais a confirmé qu'elle ne remonterait pas à la date de l'opération de la cheville en 1987. Dans son refus d'appliquer la rétroactivité à compter de 1987, l'évaluateur a indiqué que le degré d'invalidité a peut-être évolué depuis l'opération, mais qu'il était impossible de déterminer maintenant ce qu'il avait été en 1987.

Insatisfait de cette décision du Ministre en date du 12 juin 2000, l'appelant a présenté une demande de révision par le tribunal. Il a fait valoir que la date de prise d'effet aurait dû être fondée sur la date à laquelle l'information médicale fournie a établi que son affection s'était détériorée, soit le 7 mai 1987, date de l'intervention chirurgicale, non pas la date à laquelle il a avisé le Ministère d'une détérioration de son état. Dans sa décision du 2 novembre 2000, le comité d'examen a confirmé la décision du Ministre en déterminant que la date de l'avis, le 17 mai 1999, était une date de prise d'effet appropriée, puisqu'elle était fondée sur l'application raisonnable des politiques du Ministère en la matière.

L'appelant en a appelé de la décision du comité d'examen auprès du Tribunal d'appel.

Au cours de l'appel, l'avocat-conseil a allégué que si l'appelant était satisfait du montant de l'évaluation de son invalidité, l'augmentation (de 15 p. 100) de son évaluation aurait dû être applicable à compter de 1987, date à laquelle il a subi une opération à la cheville droite. Il a fait valoir que l'appelant avait droit au paiement de l'augmentation de sa pension 12 ans avant la date de l'avis et de la demande de réévaluation de son invalidité. Il a soutenu que l'augmentation aurait dû prendre effet à la date de l'intervention chirurgicale en 1987, même si l'appelant n'avait pas tenté à l'époque de faire modifier l'évaluation de son invalidité. Il a déclaré que le ministère des Anciens combattants était tenu selon la loi d'entreprendre la réévaluation de l'état de la cheville de l'appelant. L'avocat-conseil a fait valoir ce qui suit :

...Le fait que le Ministère avait été mis au courant de l'arthrodèse subie par l'appelant au mois de mai 1987, cette information aurait automatiquement dû avoir pour conséquence la mise en oeuvre du processus de réévaluation, car il est évident que cette intervention chirurgicale comportait une fusion de la cheville, ce qui doit conduire automatiquement à une augmentation dans le cadre de l'évaluation.

L'avocat-conseil a aussi soutenu qu'il incombait au ministère des Anciens combattants et à la Commission canadienne des pensions de planifier la réévaluation de l'appelant puisque le Ministère avait fait dans des lettres adressées à ce dernier des déclarations qui l'avaient amené à croire que la Commission se chargerait d'entreprendre la réévaluation de sa cheville. Selon l'avocat-conseil, si la réévaluation n'a pas été faite au moment opportun c'est uniquement parce que le Ministère n'a pas mis en branle le processus pour l'appelant et, n'eût été de cette omission, le degré d'invalidité de l'appelant aurait été réévalué à 25 p. 100 en 1987. L'avocat-conseil a donc soutenu que le paiement de l'augmentation actuelle de l'évaluation devrait prendre effet rétroactivement en mai 1987, comme si la réévaluation avait été faite à ce moment-là.

MOTIFS ET CONCLUSION

En arrivant à sa décision, le Tribunal a très attentivement examiné tous les éléments de preuve, les dossiers médicaux ainsi que le plaidoyer du représentant, et il a respecté l'obligation statutaire d'accorder le bénéfice du doute à l'appelant ou au demandeur en vertu des dispositions des articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

L'appel concerne la date à laquelle l'augmentation de l'évaluation de l'affection indemnisée de l'appelant, une fracture de la cheville droite, aurait dû prendre effet. L'appelant tente d'obtenir que le paiement de l'augmentation de sa pension prenne effet rétroactivement le 7 mai 1987, plutôt que le 17 mai 1999. Le 7 mai 1987 est une date importante puisque c'est celle à laquelle l'intervention chirurgicale a été pratiquée sur la cheville droite de l'appelant. La date à laquelle l'appelant a tenté d'obtenir une augmentation de son évaluation ou présenté une demande à cet égard était le 17 mai 1999.

Le Tribunal doit avant tout déterminer si la preuve médicale qui lui a été présentée appuie de manière raisonnable la conclusion selon laquelle le degré d'invalidité de l'appelant pouvait être évalué à 25 p. 100 à la date de son intervention chirurgicale en 1987. Dans l'affirmative, le Tribunal doit passer à l'examen de la deuxième question fondamentale.

La deuxième question est de savoir si l'augmentation de l'évaluation de l'appelant devrait prendre effet rétroactivement en 1987, lorsque la preuve médicale a montré que le degré de son invalidité liée à son affection à la cheville avait augmenté par suite de l'intervention chirurgicale, selon la rubrique 13, « Arthrodèse », du tableau 18.01 annexé au chapitre 18 de la Table des invalidités du ministère des Anciens combattants du Canada.

Pour trancher la question, le Tribunal examinera l'argument de l'avocat-conseil selon lequel la responsabilité de présenter une demande de réévaluation appartenait non pas à l'appelant mais au ministère des Anciens combattants, d'après l'étude du dossier.

ANALYSE DES QUESTIONS EN LITIGE

Première question: Les faits et les éléments de preuve figurant au dossier de l'appelant appuient-ils l'idée selon laquelle le degré d'invalidité de l'appelant pouvait être évalué à 25 p. 100 en 1987?

Il ressort d'un examen des motifs invoqués par le Ministre dans sa décision prise le 12 juin 2000 au terme d'un nouvel examen du dossier que les documents relatifs à l'arthrodèse pratiquée sur la cheville droite le 7 mai 1987 n'ont pas été jugés suffisants pour étayer la conclusion selon laquelle l'état de la cheville se serait détérioré au point où le degré d'invalidité aurait été évalué à 25 p. 100 à compter de mai 1987. Dans sa décision rendue le 12 juin 2000, le Ministre indique entre autres ce qui suit :

L'arthrodèse pratiquée sur la cheville en 1987, ne devrait pas forcément entraîner une augmentation de votre degré d'invalidité. De telles interventions peuvent améliorer le fonctionnement en réduisant la douleur et en renforçant la stabilité de l'articulation de la cheville.

En conséquence, le Ministère a établi la date de prise d'effet en fonction de la date de la demande de réévaluation présentée en 1999.

Dans sa plaidoirie, l'avocat-conseil n'a pas directement contesté l'argumentation de l'évaluateur, fondée sur la preuve médicale. Il est néanmoins évident que les allégations de l'avocat-conseil reposent sur la prémisse selon laquelle la preuve médicale figurant au dossier de l'appelant appuie la conclusion que le degré d'invalidité liée à la cheville aurait pu être évalué à 25 p. 100 en 1987.

Le Tribunal a examiné attentivement la preuve médicale versée au dossier concernant la question préliminaire, à savoir si la preuve médicale figurant au dossier permettait de faire valoir que si le degré d'invalidité de l'appelant avait été évalué en 1987, il aurait été établi à 25 p. 100.

La décision du Ministre semble fondée essentiellement sur la notion selon laquelle le degré d'invalidité qui existait en 1987 ne pouvait pas être évalué rétrospectivement en 1999. Si le Tribunal doit convenir en principe que l'idée de tenter d'évaluer rétroactivement un degré d'invalidité n'est pas pratique courante, cette affaire est assez exceptionnelle. Un examen des faits et des dispositions de la Table des invalidités du ministère des Anciens combattants du Canada n'amène pas le Tribunal à entériner les conclusions tirées par le Ministre à la lumière de l'analyse de la preuve médicale et de ses répercussions sur ce cas précis.

Premièrement, il ne fait aucun doute que l'appelant a subi le 7 mai 1987 une intervention chirurgicale qui a entraîné une arthrodèse de la cheville en position sous-optimale. Le fait est établi dans un compte rendu de l'intervention chirurgicale en date du 7 mai 1987, qui indique que la cheville de l'appelant a été soudée, depuis la date de l'intervention, mais en position sous-optimale. Le Tribunal est d'avis que le compte rendu est fiable et objectif. Le document a été établi au moment même de l'opération dans le but de décrire celle-ci. Il s'agit pas d'un document médico-légal, en ce sens qu'il n'a pas été préparé à l'appui de la demande présentée par l'appelant. Étant donné son caractère factuel et objectif, ce compte rendu est considéré comme une preuve fiable de l'état de la cheville de l'appelant en 1987.

Un autre facteur important amène le Tribunal à aboutir à une conclusion différente de celle du Ministre, à savoir que les dispositions de la Table des invalidités du ministère des Anciens combattants sont exceptionnellement spécifiques, concrètes et claires. En effet, la rubrique 13 du tableau annexé à la section 18.01 du chapitre 18 indique très précisément qu'une « arthrodèse » de la cheville en position optimale justifie une évaluation de 20 p. 100. À cela s'ajoute l'avis émis par le médecin principal de district en 1999, selon lequel la position « sous-optimale » était un élément qui venait contribuer au degré d'invalidité global et qui justifiait que l'évaluation soit majorée de 5 p. 100 pour tenir compte de la position de l'arthrodèse. L'évaluation totale a été fixée à 25 p. 100. Le médecin principal de district a également indiqué que ce degré d'invalidité était présent depuis 1987.

Compte tenu des preuves factuelles et de l'opinion du médecin principal de district en ce qui concerne le montant de l'évaluation, qui ont été clairement acceptés par le Ministère, ainsi que des dispositions de la rubrique 13 du tableau annexé à l'article 18.01 du chapitre 18 de la Table des invalidités, on pourrait difficilement parvenir à une conclusion autre que celle selon laquelle les preuves dont on dispose sont suffisantes pour que l'on fasse raisonnablement valoir, conformément à l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), que le degré d'invalidité de l'appelant à compter de la date de son intervention chirurgicale ou après celle-ci, aurait en toute vraisemblance été d'environ 25 p. 100.

Toutefois, de l'avis du Tribunal, cette conclusion ne résout pas entièrement la question de la date appropriée de prise d'effet de l'augmentation de 15 p. 100 de l'évaluation de l'invalidité. Ce cas soulève une autre question que l'on doit régler afin de déterminer s'il convient de consentir à ce que l'augmentation de l'évaluation de l'invalidité de l'appelant soit applicable douze ans avant la présentation par ce dernier d'une demande de modification de son évaluation. Cette question nous amène à nous interroger sur la « deuxième question », à savoir si l'augmentation de l'évaluation devrait prendre effet rétroactivement en 1987?

Deuxième question: L'augmentation de l'évaluation de l'appelant devrait-elle s'appliquer rétroactivement à la date, en 1987, où le degré d'invalidité découlant de son affection à la cheville avait augmenté par suite de l'intervention chirurgicale?

L'appelant tente d'obtenir que la réévaluation faite en 1999, qui a porté à 25 p. 100 l'évaluation de son degré d'invalidité, prenne effet en 1987, comme s'il avait effectivement demandé l'augmentation en 1987. Il est important de comprendre que l'appelant ne cherche pas à obtenir que l'augmentation de son évaluation ait un effet rétroactif à une date antérieure à celle où la décision d'accorder l'augmentation a été rendue. Il tente plutôt d'obtenir une augmentation de sa compensation, avec effet rétroactif à la date à laquelle il a demandé l'augmentation.

Habituellement, le ministère des Anciens combattants donne un effet rétroactif à ses décisions concernant le paiement d'une compensation ou d'une augmentation de la compensation. Selon l'acception généralement donnée au terme de rétroactivité par le Ministère, le paiement d'une allocation prend effet rétroactivement à la date de la décision, mais pas antérieurement à la date de la présentation de la demande. En conséquence, il ne fait aucun doute que l'appelant a droit au paiement rétroactif de sa compensation majorée, et il s'est effectivement vu octroyer un paiement rétroactif à l'égard de la période écoulée entre la date de sa première demande de réévaluation en mai 1999 et la date de la décision d'augmenter l'évaluation, prise par le Ministre le 11 août 1999.

Dans ce cas, toutefois, l'avocat-conseil soutient que l'affection de l'appelant aurait pu être évaluée à 25 p. 100 si elle avait fait l'objet d'une réévaluation en 1987, de sorte que l'augmentation de l'évaluation devrait maintenant être versée à l'appelant comme si ce dernier en avait fait la demande après son intervention chirurgicale de 1987. Cet argument soulève une question à laquelle on ne peut apporter de réponse satisfaisante qu'au terme d'un examen complet des mesures législatives et politiques pertinentes, à la lumière des faits relatifs à cette cause.

D'après les faits, il s'est écoulé un laps de temps très long entre la date à laquelle la preuve médicale a indiqué un changement dans l'affection de l'appelant et la date à laquelle l'appelant a communiqué avec le ministère des Anciens combattants (le « Ministère ») pour demander que son degré d'invalidité soit réévalué. Selon la politique ministérielle concernant les dates de prise d'effet d'une augmentation d'une évaluation, la rétroactivité peut être accordée lorsque la preuve médicale montre que la détérioration de l'affection est survenue avant la date de la demande. Bien qu'il n'existe aucun énoncé de politique en bonne et due forme en la matière, le Ministère n'a pas pour habitude de donner effet à une évaluation à une date qui précède de beaucoup celle de la présentation de la demande.

Le Tribunal a examiné dans son intégralité la Loi sur les pensions afin de déterminer le sens profond de la loi concernant les dates de prise d'effet d'une augmentation d'une compensation consentie au terme d'une réévaluation. Il n'existe dans la Loi sur les pensions aucune disposition indiquant précisément à quel moment devrait débuter le paiement d'une évaluation. L'article 35 de la Loi sur les pensions traite de la question des évaluations, mais il n'apporte pas de vraie réponse à la question de savoir si une augmentation ou une modification d'une évaluation peut avoir un effet rétroactif à la date à laquelle une réévaluation a été faite par le Ministère. L'article 35 stipule simplement que le montant des pensions pour invalidité doit être calculé en fonction de l'estimation du degré de l'invalidité, laquelle doit être fondée sur les instructions contenues dans la Table des invalidités. Le paragraphe 37(2) de la Loi sur les pensions indique que les pensions seront rajustées conformément au degré de l'invalidité. Il ne précise toutefois pas quand un tel rajustement doit se faire.

Par ailleurs, il ressort aussi nettement d'un examen de la loi qu'il n'existe aucune disposition indiquant qu'une compensation ou l'augmentation d'une compensation peuvent ou doivent avoir un effet rétroactif à une date antérieure à celle de la présentation de la demande de compensation. Le Manuel des politiques - Pensions du ministère des Anciens combattants confirme simplement que la date de prise d'effet de toute augmentation d'une évaluation d'invalidité est une décision discrétionnaire. La rubrique 35 du Manuel prévoit que l'on peut donner effet à l'augmentation d'une évaluation à une date antérieure à celle de la présentation de la demande ou de l'avis, dans certaines circonstances. La politique n'offre aucune indication ni n'impose de limite quant à la période où peut remonter la rétroactivité accordée par le Ministère à la lumière de la date de la preuve médicale présentée à l'appui de l'avis.

Comme il n'existe dans la Loi sur les pensions aucune disposition stipulant précisément qu'un changement dans une évaluation doit prendre effet à une date précise, il est évident que la Loi sur les pensions laisse aux responsables des décisions relatives aux évaluations beaucoup de pouvoir discrétionnaire. Pour que ce pouvoir soit dûment exercé, le sens profond, les objectifs et l'esprit de la Loi sur les pensions sont tous des facteurs qui doivent être pris en considération.

Comme le Tribunal l'expliquera dans cette décision, bien que la Loi sur les pensions demeure silencieuse sur la question des dates de prise d'effet d'une augmentation ou d'une diminution d'une évaluation, et que la politique ne fournisse au Tribunal aucune indication précise quant à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en la matière, le Tribunal ne considère pas qu'il s'agit là d'une preuve que la loi laisse entendre que la rétroactivité doit être accordée dans tous les cas. Lorsqu'on examine le sens profond de la Loi sur les pensions en ce qui concerne les dates de prise d'effet en général, il ne faut pas perdre de vue que la loi stipule que les compensations doivent être versées rétroactivement à la date à laquelle la décision d'octroyer la pension a été prise. Cependant, la loi ne va pas jusqu'à laisser entendre ou stipuler que toute compensation peut prendre effet rétroactivement à une date à laquelle la demande a été présentée en premier lieu. En fait, le paragraphe 39(1) limite à trois ans la période de rétroactivité maximale, et le paragraphe 39(2) prévoit que cette période peut être de cinq ans dans certaines circonstances exceptionnelles, peu importe la date de la présentation de la demande.

Selon l'interprétation qui en a toujours été donnée, l'article 39 de la Loi sur les pensions ne s'appliquerait qu'aux dates de prise d'effet relatives aux décisions concernant l'admissibilité, plutôt qu'aux dates de prise d'effet des évaluations. C'est dire que bien qu'il s'applique à la décision d'accorder une pension en premier lieu, il ne vaut pas pour les dates de prise d'effet d'une augmentation ou d'une diminution du montant de la compensation pouvant découler d'une réévaluation.

Si l'article 39 de la Loi sur les pensions ne s'applique pas directement à l'établissement d'une date de prise d'effet de l'augmentation ou de la diminution d'une évaluation, il est intéressant de signaler que dans tous les cas, bien qu'il stipule que le paiement des compensations peut avoir un effet rétroactif à la date de présentation de la demande, il ne tient pas compte d'une date de prise d'effet qui précède la date de présentation de la demande. De plus, cet article ne confère guère plus de droit à une « rétroactivité » que ne le font les principes généraux du droit commun. Si l'article 39 de la Loi sur les pensions est couramment désigné comme la disposition relative à la rétroactivité, on pourrait tout aussi bien le décrire comme la disposition qui limite la rétroactivité. Il ne prévoit pas qu'une compensation soit payable à une date antérieure à celle de la présentation de la demande. En fait, il stipule que les pensions ne peuvent prendre effet à la date de la présentation de la demande lorsque plus de trois ans se sont écoulés depuis la date de présentation de la demande. De toute évidence, la rétroactivité et l'importance de la date de présentation de la demande sont des sujets de préoccupation bien présents dans la loi.

Comme il n'existe dans la Loi sur les pensions aucune disposition qui apporte une réponse explicite à la question des dates de prise d'effet des évaluations, il est utile, pour acquérir une certaine perspective sur la question de la rétroactivité, de consulter certains principes du droit commun en la matière. En vertu du droit commun, il n'existe aucun droit à la « rétroactivité ». De manière générale, c'est la date à laquelle une personne a pour la première fois présenté une demande de prestation qui est reconnue dans la loi comme la date de prise d'effet d'une compensation. Quoi qu'il en soit, lorsqu'une personne tente d'obtenir une prestation ou une compensation, soit d'un organisme gouvernemental ou d'un individu (selon le droit privé ou civil), le droit au paiement de la compensation commencerait à être applicable à la date à laquelle la demande de compensation a été présentée, ou la date à laquelle les éléments de preuve nécessaires à l'avis ont enfin été reçus. Le principe général ici est que le droit à des paiements rétroactifs n'existe pas sauf s'il est explicitement prévu dans un texte de loi. En l'absence d'un tel droit, on présume que la personne ne peut réclamer le paiement rétroactif d'une compensation.

Le Tribunal signale aussi que l'argument de l'appelant, selon lequel le paiement de l'augmentation de son évaluation devrait prendre effet rétroactivement en 1987, même s'il n'a pas présenté de demande d'augmentation avant 1999, laisse entendre que la demande de réévaluation proprement dite n'est pas un facteur important dans l'établissement d'une date de prise d'effet. Ce raisonnement soulève des questions quant au rôle de la demande dans le processus de réévaluation.

À ce propos, l'avocat-conseil a souligné qu'il n'existe dans la loi aucune disposition qui stipule explicitement qu'un pensionné doit présenter une demande de réévaluation. Or, après avoir examiné attentivement la loi à ce sujet, le Tribunal doit conclure que le droit de présenter une demande de réévaluation est un élément important du processus de réévaluation en vertu de la Loi sur les pensions, et que la date de la demande est un facteur clé qui doit être pris en considération lors de la détermination de la date de prise d'effet de toute augmentation de l'évaluation.

Cette conclusion découle d'un examen de l'évolution de la Loi sur les pensions, observée au cours des 31 dernières années. En 1971, des changements d'ordre législatif ont modifié la nature du processus d'évaluation des invalidités. Avant ces modifications, le pensionné n'avait ni le droit de demander une réévaluation de son affection ouvrant droit à pension, ni le droit d'en appeler d'une évaluation. De plus, les réévaluations étaient entièrement laissées à la discrétion de la Commission canadienne des pensions (CCP). La responsabilité d'entreprendre toute évaluation incombait entièrement à la CCP. Le pensionné ne pouvait pas demander une réévaluation. Or, par suite des modifications apportées à la loi en 1971, le pensionné a acquis le droit de demander une augmentation de son évaluation et d'en appeler d'une évaluation de son invalidité. Les modifications et leurs conséquences ont été analysées dans la décision d'interprétation, rendue par le Conseil de révision des pensions (CRP), appelée « I-17 » (27 avril 1976). Le Tribunal se reporte à la page 3 des raisons invoquées par le CRP dans la décision I-17:

Avant le 30 mars 1971, la définition d'un requérant ou d'un pensionné dans le cadre de la Loi sur les pensions comportait des dispositions concernant une demande de pension automatique sous certaines conditions. Cette définition contraignait la Commission à entreprendre l'examen d'une réclamation sans que le requérant ait fait une demande en bonne et due forme, et une invalidité au moment de sa libération du service constituait une condition préalable à une telle démarche de la part de la Commission canadienne des pensions. Cette disposition de la loi contraignant la Commission à entreprendre l'examen d'une demande a toutefois été supprimée en 1971. Un « requérant » ou demandeur répondait à la définition suivante : « ...une personne qui a fait une demande pour obtenir une pension ou pour une augmentation de sa pension... ». Le mot « demande » a adopté la signification de « demande pour obtenir une pension » et « compensation » est devenu synonyme d' « une pension, allocation, bonification ou subvention payable conformément à la Loi. »

Ce n'est pas sans raison que l'article de la loi définissant la procédure a lui aussi été modifié.

Antérieurement aux modifications apportées en 1971, il existait deux procédures distinctes. L'une était destinée aux demandes provenant de requérants ayant participé à la Première Guerre mondiale ou aux demandes relatives au service en temps de paix, et l'autre aux demandes de requérants ayant participé à la Seconde Guerre mondiale. On ne trouvait pas dans la Loi de dispositions précisant les procédures à respecter concernant les prestations discrétionnaires (avantages facultatifs) telles que la pension accordée pour des raisons exceptionnelles, l'allocation pour soins etc., et de plus, il n'existait aucune procédure particulière au moyen de laquelle un pensionné pouvait faire une demande d'augmentation de son évaluation ou de réévaluation du degré d'aggravation. Il n'existait pas non plus de disposition permettant une réévaluation ultérieure ou encore, de faire appel. L'article comprenant la procédure, qui était alors réparti en dix, les articles 58 à 68, régissait uniquement les demandes d'admissibilité définies dans l'article 12 (autrefois l'article 13). L'article 58 (devenu aujourd'hui l'article 59) a été modifié pour faire en sorte que soient incluses les demandes d'indemnité et les questions relatives à l'évaluation des quantités ou à l'admissibilité. Ces modifications ont créé des voies de recours pertinentes utiles à toutes les personnes qui avaient fait la demande d'une compensation. Ces modifications ont ainsi garanti un droit d'appel à tous les requérants...

On ne doit pas perdre de vue que les procédures dans le cadre de la Loi sur les pensions empruntent la forme d'une enquête et non celle d'un procès. Une fois que la personne qui fait une demande de compensation, ou d'augmentation d'une compensation, fait état d'une invalidité, et qu'elle définit la durée de la période de service au cours de laquelle elle en a souffert, cet aspect de la demande doit franchir les étapes de l'examen et du règlement (par décision rendue).

Le Tribunal signale que si les modifications apportées à la Loi sur les pensions en 1971 ont elles-mêmes été changées pour tenir compte de l'actuelle distinction établie entre les pouvoirs administratifs et les pouvoirs décisionnels du ministère des Anciens combattants et du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), l'esprit général de la Loi sur les pensions est demeuré intact depuis 1971. Selon la définition qu'en donne le paragraphe 3(1) de l'actuelle Loi sur les pensions, le terme « demandeur » désigne toujours une « personne qui demande une compensation ou l'augmentation d'une compensation ». Selon le régime qui a été établi à l'époque, et qui existe encore selon la Loi sur les pensions, il est important de signaler que l'individu a le droit de demander une réévaluation de l'affection à l'égard de laquelle il a reçu une pension. Il bénéficie aussi d'un droit d'appel lorsqu'il est insatisfait d'une évaluation d'invalidité, droit qui n'existait pas avant le régime mis en place en 1971.

Bref, les modifications apportées à la Loi sur les pensions ont changé le processus d'évaluation. En effet, si auparavant, les évaluations d'une invalidité, leur augmentation et leur réduction, étaient des décisions qui étaient entièrement laissées à la discrétion du Ministère, et aucun mécanisme ne permettait au pensionné de demander une réévaluation, la situation n'est plus la même depuis 1971. Les modifications apportées à la Loi sur les pensions, dont il est question dans « I-17 », ont ouvert la voie aux réévaluations entreprises à l'initiative du pensionné. Comme on a jugé que le droit de demander une réévaluation était suffisamment important pour l'enchâsser dans la loi, le Tribunal conclut que la demande de réévaluation était, et demeure, une étape importante de la mise à exécution du droit à une réévaluation aux termes de la Loi sur les pensions.

La conclusion selon laquelle la demande de réévaluation fait partie intégrante du processus de réévaluation est étayée par un examen de la façon dont a procédé le Ministère pour administrer les réévaluations en vertu de la Loi sur les pensions. Pour obtenir une réévaluation, il suffit qu'un pensionné indique au Ministère qu'il est insatisfait du niveau actuel de son évaluation. Le régime des réévaluations établi conformément à l'article 3 de la Loi sur les pensions est généreux en ce sens qu'il permet des réévaluations sur demande sans restreindre d'aucune façon la capacité d'un pensionné de réclamer une augmentation de son évaluation. Par ailleurs, il ressort nettement d'une lecture de la Loi sur les pensions que selon ce régime, les droits des pensionnés sont également assortis de certaines obligations. Il est également évident que pour que le régime fonctionne bien, il incombe au pensionné de réclamer une réévaluation lorsqu'il estime que son état s'est détérioré.

En ce qui concerne les réévaluations, une fois que le Ministère a effectué la première évaluation nécessaire à l'établissement du montant de la compensation, la responsabilité de réclamer une réévaluation subséquente incombe généralement au pensionné. Ce principe comporte toutefois des exceptions. Ainsi, il existe des « réévaluations obligatoires », en ce sens que le Ministère peut décider de réévaluer périodiquement l'invalidité d'un pensionné, lorsque le degré de l'invalidité ne s'est pas stabilisé. Dans ce cas, c'est le Ministère qui prend l'initiative de réévaluer régulièrement l'état du pensionné. De plus, en vertu du paragraphe 35(3) de la Loi sur les pensions, les réévaluations de l'invalidité découlant de la tuberculose doivent être faites en conformité de la loi. Toutefois, dans la majorité des cas, c'est le pensionné lui-même qui prend l'initiative d'une réévaluation en communiquant avec le Ministère afin de se déclarer insatisfait de son évaluation actuelle ou en lui présentant une demande de réévaluation.

Il importe en outre de signaler que, d'après un examen de la Loi sur les pensions, il n'existe dans le document aucune disposition qui fasse reposer sur le Ministère la responsabilité ou le fardeau de l'initiative d'une réévaluation. Le Tribunal fait remarquer que s'il est vrai que la loi ne contient aucune disposition qui stipule explicitement qu'un pensionné doit demander une augmentation de son évaluation pour que son état fasse l'objet d'une réévaluation, la nécessité de présenter une demande est sous-entendue dans la définition donnée au terme « demandeur » au paragraphe 3(1) de la Loi sur les pensions, à savoir une « personne qui demande ... l'augmentation d'une compensation ». Comme le souligne le Conseil de révision des pensions dans la décision « I-17 » (susmentionnée), l'augmentation d'une compensation s'obtient par le biais d'une réévaluation; par conséquent, le renvoi dans la définition du terme « demandeur » à une personne qui «... demande ... l'augmentation d'une compensation » inclut la personne qui demande l'augmentation d'une évaluation.

Le fait que la loi ait été modifiée pour mettre en place un régime prévoyant qu'une pension puisse être augmentée à la demande des pensionnés, par le biais d'une demande de réévaluation de leur affection ouvrant droit à pension, indiquerait que le processus de présentation d'une demande est important. Pour se prévaloir de ce droit, le pensionné doit suivre la procédure nécessaire, soit communiquer avec le Ministère afin de présenter une demande de réévaluation. Pour ce faire, il donne un avis au Ministère. L'avis fait office de demande de réévaluation. Il importe donc de souligner que dans l'actuel régime législatif applicable aux réévaluations, ce n'est PAS le simple fait qu'un état de santé ait évolué qui entraîne la réévaluation ou l'augmentation d'une évaluation. C'est plutôt l'avis donné à un représentant du Ministère qui ouvre droit à une réévaluation en vertu des dispositions de la Loi sur les pensions.

Le paragraphe 2 b) (article 35) du Manuel des politiques - Pensions du ministère des Anciens combattants, qui traite de l'établissement des dates de prise d'effet des réévaluations consécutives à une détérioration d'une affection, doit être lu à la lumière de ce régime établi par la loi. Il stipule que la date peut être des dates suivantes celle qui est antérieure à l'autre : i) la date à laquelle le pensionné a avisé le Ministère que son affection indemnisée s'était détériorée, ou ii) la date à laquelle l'information médicale fournie a permis de modifier l'évaluation. Le paragraphe 2b)ii) de la politique ministérielle autorise le Ministère à fixer une date de prise d'effet à une date antérieure à la date de présentation de la demande ou de l'avis. La politique est très vague puisqu'elle ne fournit aucune indication ni n'impose de limite quant à la période où peut remonter la rétroactivité accordée par le Ministère à la lumière de la date de la preuve médicale présentée à l'appui, ou quant au type de cas auquel la rétroactivité est censée s'appliquer.

Le Tribunal a examiné la politique à la lumière de ses observations sur le régime mis en place par la loi concernant les réévaluations. Il constate que la politique semble s'adresser à un ensemble de faits typiques entourant une demande de réévaluation, par exemple le cas d'un pensionné qui demande une réévaluation peu après avoir estimé que son état s'est détérioré, et qui présente des preuves médicales indiquant que son état s'était détérioré juste avant la date de l'avis. Comme la demande de réévaluation a été présentée rapidement et au cours de la période où l'état de santé avait changé, la date de la demande de réévaluation ne différerait pas beaucoup de la date de la preuve médicale. Il serait tout à fait raisonnable, dans ce genre de cas, de se fier à la politique pour établir que la « date de prise d'effet » de l'augmentation précède la date de l'avis, parce qu'il n'y aurait pas d'écart important entre la date de la demande et la date de l'évolution de l'état de santé. La demande et la preuve médicale renverraient à la même période, et il y aurait une continuité évidente entre la date de la preuve médicale et la date de la demande.

Ce type de situation diffère toutefois du cas où un demandeur cherche à faire valoir des preuves médicales qui renvoient à une période très différente de la date à laquelle la demande de réévaluation a été présentée. De l'avis du Tribunal, la disposition 2b)ii) (article 35) du Manuel des politiques - Pensions ne traite pas de ce dernier type de situation, ce qui tient peut-être au fait que la politique n'était conçue que pour tenir compte de cas non exceptionnels où il n'existerait pas d'écart important entre la date de la demande et la date de l'évolution de l'affection. Or, les faits relatifs au présent cas relèvent d'une autre catégorie. En effet, il s'est écoulé ici une période de douze ans entre la date à laquelle l'information médicale a indiqué une évolution de l'affection et la date de l'avis ou de la demande de réévaluation. L'appelant tente de faire valoir uniquement sa preuve médicale pour l'établissement de la date de prise d'effet de son augmentation.

Si le Tribunal donnait à la disposition 2b)ii) ('article 35) du Manuel l'interprétation selon laquelle il doit toujours déterminer une date de prise d'effet en se fondant uniquement sur la date à laquelle les renseignements médicaux ont permis de modifier une évaluation, il se mettrait « des oeillères » ou entraverait l'exercice de son propre pouvoir discrétionnaire de statuer sur le bien-fondé de chaque cas de manière juste et raisonnable, conformément à l'esprit de la loi. S'il fait remarquer qu'aux termes de l'article 2 de la Loi sur les pensions et de l'article 3 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), il doit donner au libellé de la loi une interprétation libérale et généreuse chaque fois qu'il doit statuer sur un cas, le Tribunal ne considère pas qu'une telle disposition l'autorise, lui ou tout autre décideur, à contourner l'esprit de la loi.

Toute politique doit être interprétée de manière raisonnable, et toujours en conformité des paramètres de la loi. À la lumière du texte de la Loi sur les pensions selon lequel c'est l'avis donné par le pensionné qui donne à ce dernier le droit à une réévaluation, le Tribunal estime qu'il n'est pas raisonnable d'appliquer les politiques ministérielles de manière à faire abstraction de la date de l'avis (demande) dans la détermination d'une date de prise d'effet. Lorsqu'il existe un écart important entre la date de la demande et celle à laquelle la preuve médicale indique une détérioration de l'affection, le fait d'accorder une rétroactivité en se fondant uniquement sur la date de la preuve médicale irait effectivement à l'encontre du régime établi par la Loi sur les pensions.

L'équité et la constance dans le traitement réservé aux pensionnés qui s'adressent au Tribunal sont aussi des facteurs pertinents qui doivent être pris en considération lorsqu'on applique des politiques dans ce secteur. En ce qui concerne la constance, une politique consistant à rajuster de manière rétroactive les pensions lorsqu'une évaluation a changé, uniquement sur la foi de la preuve médicale, ne servirait pas uniformément les intérêts des pensionnés ni ne donnerait lieu à un traitement généreux dans tous les cas, et ce, pour un certain nombre de raisons.

D'abord, les politiques ou lois qui s'appliquent aux dates de prise d'effet de l'augmentation d'une évaluation vaudraient aussi dans le cas de la diminution d'une évaluation. Dans la pratique, un tel raisonnement implique que si un pensionné peut être très heureux d'apprendre que le principe de la rétroactivité a été appliqué à une augmentation de son évaluation et à l'augmentation de la pension correspondante, il n'en serait pas de même si la rétroactivité était appliquée à une diminution de l'évaluation et à la réduction de la pension qui en découlerait. Une telle pratique ne serait certainement pas perçue comme équitable ou généreuse.

En ce qui concerne le traitement équitable et uniforme des pensionnés, une personne qui fait preuve de diligence dans ses démarches en vue de faire réévaluer son cas mérite qu'on fasse valoir ses droits de manière consciencieuse. Toutefois, l'adoption d'une politique générale consistant à appliquer rétroactivement l'augmentation d'une évaluation à la date à laquelle l'évaluation aurait pu avoir été augmentée, si la demande en avait été faite, indépendamment des circonstances, ne serait pas une pratique équitable, car elle agirait au détriment des pensionnés qui demandent une réévaluation dans des délais raisonnables. Une telle politique bénéficierait à certains pensionnés en leur accordant des prestations supplémentaires du simple fait qu'elle établirait que le droit à une pension majorée serait applicable à une date antérieure à celle de la présentation de la demande. Par ailleurs, le pensionné qui aura fait preuve de diligence en faisant valoir ses droits dans des délais raisonnables et qui aura pris des mesures pour faire respecter ses droits en suivant rapidement le processus de présentation des demandes ne serait pas récompensé par l'octroi de prestations supplémentaires.

Qui dit équité, dit aussi prise en considération de l'intégrité et de la protection de l'ensemble du régime de prestations, dont l'administration a été confiée au ministère des Anciens combattants et sur lequel leTribunal des anciens combattants (révision et appel) exerce ses fonctions d'appel. Il incombe au Tribunal de prendre des décisions à la suite d'un appel conformément à la loi et de manière à protéger l'intégrité du système. D'un point de vue de la politique, il est indéniablement dans l'intérêt des pensionnés de les inciter à faire valoir leurs droits en temps opportun, si l'on veut protéger l'intégrité du système. Toute politique ayant pour effet d'inciter le pensionné à attendre longtemps avant de faire valoir ses droits en vertu de la Loi sur les pensions n'est pas souhaitable, car elle ne sert manifestement pas ses intérêts. De plus, dans l'optique organisationnelle, le fait d'encourager les pensionnés à faire traîner les choses n'est pas une politique judicieuse, puisqu'elle entraîne des difficultés dans l'administration des pensions, ce qui a des effets sur la capacité du Ministère à bien rendre compte de ses programmes et à bien les mettre en oeuvre.

L'application systématique du principe de la rétroactivité aux paiements accordés par suite des évaluations est une politique qui semble contraire aux principes qui sous-tendent la Loi sur les pensions. Comme le souligne le juge J. Joel dans la décision prise par la Cour fédérale dans Leclerc c. Canada (Procureur général) [1998] A.C.F. nO. 153, l'idée de permettre au Parlement de déterminer et de prévoir dans son budget les obligations financières contractées envers les pensionnés en vertu de la Loi sur les pensions est un sujet de préoccupation qui se reflète dans la Loi sur les pensions, comme en témoigne entre autres l'article 39 du texte de loi. Ainsi que le souligne le juge J. Noel dans Leclerc, la raison qui justifie l'existence de l'article 39 de la Loi sur les pensions, c'est la volonté de faire en sorte que le ministère des Anciens combattants ne se retrouve pas avec des dépenses imprévues qu'il ne puisse prévoir dans son budget. Comme il l'indique au paragraphe 19 de la décision Leclerc, le régime mis en place par la loi au profit des pensionnés fait en sorte qu'une pension est toujours révisable et peut toujours être augmentée en raison du fait que les affections physiques sont évolutives.

Dans la perspective du « payeur » (le gouvernement), ce qu'implique le fait que les pensions sont toujours susceptibles d'augmenter, c'est que le fardeau financier relié au régime des pensions n'est jamais arrêté. Ainsi, le Parlement a jugé souhaitable d'imposer une limite quant à la rétroactivité des pensions qu'il doit payer en vertu de la Loi sur les pensions. Les réévaluations d'invalidités qui ont évolué au fil du temps auraient les mêmes effets sur la capacité du gouvernement d'honorer ses obligations financières contractées en vertu de la Loi sur les pensions. Logiquement, les conséquences et les principes expliqués par le juge Noel dans la décision Leclerc s'appliqueraient aux réévaluations, c'est pourquoi il est important que le Tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire de manière responsable, raisonnable et équitable, dans toute décision qui touche à la rétroactivité du paiement d'une augmentation de pension.

En conséquence, lorsqu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire en la matière, le Tribunal a tenu compte des considérations législatives et politiques évoquées dans cette décision, ainsi que d'autres facteurs pertinents en l'espèce. Le Tribunal conclut qu'il est raisonnable de se fonder essentiellement sur la date de l'avis, ou de la demande de réévaluation, comme point de référence dans l'établissement de la date de prise d'effet de l'augmentation ou de la diminution d'une évaluation, sauf si des circonstances exceptionnelles indiquent qu'il serait injuste de procéder de la sorte. Cette conclusion est corroborée par des observations et conclusions contenues dans le rapport du comité Woods qui a étudié diverses questions posées par les dispositions législatives concernant les pensions d'invalidité. La question de la rétroactivité applicable aux augmentations d'évaluations a été examinée à la page 978 du rapport où le comité déclare que l'application de la rétroactivité à l'augmentation d'une évaluation n'est pas une pratique courante. Le comité a toutefois recommandé que les augmentations d'évaluations prennent effet à la date de la demande d'augmentation, à condition que la preuve médicale indique que le degré d'invalidité pouvant être évalué existait au moment de la présentation de la demande.

En appliquant ce raisonnement au cas de l'appelant, le Tribunal fait remarquer que le degré d'invalidité de ce dernier n'a pas été réévalué à la hausse en 1987 parce qu'il n'avait pas avisé le Ministère de la détérioration de son affection ni n'avait demandé une réévaluation. Si les fondements médicaux de l'augmentation de l'évaluation existaient peut-être en 1987, ce n'est là qu'une partie d'un ensemble de facteurs qui entrent en ligne de compte lorsqu'on détermine une date de prise d'effet. La date de la demande est aussi un élément pertinent, étant donné qu'en vertu de la loi, le droit à une augmentation n'existait pas aussi longtemps que l'avis concernant le degré d'invalidité évalué à l'époque n'a pas entraîné une réévaluation. Il ressort d'une étude du dossier qu'un tel fait ne s'est pas produit avant mai 1999, et cette date est, de l'avis du Tribunal, un facteur pertinent qui doit être pris en considération dans l'établissement de la date de prise d'effet du paiement de l'augmentation de l'évaluation.

Une autre question a toutefois été soulevée dans le cadre de cet appel. L'avocat-conseil a plaidé des circonstances exceptionnelles, faisant valoir que le Ministère ou la CCP avait entrepris certaines démarches qui avaient laissé entendre à l'appelant qu'il ne lui appartenait pas de chercher à faire réévaluer son affection à la cheville. L'avocat-conseil a aussi allégué ce qui suit :

...Le fait que le Ministère avait été mis au courant de l'arthrodèse subie par l'appelant au mois de mai 1987, cette information aurait automatiquement eu pour conséquence la mise en oeuvre du processus de réévaluation, car il est évident que cette intervention chirurgicale comportait une fusion de la cheville, ce qui doit conduire automatiquement à une augmentation dans le cadre de l'évaluation.

Pour répondre à cet argument, il faut souligner que l'évaluation d'une invalidité est une question directement liée au paiement d'une pension d'invalidité, forme de compensation distincte de l'allocation de traitement. Les pensions d'invalidité sont octroyées en vertu de l'article 21 de la Loi sur les pensions, en cas d'invalidité permanente. Une allocation de traitement est versée en vertu du Règlement sur les soins pour anciens combattants et ne relève pas de l'acception donnée à une « compensation » payable aux termes du paragraphe 3(1) de la Loi sur les pensions. Une allocation de traitement est une mesure temporaire et discrétionnaire, qui vise à profiter aux pensionnés qui sont soumis à des soins actifs et intensifs. Elle n'est pas directement liée à une évaluation ou tributaire de celle-ci, en ce sens qu'une personne ayant reçu une allocation de traitement n'aurait pas automatiquement droit à une évaluation, et inversement.

Comme il a déjà été signalé, en vertu de la Loi, il appartient à l'appelant, non pas au Ministère, d'entreprendre ou de demander une réévaluation lorsqu'il estime que son état s'est détérioré. Il n'existe dans la Loi sur les pensions aucune disposition qui oblige le Ministère à trouver ou à rechercher des personnes susceptibles de faire l'objet d'une réévaluation parce que leur état pourrait avoir évolué.

Par contre, à partir du moment où le pensionné a donné un avis ou demandé une réévaluation, il est du devoir du ministère des Anciens combattants d'entreprendre une réévaluation de son degré d'invalidité. Autrement dit, s'il est vrai qu'il est du devoir du Ministère d'entreprendre les évaluations d'un pensionné, cette obligation n'existe qu'à partir du moment où le Ministère a été contacté et a reçu un avis. C'est pourquoi le Tribunal conclut que le simple fait que le Ministère ait octroyé une allocation de traitement au titre des soins reçus par l'appelant le 7 mai 1987 ne crée pas pour le ministère des Anciens combattants l'obligation de réévaluer l'état de la cheville de l'intéressé, ou ne transfère pas au Ministère le fardeau de demander une réévaluation, qui incombe normalement à l'appelant.

En outre, il n'existe pas d'instrument habilitant à l'appui de l'argument selon lequel la demande d'une forme de compensation, comme une allocation de traitement, puisse représenter une demande d'une autre forme de prestation ou de compensation. La demande d'un type de prestation, comme une allocation de traitement, ne met pas automatiquement en route une demande d'un type de paiement complètement différent. Le principe général à cet égard est exposé à l'article 80 de la Loi sur les pensions qui stipule que «... (l)es compensations ne sont payables que sur demande -- faite par le demandeur ou en son nom -- et après approbation de leur paiement dans le cadre de la présente loi ». Ce principe a été très récemment confirmé dans la décision du juge Yvon Pinard de la Cour fédérale dans Sangster c. le Procureur général du Canada, dans laquelle la cour a rejeté l'argument selon lequel une première demande présentée à l'égard d'un autre type de compensation pourrait être considérée comme « une demande » de toute autre compensation qu'un pensionné tenterait ultérieurement de recevoir en vertu de la Loi sur les pensions. À la lumière de ce raisonnement, le Tribunal ne peut conclure que le simple paiement d'une allocation de traitement à l'égard de l'intervention chirurgicale entraîne, pour le ministère des Anciens combattants, l'obligation d'amorcer le processus de réévaluation de l'appelant.

L'avocat-conseil a aussi fait valoir que certaines déclarations faites dans des lettres adressées à l'appelant en 1984 et en 1985 , au sujet de l'évaluation de la cheville de l'appelant, ainsi qu'une lettre adressée par un médecin principal de district en date du 10 août 1987, aient eu pour effet d'amener l'appelant à croire que le ministère des Anciens combattants s'occuperait d'entreprendre pour lui la réévaluation de sa cheville. La correspondance adressée par le médecin principal de district en date du 10 août 1987 concernait l'allocation de traitement. Elle indiquait que des renseignements médiaux avaient été communiqués à la CCP pour examen et que l'appelant serait contacté s'il s'avérait nécessaire d'adopter des mesures à l'égard de la pension. Le Tribunal ne saisit pas parfaitement le sens des termes « mesures à l'égard de la pension » ( "pension action" ) puisqu'ils ne sont pas expliqués plus loin dans la lettre.

Le Tribunal signale que les lettres adressées par la CCP à l'appelant en 1984 et en 1985 indiquaient que la commission reverrait volontiers le cas de l'appelant si son dossier médical indiquait une détérioration de son invalidité ouvrant droit à pension. L'appelant a été invité à communiquer avec son représentant personnel ou avec le bureau chef de la CCP s'il avait des questions à poser au sujet de sa pension d'invalidité. L'examen de l'ensemble des documents en question n'amène pas le Tribunal à conclure que l'appelant a été informé que le ministère des Anciens combattants prendrait l'initiative d'une réévaluation si son état évoluait plus tard. Ces documents montrent que l'appelant a été informé de son droit de faire revoir son cas par la CCP si son affection se détériorait plus tard. Il a été mis au courant du fait qu'il lui incombait de demander une réévaluation. L'appelant a aussi reçu le numéro d'une personne-ressource à contacter s'il avait des questions à poser à propos de sa pension d'invalidité. L'appelant pouvait se faire représenter par un avocat s'il voulait obtenir des précisions sur son admissibilité ou faire réévaluer son affection indemnisée.

Il importe également de signaler qu'une période totale de douze années s'est écoulée entre la date de l'intervention chirurgicale et celle où l'appelant a communiqué avec le Ministère pour demander une réévaluation en 1999. Aucun élément du dossier n'indique que l'appelant s'est vu priver de la possibilité de communiquer avec le Ministère pour obtenir des précisions sur le sens de l'un ou l'autre de ces documents. L'information contenue dans les documents ne permet pas raisonnablement de faire valoir que l'appelant a été informé qu'il ne pouvait pas demander une réévaluation de son affection indemnisée en communiquant avec la CCP. En outre, les éléments de preuve ne rendent pas compte de la période de douze ans écoulée entre la date de l'intervention chirurgicale en 1987 et le moment où l'appelant a communiqué avec le Ministère en 1999 pour demander une réévaluation, lorsque le premier avis concernant une réévaluation a été reçu.

Pour conclure, les éléments de preuve concernant l'avis donné par l'appelant et sa réévaluation n'indiquent pas qu'il y a des motifs suffisants permettant de conclure que l'on aurait dû considérer que la responsabilité d'entreprendre la réévaluation avait été transférée au ministère des Anciens combattants, sur la foi d'un quelconque engagement implicite.

De plus, il semblerait raisonnable de postuler, dans un cas comme celui-ci, où rien n'indique qu'il y a eu une tentative d'obtenir une réévaluation jusqu'à la date officielle de l'avis reçu par le Ministère, que cette preuve serait logiquement interprétée comme un signe que le pensionné était satisfait de l'évaluation de son invalidité jusqu'au moment précis où l'avis a été donné. De surcroît, il semble présomptueux de présumer rétrospectivement que l'appelant était effectivement insatisfait de son évaluation en 1987, et voulait obtenir à l'époque une réévaluation, puisqu'aucune preuve présentée au Tribunal ne montre qu'il avait demandé une réévaluation à l'époque.

Le Tribunal fait également remarquer que la question en litige ici n'est pas une « faute » liée au fait de n'avoir pas demandé une réévaluation puisqu'un pensionné n'est nullement obligé de demander une réévaluation jusqu'à ce qu'il veuille en obtenir une. La question en litige concerne la responsabilité vis-à-vis de la loi de présenter au Ministère une demande de réévaluation à partir du moment où un pensionné est insatisfait de son évaluation actuelle. Dans ce cas, il semble qu'à partir du moment où un appelant a déterminé qu'il exercerait son droit de tenter de faire majorer sa pension en demandant une réévaluation, il a effectivement amorcé sa réévaluation.

Afin de conclure que l'augmentation de l'évaluation de l'appelant pourrait prendre effet à la date de la preuve médicale en 1987, il faudrait que le Tribunal privilégie la date de la preuve médicale par rapport à la date de l'avis, et ne tienne pas compte du fait que l'appelant s'est prévalu de son droit à une réévaluation en 1999 plutôt qu'en 1987. L'étude du dossier n'indique pas qu'il serait injuste de se fonder sur la date de la demande pour établir la date appropriée de prise d'effet de l'augmentation de la pension de l'appelant, consécutive à une réévaluation de son cas réalisée en août 1999.

Le Tribunal fait aussi remarquer que selon l'étude du dossier, à partir du moment où l'appelant a demandé une révision de l'évaluation de son invalidité, le Ministère lui a accordé rapidement une réévaluation et une augmentation de son évaluation, et l'appelant a eu droit au paiement rétroactif de l'augmentation de sa pension à l'égard de la période écoulée entre la date où il a communiqué pour la première fois avec le Ministère (17 mai 1999) pour demander une réévaluation, et la date à laquelle le ministère a pris la décision d'augmenter son évaluation, soit le 11 août 1999.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut qu'il était juste et raisonnable de fixer au 17 mai 1999 la date du paiement de l'augmentation de la pension de l'appelant, en se fondant sur la date à laquelle il a demandé une réévaluation.

CONCLUSION

Le Tribunal d'appel refuse d'accorder toute rétroactivité autre que celle qui a déjà été consentie par le Ministre dans la révision de la décision le 12 juin 2000, et confirmée par la suite par le Tribunal dans une décision consécutive à une révision, en date du 2 novembre 2000. Le tribunal d'appel confirme que la décision de payer l'augmentation de la pension consécutive à une augmentation de son évaluation en 1999, prend effet à compter du 17 mai 1999.

Le Tribunal conclut qu'il n'est pas raisonnable d'accorder l'augmentation de la pension consécutive à la réévaluation de l'appelant faite le 11 août 1999, puisqu'elle aurait un effet rétroactif à la date à laquelle l'appelant a demandé une réévaluation de son affection indemnisée.

Le Tribunal fait remarquer que les dispositions de la Loi sur les pensions portant sur les évaluations accordent énormément de latitude dans la prise de décisions concernant les évaluations. Malgré tout, il va sans dire que ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé de manière raisonnable, dans le respect des objectifs, du sens profond et de l'esprit de la Loi sur les pensions. Selon le régime de réévaluation des affections indemnisées mis en place par la Loi sur les pensions, ce n'est pas le caractère évolutif de l'affection en soi qui entraîne une modification de l'évaluation de l'invalidité; c'est l'avis qui donne au pensionné le droit, vis à vis de la loi, d'obtenir une réévaluation. En conséquence, le Tribunal rejette l'idée qu'il convient de déterminer une date de prise d'effet de la réévaluation d'une invalidité uniquement en fonction de la date de la preuve médicale. Lorsqu'on détermine une date de prise d'effet d'une augmentation d'une pension consécutive au rajustement de l'évaluation d'une invalidité, il y a lieu de tenir compte aussi bien de la date à laquelle le pensionné a demandé une réévaluation que de la date de la preuve médicale.

Le Tribunal conclut que dans un cas comme celui-ci, où il existe un écart important entre la date de présentation de la demande et celle à laquelle la preuve médicale a indiqué une détérioration de l'affection, il ne serait pas raisonnable d'accepter que l'augmentation de la pension prenne effet rétroactivement à une date qui précède de beaucoup celle de la demande de réévaluation. Une telle décision irait à l'encontre des dispositions relatives aux demandes de réévaluation prévues par la Loi sur les pensions. Il est raisonnable de se fonder essentiellement sur la date de l'avis lors de l'établissement de la date de prise d'effet de l'augmentation d'une évaluation, sauf si des circonstances exceptionnelles indiquent qu'il serait injuste de procéder de la sorte.

En conséquence, le Tribunal d'appel confirme les décisions du comité d'examen des évaluations et du Ministre de fixer au 17 mai 1999 la date de prise d'effet du paiement de l'augmentation de la pension de l'appelant, à la lumière de la date de la demande de réévaluation présentée par l'appelant.

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA LOI

Les paragraphes 35(1) et 35(2) de la Loi sur les pensions stipulent que le montant des pensions pour invalidité est calculé en fonction de l'estimation du degré d'invalidité résultant de la blessure ou de la maladie ou de leur aggravation, selon le cas, du demandeur ou du pensionné. L'estimation du degré d'invalidité est basée sur les instructions et sur une table des invalidités que prépare le ministre pour aider les médecins et les chirurgiens qui font des examens médicaux pour déterminer des pensions.

Aux termes de paragraphe 29(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le comité d'appel peut soit confirmer, modifier ou infirmer la décision en appel, soit la renvoyer pour réexamen, complément d'enquête ou nouvelle audition à la personne ou au comité de révision qui l'a rendue, soit encore déférer à cette personne ou à ce comité toute question non examinée par eux.

L'article 25 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) stipule que le demandeur qui n'est pas satisfait de la décision rendue en vertu des articles 21 ou 23 peut en appeler au Tribunal.

L'article 26 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) stipule que le Tribunal a compétence exclusive pour statuer sur tout appel interjeté en vertu de l'article 25, ou sous le régime de la Loi sur les allocations aux anciens combattants ou de toute autre loi fédérale, ainsi que sur toute question connexe.

L'article 3 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) stipule que les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

L'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) stipule que le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci; il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence; il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

ÉTAT DE LA PENSION ANTÉRIEUR

CHEVILLE DROITE FRACTURÉE (OPÉRÉE)

Plein droit à pension évalué à 25 p. 100.

 

Cette information est tirée d'un Sommaire des évaluations en date du 17 août 1999.