2010-868 Décision

Représentante :
Barbara Cowal, BSJP
Décision No :
1000001524868
Type de décision :
Comité de révision
Lieu de l'audition :
Ottawa (Ontario)
Date de la décision :
le 28 octobre 2010

Le comité de révision de l'admissibilité décide :

CONJOINTE SURVIVANTE

L'admissibilité est établie pour la conjointe survivante. Paragraphe 2(1) de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes

Before:

B.T. LeBlanc

Membre présidant et rédacteur

Pierre Champagne

Membre

Copie originale signée par :

Copie originale signée par :

 

B.T. LeBlanc

DROITS D'APPEL

Si vous êtes insatisfaite de la présente décision, vous pouvez en appeler à un comité d'appel du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) qui peut soit confirmer, modifier ou infirmer la décision.

Dans un tel cas, vous pouvez être représentée, sans frais, par le Bureau de services juridiques des pensions ou par le service social d'une organisation d'anciens combattants ou, à vos frais, par tout autre représentant.

INTRODUCTION

Cette demande a été présentée parce que la conjointe survivante, tente d'obtenir des prestations de survivant puisqu'elle est insatisfaite de la décision du ministère des Anciens Combattants datée du 13 juillet 2009 ainsi que d'une décision de la Révision ministérielle datée du 5 janvier 2010.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Ce comité désire présenter ses plus sincères condoléances aux survivants du défunt demandeur, qui a payé l'ultime sacrifice en servant notre pays.

QUESTION EN LITIGE

La survivante répond-elle à la définition de conjointe de fait survivante en vertu du paragraphe 2(1) de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes??

ÉLÉMENTS DE PREUVE ET DISCUSSION

Le défunt demandeur est né en 1980 et est décédé en 2009 en servant en Afghanistan. Il laisse dans le deuil sa conjointe de fait survivante et un enfant à charge. Des prestations de décès ont été accordées en fiducie à son enfant. Les autres prestations liées au décès n'ont pas été versées à la conjointe de fait survivante, et c'est la question sur laquelle ce comité doit se pencher.

La conjointe de fait survivante et le défunt ont entamé une relation de fait le 8 mars 2008. Leur enfant est née en 2008. Le défunt demandeur a été déployé en Afghanistan le 29 septembre 2008. La relation de fait entamée en mars 2008 n'est pas en cause. Ils ont habité sous le même toit. Ils vivaient ensemble comme mari et femme et comptaient se marier.

La conjointe de fait survivante est bénéficiaire en vertu du testament du défunt demandeur et a été nommée mandataire aux fins de propriété en date du 28 août 2008. La conjointe de fait survivante et le défunt ont reconnu publiquement, à l'oral et à l'écrit, leur relation de fait. Ce fait est corroboré par divers documents au dossier sous forme de documents gouvernementaux, courriels et documents juridiques.

Dans une décision datée du 13 juillet 2009, le ministère des Anciens Combattants a refusé de verser des prestations de survivant à la conjointe de fait survivante au motif qu'elle ne remplissait pas les critères d'admissibilité requis pour être considérée comme une « survivante » en vertu du paragraphe 2(1) de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes (LMRIMVFC).

Le Ministère a indiqué que conformément au paragraphe 2(1) de la Loi, un conjoint de « fait » est une personne qui habite avec un membre dans une relation conjugale depuis au moins un an et, par conséquent, ils doivent avoir habité ensemble pendant au moins un an pour avoir droit aux prestations en vertu de la Loi à titre de conjoint de fait du défunt. Le Ministère, dans sa décision détaillée, a reconnu qu'une relation de fait a été entamée le 8 mars 2008, mais étant donné que le défunt a été déployé en Afghanistan le 29 septembre 2008, la relation de fait est considérée comme ayant duré seulement sept mois, ce qui est donc bien inférieur aux 12 mois requis pour avoir droit aux prestations de survivant.

Dans sa révision ministérielle de la décision du 5 janvier 2010, le Ministère a confirmé sa décision précédente. Il a estimé qu'il n'y avait aucune erreur de fait ou de droit et, par conséquent, qu'il n'y avait aucun motif valable pour procéder à un examen de la décision défavorable précédente.

L'avocate, au nom de la conjointe de fait survivante, affirme que les critères d'admissibilité ont bien été remplis. La relation a été entamée le 8 mars 2008 et le défunt est décédé de façon soudaine le 20 mars 2009.

L'avocate s'appuie sur le paragraphe 2(2) de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes (LMRIMVFC) qui énonce ce qui suit :

« L'époux est considéré comme résidant avec le militaire ou vétéran et le conjoint de fait conserve sa qualité de conjoint de fait s'il est démontré que l'époux ou conjoint de fait ne vit pas avec le militaire ou vétéran pour l'une ou l'autre des raisons suivantes :

  1. le placement de l'un d'eux dans un établissement de santé;
  2. une situation de nature temporaire;
  3. d'autres circonstances indépendantes de leur volonté. »

L'avocate a mentionné que le défunt demandeur a été déployé en Afghanistan en raison de son exigence obligatoire à titre de soldat et que cela correspond à « une situation de nature temporaire » ou à d'autres circonstances indépendantes de leur volonté.

En conclusion, l'avocate a affirmé que la conjointe de fait survivante était admissible aux prestations de survivant étant donné qu'elle était dans une relation de fait qui a duré un an et que cette relation a été interrompue en raison du déploiement du défunt demandeur en Afghanistan et, par conséquent, conformément au paragraphe 2(2), ils sont considérés comme ayant vécu ensemble et que cette relation n'a pas été interrompue en raison d'une situation de nature temporaire ou d'autres circonstances indépendantes de la volonté du défunt ou de la conjointe de fait survivante.

La conjointe de fait survivante a également renvoyé le présent comité à une pièce déposée en preuve et à une pièce jointe avec références (RD-L1, RD-Annexe-L1 et Références L1-C21 et L2).

Le comité admet les courriels, la demande de permis de mariage et le droit jurisprudentiel de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba et de l'Ontario.

Un ami du défunt, a été assermenté et a témoigné qu'il avait servi avec le défunt et qu'il était un bon ami du défunt demandeur et de la conjointe de fait survivante et que ceux-ci avaient certainement l'intention de se marier. Ils vivaient en union de fait.

La conjointe de fait survivante a été assermentée et a témoigné qu'elle avait vécu en union de fait avec le défunt depuis le 8 mars 2008, qu'elle payait les factures, veillait aux besoins de la famille et élevait leur enfant, qu'elle était continuellement en contact avec le défunt et qu'ils avaient l'intention de se marier.

Le comité remarque également que le défunt et la conjointe de fait survivante ont passé de nombreuses fins de semaine ensemble avant de vivre en union de fait.

La position de la conjointe de fait survivante est qu'elle satisfait à la définition de « survivant », car elle vivait en union de fait depuis plus d'un an et que cette relation avait été interrompue pendant cette période en raison du déploiement de son conjoint; toutefois, le paragraphe 2(2) de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes (LMRIMVFC)comporte des dispositions à cet égard et par conséquent, les prestations de survivant devraient être payées à la conjointe de fait survivante.

ANALYSE/RAISONS

Le comité a minutieusement examiné tout le contenu du dossier et il a pris en considération le témoignage crédible de la conjointe de fait survivante, de même que la présentation de l'avocate.

Le comité accorde les prestations de survivant à la conjointe de fait survivante à titre de conjointe de fait survivante du défunt.

Le comité estime que les critères d'admissibilité nécessaires pour être considéré comme un survivant sont satisfaits, comme ils sont énoncés au paragraphe 2(1) de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes.

Le comité remarque que la décision du Ministère, en date du 13 juillet 2009, se fonde sur le paragraphe 2(1) de la Loi qui comprend une définition de « survivant » qui s'entend du « survivant », selon le cas :

  1. l'époux qui, au moment du décès du militaire ou vétéran, résidait avec celui-ci;
  2. la personne qui, au moment du décès du militaire ou vétéran, était son conjoint de fait.

Le conjoint de fait est défini comme « la personne qui vit avec le militaire ou vétéran en cause dans une relation conjugale depuis au moins un an ».

Toutefois, le comité remarque que le Ministère ne fait aucune référence au paragraphe 2(2) de la Loi. Dans sa révision ministérielle en date du 5 janvier 2010, le Ministère renvoie de nouveau au paragraphe 2(1) de la Loi et indique que la conjointe de fait survivante ne satisfait pas aux critères d'admissibilité qui lui permettraient d'être reconnue comme une survivante, mais il déclare qu'il est incapable d'appliquer les dispositions du paragraphe 2(2) de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes (LMRIMVFC).

Le comité, avec tout son respect, n'est pas d'accord avec la présentation faite par l'avocate qui prétend que cette situation relève du paragraphe 2(2) de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes. Cette disposition vise les couples qui ont déjà, par le passé, vécu en union de fait et qui, dans certaines situations, ont dû se séparer pour des motifs hors de leur contrôle. Le comité est d'avis que le paragraphe 2(2) ne s'applique pas. Il est d'avis que les parties dans ce cas ont vécu comme des conjoints de fait en relation conjugale pendant au moins un an. Cette relation a commencé le 8 mars 2008 et elle a pris fin le 20 mars 2009 au moment où le défunt demandeur était en service en Afghanistan. La relation a duré pendant un an et 12 jours.

Les parties avaient certainement l'intention de maintenir leur union de fait, car ils étaient sur le point d'officialiser leur relation en se mariant au retour du défunt demandeur de l'Afghanistan. Un enfant est né de cette union en 2008. Aucune preuve n'indique que la séparation était volontaire ou qu'ils avaient l'intention de mettre fin à leur relation. Les parties sont restées en contact par Internet et par téléphone et en l'absence de son conjoint, la conjointe de fait survivante élevait leur enfant, payait les factures et veillait aux besoins du ménage.

La définition prévue dans la Loi exige la cohabitation dans une relation conjugale pendant au moins un an. Dans ce cas, le comité est d'avis que le déploiement n'a pas mis fin à la relation conjugale et que le critère d'au moins un an est satisfait.

Un examen des dictionnaires anglophones et de la jurisprudence a établi que les critères de définition des relations conjugales comprenaient le partage d'un toit, les rapports personnels et sexuels, les services, les activités sociales, le soutien financier, les enfants et aussi l'image sociétale du couple et l'intention du couple. Ces critères ont récemment été confirmé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt M. c. H., [1999] 2 R.C.S. 3 à l'alinéa 59 du juge Cory. Il est clair qu'une relation conjugale ne dépend pas exclusivement des rapports sexuels. Elle exige que les requérants établissent une relation d'intimité émotionnelle analogue à une relation maritale. Par exemple, la relation conjugale n'a pas été interprétée en vue d'inclure une simple amitié, mais elle vise certainement à inclure les couples qui partagent un domicile, un enfant, les dépenses et qui ont publiquement déclaré par écrit et verbalement leur situation conjugale.

Le comité est d'avis que le Parlement ne visait pas à mettre fin à la relation de ce couple au moment du déploiement. Le comité est d'avis que l'union de fait s'est maintenue tout au long du déploiement, comme le prouve le fait qu'ils étaient quotidiennement en contact l'un avec l'autre par Internet et par téléphone et que la requérante avait pourvu aux besoins du ménage, entretenu le véhicule motorisé du défunt demandeur et que les deux avaient continué à payer leurs factures conjointes. La séparation physique était obligatoire en raison de l'emploi du défunt demandeur, mais elle était de nature temporaire. Si le Parlement avait eu l'intention de mettre fin à la relation de ce couple au moment du déploiement, il l'aurait précisé dans la loi.

Le comité est d'avis que la situation, dans ce cas particulier, relève de la définition de conjoint de fait, comme il est défini dans la Loi. Le paragraphe 2(2) de la Loi ne s'applique pas dans cette circonstance.

Le comité remarque que la Loi elle-même, lorsqu'elle s'applique à cette circonstance particulière, pourrait être interprétée comme étant ambiguë. Dans ce cas, le comité se fonde sur les principes d'interprétation énoncés dans la Loi d'interprétation, L.R.C. 1985 1-21, paragraphe 12, qui stipule en partie que :

« Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. »

Le comité s'appuie également sur les articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). L'article 39 stipule que le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

  1. il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;
  2. il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;
  3. il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande. »

En conclusion, la définition d'un conjoint de fait est suffisamment large et n'interdit pas la relation conjugale permanente en raison d'un déploiement temporaire et obligatoire. Pour ces motifs, le comité accorde les prestations de survivant à la conjointe de fait survivante.

DÉCISION

Compte tenu de toutes les circonstances de ce cas particulier, le comité est d'avis que les critères d'admissibilité sont satisfaits et permettent à la conjointe survivante d'être considérée comme une survivante du défunt. Pour ces motifs, les prestations doivent être versées à la conjointe de fait survivante.

Lois pertinentes :

Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes. [L.C.2005, c. 21.]

paragraphe 2(1)

Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). [S.C. 1987, ch. 25, art. 1; L.R.C. 1985, ch. 20 (3e suppl.), art. 1; L.C. 1994-95, ch. 18, art. 1; TR/95-108.]

art. 3
art. 25
art. 39

Pièce déposée en preuve :

RD-L1:
Courriel de la conjointe de fait survivante, en date du 27 août, avec les pièces jointes, 27 pages.

Pièces jointes :

RD-Annexe-L1 :
Quatre cas traitant de la « cohabitation dans une relation conjugale » en vertu des différentes lois, 5 pages.

RÉFÉRENCE :

L1-C21 - LMRIMVFC - extraits (s.2, 57) L2 – copie papier du RPSC, 6 pages; copie papier du L2- RPSC pour le défunt demandeur avec la date de début du 11 septembre 2008 et la date de fin du 20 mars 2009, une page.