2011-574 Décision

Représentante :
Marilyn MacKinnon, BSJP
Décision No :
100001639574
Type de décision :
Comité d'appel de l'admissibilité
Lieu de l'audition :
Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)
Date de la décision :
le 8 août 2011
 

Le comité d'appel de l'admissibilité décide :

SYNDROME DE FATIGUE CHRONIQUE
FIBROMYALGIE

Le montant des droits à pension demeure inchangé. Le droit à pension dans la proportion de deux cinquièmes en vertu de 21(2.1) de la Loi sur les pensions est continué. La date d'entrée en vigueur du 3 avril 2006 est maintenue.

Les décisions du comité de révision (examen) datées du 24 avril 2008 et du 13 juillet 2010 sont toutes les deux modifiées. La provision de la législation pour laquelle le droit de deux cinquièmes a été accordé est changé du paragraphe 21(2) au 21(5) de la Loi sur les pensions.

Devant :

Brent Taylor

Membre présidant et rédacteur

Richard E. Woodfield

Membre

Roger B. Langille

Membre

Copie originale signée par :

Copie originale signée par :

 

Brent Taylor

INTRODUCTION

La présente demande découle de la demande d'admissibilité à une pension majorée présentée par l'appelante au motif qu'elle souffre du syndrome de fatigue chronique et de fibromyalgie.

QUESTIONS EN LITIGE

Le comité d'appel est saisi de l'appel de deux décisions de révision datées du 24 avril 2008 et du 13 juillet 2010.

MOTIFS

En fonction de la preuve qui lui a été présentée et de l'application du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, le comité d'appel doit déterminer si les deux invalidités de l'appelante sont consécutives ou rattachées directement au service de l'appelante dans la GRC. L'avocate a également demandé au comité de déterminer si la demande de pension de l'appelante devrait être tranchée en tout ou en partie sur le fondement de la possibilité que les deux invalidités qui font l'objet de la demande résultent de l'état de stress post-traumatique (ESPT) pour lequel l'appelante reçoit déjà une pension, ce qui est visé au paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions.

Syndrome de fatigue chronique
Fibromyalgie

ÉLÉMENTS DE PREUVE ET DISCUSSION

La présente affaire est pleine de rebondissements, et le comité d'appel tentera de résumer de façon convaincante comment elle a cheminé dans le système de pensions d'Anciens Combattants Canada.

L'appelante, aujourd'hui âgée de 51 ans, sert dans la GRC depuis 16 ans. Avant de servir dans la GRC, elle a servi dans la Force de réserve pendant 13 ans. Le 3 avril 2006, l'appelante a demandé au Ministère une pension pour trois invalidités : l'état de stress post-traumatique, la fibromyalgie et le syndrome de fatigue chronique. Dans une décision datée du 29 novembre 2006, le Ministère a examiné les trois affections sous le régime du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions. Le Ministère a accordé à l'appelante une pleine pension pour l'ESPT, mais a conclu que l'appelante n'était pas admissible à une pension pour les deux autres invalidités faisant l'objet de la demande sous le régime du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions. Dans sa décision, le Ministère s'est exprimé en partie comme suit [P330] :

[Traduction]

La fibromyalgie est une maladie chronique qui provoque de la douleur dans les tissus mous et les muscles du corps. Il existe de nombreuses théories sur les causes de la fibromyalgie, mais on n'en connaît pas encore suffisamment pour pouvoir cibler une cause unique.

Le syndrome de fatigue chronique (une fatigue intense qui dure au moins six mois et qui n'est pas atténuée par le repos) n'a lui non plus aucune cause connue, bien que bon nombre de facteurs semblent avoir une incidence sur l'apparition et l'évolution de la maladie.

La preuve médicale la plus récente indique que, dans votre cas, le diagnostic de fibromyalgie n'est pas confirmé et que le diagnostic de syndrome de fatigue chronique susmentionné date de près de cinq ans. En outre, bien que la preuve médicale indique que vous avez souffert de problèmes musculosquelettiques liés au port d'un ceinturon de service, elle n'établit pas que ce facteur, ou tout autre facteur lié au service, a causé les affections qui font l'objet de votre demande.

S'agissant de la demande relative au stress, le Ministère reconnaît que vous avez subi du stress lié au travail qui pourrait avoir aggravé de façon temporaire vos symptômes. Cependant, aucune preuve médicale n'a été présentée pour établir que ces facteurs ont aggravé de façon permanente le syndrome de fatigue chronique ou la fibromyalgie qui font l'objet de votre demande.

Pour ces motifs, le Ministère ne peut pas accorder une pension d'invalidité aux termes de l'article 32 de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, conformément au paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions.
[Conforme à la transcription]

Le 24 avril 2008, l'appelante a porté la décision devant un comité de révision du Tribunal. Dans sa décision rendue le même jour, le comité de révision a jugé qu'il convenait d'accorder une pension partielle de deux cinquièmes pour le syndrome de fatigue chronique et la fibromyalgie sous le régime du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions. Le comité s'est exprimé, en partie, comme suit [P339-340] :

[Traduction]

Le comité reconnaît que la preuve médicale confirme effectivement les diagnostics relatifs au syndrome de fatigue chronique et à la fibromyalgie de la demanderesse.

Le comité reconnaît également que le Merck Manual, 18e édition, liste le syndrome de fatigue chronique sous la rubrique « Syndromes d'origine inconnue » :

[Traduction]

[...] Le syndrome de fatigue chronique se définit par une fatigue durable, intense et débilitante qui ne s'accompagne pas de faiblesse musculaire évidente. Aucun trouble sous-jacent ne peut expliquer la fatigue. La personne ne souffre habituellement pas de dépression, d'anxiété ou d'autre trouble psychologique. Le traitement consiste à se reposer et à obtenir un soutien psychologique et comprend souvent la prise d'antidépresseurs. [...]

Le Merck Manual explique que l'étiologie du syndrome de fatigue chronique prête à controverse et que la cause précise de la maladie est inconnue. Il souligne que les infections virales, les anomalies immunologiques, les anomalies neuroendocriniennes, les anomalies du système circulatoire cérébral et les anomalies des neurotransmetteurs sont des causes possibles. Le Merck Manual indique que l'apparition de la maladie est habituellement soudaine et que bon nombre de patients présentent des symptômes d'apparence viraux, comme l'enflure des ganglions lymphatiques, une fatigue intense, de la fièvre et des symptômes du tractus respiratoire supérieur.

Le Merck Manual, 18e édition, définit la fibromyalgie comme suit :

[Traduction]

[...] un trouble non articulaire de cause inconnue caractérisé par une douleur sourde, une sensibilité et une raideur dans les muscles, les zones d'insertion des tendons et les tissus mous adjacents. Le diagnostic est clinique. Le traitement comprend l'exercice, l'application locale de chaleur et la prise de médicaments pour soulager la douleur et mieux dormir. [...]

Le Merck Manual explique que la raideur et la douleur associées à la fibromyalgie commencent habituellement de façon graduelle et diffuse et que la douleur est sourde. Il prévoit également :

[Traduction]

[...] Les symptômes peuvent être exacerbés par le stress environnemental ou émotionnel, le manque de sommeil, un traumatisme, l'exposition à l'humidité ou au froid ou un médecin qui laisse croire au patient que le problème est « dans sa tête ». Les patients ont tendance à être stressés, tendus, anxieux, fatigués, ambitieux et parfois déprimés. [...]

La fibromyalgie peut disparaître soudainement si le stress est atténué, mais elle peut réapparaître à des intervalles fréquents ou devenir chronique. [...]

Le comité reconnaît que la demanderesse a consulté un médecin pour sa fatigue dans la première année de son service environ et qu'elle a reçu un diagnostic de syndrome de fatigue chronique et de fibromyalgie.

Le comité reconnaît également que les renseignements médicaux au dossier, que l'avocate a fait valoir, appuient l'argument selon lequel le service de la demanderesse dans la GRC est un facteur contributif qui a exacerbé ses symptômes. En se fondant sur ces renseignements, en particulier sur les renseignements médicaux fournis par le Dr Louis van Wyk (RD-M4), le comité conclut que la demanderesse a établi son droit à pension dans la proportion de deux cinquièmes pour le syndrome de fatigue chronique et la fibromyalgie.

Le comité choisit de réduire la pension de trois cinquièmes compte tenu de la lettre de la Dre Keli Furman, datée du 19 novembre 2007 (RD-M2) :

[Traduction]

[...] le déclenchement de son ESPT exacerbe manifestement ses autres malaises. [...] Cela a eu des effets primaires sur son ESPT et des effets secondaires sur sa fibromyalgie et sa fatigue chronique. [...]

Après la décision de révision de 2008, l'appelante a présenté une deuxième demande de pension au motif que sa fibromyalgie et son syndrome de fatigue chronique résultaient de son ESPT, pour lequel elle recevait maintenant une pension, aux termes du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions. Cette demande a été déposée auprès du Ministère le 14 juillet 2009 [P202-210].

Le 8 février 2010, le Ministère a refusé de trancher la demande d'admissibilité à une pension présentée par l'appelante en vertu du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions au motif qu'il n'avait pas la compétence de le faire étant donné que la question de l'admissibilité à une pension pour la fibromyalgie et le syndrome de fatigue chronique avait déjà été tranchée dans la décision du comité de révision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) datée du 24 avril 2008. Le Ministère s'est expliqué comme suit [P423] :

[Traduction]

Motifs de décision
• L'admissibilité à une pension d'invalidité est accordée en cinquièmes (de un cinquième à cinq cinquièmes).
• Votre dossier ministériel indique que votre syndrome de fatigue chronique et votre fibromyalgie ont été traités entièrement dans la décision du comité de révision (examen) du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) datée du 24 avril 2008. Dans cette décision, le TACRA a attribué tous les cinquièmes possibles pour le syndrome de fatigue chronique et la fibromyalgie.
• Lorsque le TACRA rend une décision dans laquelle il attribue tous les cinquièmes possibles pour une affection donnée, nous ne sommes pas autorisés à réviser ou à modifier cette décision. Même si le TACRA ne rend aucune décision officielle en vertu du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions, nous ne sommes pas autorisés à rendre une décision favorable sous le régime du paragraphe 21(5) de la Loi ou à modifier de quelque façon que ce soit la décision du TACRA, parce que celui-ci a déjà attribué tous les cinquièmes possibles dans sa décision.
Conclusion:
• Puisque le TACRA a rendu une décision dans laquelle il a attribué tous les cinquièmes possibles, nous ne pouvons pas examiner l'admissibilité à une pension pour le syndrome de fatigue chronique ou la fibromyalgie.
[C'est nous qui soulignons.]

 

L'appelante a par la suite porté cette décision devant un autre comité de révision (examen) du TACRA, et une audience a eu lieu le 13 juillet 2010. À la suite de cette audience, le comité a confirmé la décision du Ministère, parce qu'il convenait que la décision rendue en 2008 par le premier comité de révision du TACRA créait un problème de compétence pour ce qui est de la demande de pension présentée par l'appelante en vertu du paragraphe 21(5) pour le syndrome de fatigue chronique et la fibromyalgie. S'agissant de la question de compétence, le comité de révision s'est exprimé comme suit dans sa décision [P436-437] :

 

[Traduction]

Le comité prend bonne note du fait qu'un autre comité de révision (examen) du TACRA a déjà déterminé que le service de la demanderesse dans la GRC avait aggravé de façon modérée les deux affections faisant l'objet de sa demande. À ce titre, ce premier comité de révision (examen) lui a accordé une pension partielle de deux cinquièmes. Le comité fait remarquer que le premier comité de révision (examen) a réduit la pension de trois cinquièmes au motif que les affections résultaient de l'ESPT de la demanderesse, comme en témoignent les opinions médicales fournies.

Le comité reconnaît pleinement que le premier comité de révision (examen) n'a pas officiellement tranché la question de la pension d'invalidité supplémentaire aux termes du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions. Cependant, après un examen attentif de l'affaire, le comité est d'avis que le premier comité de révision (examen) a en fait conclu qu'une partie des invalidités faisant l'objet de la demande de pension présentée par la demanderesse pour le syndrome de fatigue chronique et la fibromyalgie a résulté ou pourrait avoir résulté de l'ESPT pour lequel elle reçoit une pension.

Ayant examiné l'ensemble de la preuve, des arguments et des questions présentés dans le contexte de la demande supplémentaire pour le syndrome de fatigue chronique et la fibromyalgie, ainsi que les motifs de la décision du premier comité de révision (examen) (24 avril 2008) d'accorder les deux cinquièmes d'une pension pour ces invalidités sous le régime du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, le présent comité de révision conclut que les aspects de la demande de pension d'invalidité fondés sur les paragraphes 21(2) et 21(5) sont trop étroitement liés pour être examinés séparément.

Pour compliquer davantage les choses, le comité fait remarquer que la demanderesse avait indiqué clairement, dans sa première demande de pension, qu'elle présentait une demande de pension supplémentaire. Pour une raison inconnue, le Ministère a examiné la demande d'attribution directe au service dans la GRC. Le premier comité de révision (examen) n'a pas abordé ce point dans sa décision. Le présent comité de révision n'a pas la compétence de réexaminer la décision du premier comité de révision. Cette question ne peut être réglée que par un comité d'appel du TACRA.

Après avoir bien examiné l'affaire, le comité conclut que le Ministère n'a pas commis d'erreur en omettant d'examiner la demande de pension supplémentaire. Le comité est d'avis que le libellé de la décision du premier comité de révision a fait en sorte que le Ministère n'avait pas la compétence pour aller de l'avant. Il est dommage que les deux aspects de la demande n'aient pas été traités ensemble dès le départ, lorsque la demande a été présentée au ministère des Anciens Combattants. Cela étant dit, le présent comité de révision n'a pas la compétence de regrouper les demandes maintenant ou de se déclarer compétent à l'égard de la demande fondée sur le paragraphe 21(2). Si la demanderesse choisit de se prévaloir de son droit d'interjeter appel de la décision du premier comité de révision (examen) du TACRA portant sur le syndrome de fatigue chronique et la fibromyalgie, le comité d'appel saisi de l'affaire aurait la compétence d'entendre et de trancher toutes les questions découlant des demandes présentées par la demanderesse en vertu du paragraphe 21(5) et du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions. La conclusion du présent comité à cet égard l'empêche donc de trancher la demande de pension supplémentaire.

Le présent comité attire donc l'attention de l'avocate sur sa conclusion selon laquelle le règlement convenable de la demande de pension supplémentaire nécessite qu'un comité d'appel du TACRA examine conjointement la présente décision et celle du 24 avril 2008.

Suivant la recommandation formulée par le comité de révision en 2010, l'appelante, par l'intermédiaire de son avocate, a interjeté appel des décisions des comités de révision datées du 24 avril 2008 et du 13 juillet 2010. L'appel a été entendu devant le présent comité d'appel le 8 août 2011. À l'audience, l'avocate a passé en revue la preuve et a présenté des arguments pour le compte de l'appelante au sujet de son admissibilité à une pension pour la fibromyalgie et le syndrome de fatigue chronique sous le régime des paragraphes 21(5) et 21(2) de la Loi sur les pensions. Aucun nouvel élément de preuve n'a été présenté au comité d'appel.

Au début de l'audience, le comité d'appel a invité l'avocate à présenter des observations sur le bien-fondé de l'admissibilité et les incidences du fait que le Ministère a laissé entendre, dans ses instructions relatives à l'évaluation, que les affections faisant l'objet de la demande étaient si étroitement liées à l'ESPT que toutes les affections devraient être regroupées aux fins de l'admissibilité et de l'évaluation.

L'avocate a indiqué qu'elle présenterait des observations sur la question de l'admissibilité seulement, car il n'était pas question de l'évaluation dans les deux décisions portées devant le comité d'appel.

S'agissant du bien-fondé de la demande, l'avocate a demandé au comité d'appel d'attribuer les trois cinquièmes restants en vertu du paragraphe 21(5). Elle a fait valoir que le comité d'appel pouvait le faire compte tenu des commentaires détaillés figurant au dossier selon lesquels les deux affections faisant l'objet de la demande sont liées à l'ESPT. Subsidiairement, elle a fait valoir que le comité d'appel pourrait modifier la décision du premier comité de révision en augmentant le degré d'admissibilité de deux cinquièmes à cinq cinquièmes sous le régime du paragraphe 21(2).

À l'audience, le comité d'appel a fait part à l'avocate de ses préoccupations devant le fait qu'advenant qu'il n'accorde pas à l'appelante une pleine pension, la seule option dont l'appelante disposerait serait de demander le réexamen de sa demande sur présentation de nouveaux éléments de preuve ou de demander un contrôle judiciaire. L'avocate a répondu que l'appelante ne serait satisfaite que si une pleine pension lui était accordée, et elle a fait valoir qu'il y avait suffisamment d'éléments de preuve dans le dossier pour justifier l'attribution de cinq cinquièmes.

Sur la question précise de savoir à quelle date la décision d'accorder une pension supplémentaire devrait entrer en vigueur, l'avocate a attiré l'attention du comité sur la page 7 de l'exposé du cas, où l'appelante a écrit, dans une annexe à sa déclaration solennelle relative à la demande :

[Traduction]

[...] L'ESPT aggrave la fatigue chronique et la fibromyalgie. Ils s'aggravent l'un l'autre. Traumatisme/stress inhabituel (chronique). Le manque de sommeil exacerbe la fatigue chronique et la fibromyalgie. [...]
[Conforme à la transcription]

L'avocate a soutenu que l'énoncé qui précède, déposé avec la première demande de pension en avril 2006, montre clairement que l'appelante souhaitait que sa demande soit tranchée, dès le départ en 2006, en vertu du paragraphe 21(5) en tant que demande de pension supplémentaire. Par conséquent, si le comité juge qu'il convient d'accorder tout ou partie d'une pension supplémentaire en vertu du paragraphe 21(5), cette décision devrait être rétroactive à la demande d'avril 2006.

L'avocate a également invoqué le paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions, qui prévoit une compensation supplémentaire lorsque, en raison de retards administratifs ou autres indépendants de la volonté de l'appelante, la pension devrait être accordée à partir d'une date antérieure aux trois ans prévus au paragraphe 39(1). L'avocate a fait valoir qu'en l'espèce de nombreux éléments de preuve attestent de retards de ce genre – particulièrement compte tenu du fait que la demande de l'appelante, présentée en 2006, n'a jamais été tranchée comme prévu.

ANALYSE/RAISONS

Pour en arriver à sa décision, le comité d'appel a tenu compte de toutes les règles de la preuve énoncées dans sa loi habilitante. L'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) se lit comme suit :

39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;
b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;
c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

Comme la Cour fédérale l'a souligné dans un certain nombre de décisions (y compris récemment dans Clarke c. Tribunal des anciens combattants (révision et appel), 2009 CF 298 (juge Dawson), l'appelante ne doit pas seulement soulever un doute. Il incombe à l'appelante de prouver la thèse qu'elle demande au comité d'adopter.

Le comité d'appel a examiné attentivement la preuve historique et contemporaine en l'espèce. Puisque les éléments de preuve figurant au dossier indiquent que la ou les causes de la fibromyalgie et du syndrome de fatigue chronique de l'appelante ne sont pas encore claires, le comité ne peut pas raisonnablement inférer ou conclure que l'admissibilité de l'appelante à cinq cinquièmes d'une pension (ce qui signifie que le service dans la GRC est le seul facteur ayant contribué aux affections) sous le régime du paragraphe 21(2) ou 21(5) de la Loi sur les pensions a été établie.

En 2008, le premier comité de révision a attribué à l'appelante, en vertu du paragraphe 21(2), deux cinquièmes d'une pension au motif que le service dans la GRC était un facteur ayant contribué à l'exacerbation des symptômes relatifs au syndrome de fatigue chronique et à la fibromyalgie dont souffre l'appelante. Cependant, le présent comité d'appel conclut que la preuve qui a été présentée au comité de révision en 2008, et dont il est maintenant saisi, n'établit pas que le service dans la GRC a causé ou déclenché les symptômes relatifs au syndrome de fatigue chronique et à la fibromyalgie, ou qu'il y a contribué de façon évidente et permanente.

Pour établir l'admissibilité à une pleine pension ou à une pension partielle sur le fondement de l'aggravation d'une invalidité aux termes du paragraphe 21(2) ou (2.1) de la Loi sur les pensions, il faut prouver l'existence d'un lien causal entre le service dans la GRC et l'invalidité permanente. L'admissibilité à une pension partielle sur le fondement de l'aggravation est établie si la preuve montre que des facteurs liés au service ont contribué à l'aggravation du degré de l'invalidité permanente. Si la preuve montre que le service a eu une incidence permanente sur le degré ou la gravité de la dernière invalidité permanente, il est alors possible de conclure que le service a contribué à causer l'invalidité permanente faisant l'objet de la demande. Cependant, si rien n'indique que le service ou une invalidité liée au service a modifié ou aggravé de façon permanente l'invalidité faisant l'objet de la demande, l'admissibilité à une pension partielle sous le régime des paragraphes 21(2), 21(5) ou 21(2.1) de la Loi sur les pensions n'est pas établie.

En l'espèce, la preuve n'établit pas que le service a causé une aggravation permanente des invalidités faisant l'objet de la demande. La preuve au dossier montre que certains facteurs liés à la GRC, comme le travail par quarts ou le stress lié au travail, pourraient avoir exacerbé ou aggravé de façon temporaire, c'est-à-dire pendant que l'appelante y était exposée, les symptômes de l'appelante liés au syndrome de fatigue chronique et à la fibromyalgie. Cependant, rien ne permet d'établir qu'il y a eu une incidence permanente sur la nature ou la gravité des symptômes de l'appelante liés aux affections faisant l'objet de la demande, ou un changement évident à cet égard, après que l'appelante a cessé de travailler par quarts, comme il le faudrait pour pouvoir accorder une pension partielle sur le fondement de l'aggravation directe et permanente d'une invalidité en raison du service sous le régime des paragraphes 21(2) et (2.1).

La conclusion la plus favorable qui découle de l'ensemble de la preuve dont est maintenant saisi le comité d'appel est que le service dans la GRC pourrait avoir exacerbé de façon temporaire les symptômes de l'appelante liés au syndrome de fatigue chronique et à la fibromyalgie. Cela étant dit, la preuve n'établit pas que le service dans la GRC a causé ou déclenché directement l'invalidité ou les symptômes invalidants liés au syndrome de fatigue chronique et à la fibromyalgie. La preuve n'établit pas non plus que le service dans la GRC a contribué de façon distincte ou évidente et permanente au degré de l'invalidité de l'appelante liée au syndrome de fatigue chronique et à la fibromyalgie. Le comité d'appel doit par conséquent conclure que le comité de révision a commis une erreur dans sa décision de 2008. Le comité d'appel ne peut pas confirmer la décision d'accorder une pension partielle à l'appelante en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, car rien n'indique que le service dans la GRC a causé directement une aggravation permanente de l'invalidité ou des symptômes invalidants liés au syndrome de fatigue chronique et à la fibromyalgie.

Cependant, le comité d'appel est d'avis que la preuve permet raisonnablement de conclure que l'invalidité liée au service de l'appelante, à savoir l'ESPT, a eu une incidence chronique sur la fréquence et la gravité des symptômes de l'appelante et qu'elle a ainsi aggravé de façon permanente le degré de son invalidité liée au syndrome de fatigue chronique et à la fibromyalgie, et y a contribué de façon permanente.

Bien que le comité de révision de 2008 ait justifié sa décision de réduire la pension de trois cinquièmes en se fondant sur le rapport de la Dre Keli Furman, psychologue, daté du 19 novembre 2007, le présent comité d'appel conclut que la preuve de la Dre Furman appuie plus raisonnablement l'octroi d'une pension partielle de deux cinquièmes sous le régime du paragraphe 21(5). Cette preuve appuie la conclusion selon laquelle les effets et les symptômes permanents de l'ESPT auront une incidence permanente et chronique sur les symptômes invalidants de l'appelante liés au syndrome de fatigue chronique et à la fibromyalgie. Le comité renvoie au rapport de la Dre Furman, qui prévoit en partie ce qui suit :

[Traduction]

[...] le déclenchement de son ESPT exacerbe manifestement ses autres malaises. [...] Cela a eu des effets primaires sur son ESPT et des effets secondaires sur sa fibromyalgie et sa fatigue chronique. [...]

Le comité d'appel a examiné attentivement tous les autres éléments de preuve figurant au dossier de l'appelante pour déterminer de quelle façon et dans quelle mesure son service dans la GRC pourrait avoir contribué à l'invalidité liée au syndrome de fatigue chronique et à la fibromyalgie ou l'avoir aggravée de façon permanente. Le comité renvoie à la preuve du Dr Louis van Wyk, datée du 23 octobre 2007, qui prévoit ce qui suit [P353] :

[Traduction]

[...] La cause de sa fibromyalgie et de son syndrome de fatigue chronique est encore inconnue. Nous savons que le stress et certains types d'activité physique exacerbent les symptômes. [...]

Le comité de révision saisi de l'affaire en juillet 2010 disposait de cette lettre et du reste de la preuve médicale contenue dans l'exposé du cas, qui ont également été examinés par le premier comité de révision en 2008. Le présent comité fait remarquer que le Dr van Wyk est le seul médecin qui a parlé de l'étiologie de la fibromyalgie et du syndrome de fatigue chronique de l'appelante.

Le Dr Edguer, neurologue, a simplement fait remarquer, dans un rapport daté du 6 mai 2005 [P347], que le travail par quarts de l'appelante [traduction] « exacerbe son syndrome de fatigue chronique ». Le présent comité d'appel est d'avis que la déclaration du Dr Edguer concorde avec le reste de la preuve au dossier, selon laquelle le travail par quarts a exacerbé la fatigue de l'appelante. Cependant, la preuve du médecin ne traite pas des causes sous-jacentes du syndrome de fatigue chronique et de la fibromyalgie. Elle n'établit pas non plus que le travail par quarts a causé une aggravation continue ou permanente de l'invalidité.

Le Dr Khan, rhumatologue, a confirmé le diagnostic de fibromyalgie et de syndrome de fatigue chronique, mais n'a pas traité des causes sous-jacentes des affections. Enfin, la Dre Patricia Stansberry, dans un rapport daté du 12 octobre 2007, a cité le rapport du Dr Edguer, mais n'a pas discuté de la possibilité que le service dans la GRC ou l'ESPT aient causé ou aggravé de façon permanente les deux affections faisant l'objet de la demande de l'appelante.

En conclusion, le comité d'appel n'interprète pas la preuve du Dr van Wyk ou le reste de la preuve au dossier de la même façon que le premier comité de révision, qui a conclu que l'invalidité liée aux deux affections faisant l'objet de la demande de l'appelante était rattachée directement à son service dans la GRC dans la proportion de deux cinquièmes. Depuis les décisions rendues par les deux comités de révision en 2008 et en 2010, aucun nouvel élément de preuve médical n'a été présenté au présent comité d'appel. Plus particulièrement, aucun médecin qualifié n'a présenté de nouvel élément de preuve pour montrer que les deux affections faisant l'objet de la demande de l'appelante sont liées directement ou étroitement à son service dans la GRC ou qu'elles sont liées à son service dans la GRC dans une proportion plus élevée que deux cinquièmes. L'ensemble de la preuve figurant au dossier permet de conclure raisonnablement que le travail par quarts ou d'autres facteurs de stress liés au service ont aggravé ou exacerbé les symptômes de façon temporaire ou immédiate. Encore une fois, cependant, le comité d'appel fait remarquer que la preuve ne montre pas que le service dans la GRC a eu une incidence permanente et continue sur ces symptômes après que l'appelante a cessé de travailler par quarts ou d'être exposée aux facteurs de stress liés au service, comme il le faudrait pour pouvoir accorder une pension partielle sous le régime des paragraphes 21(2) et (2.1) au motif que le service dans la GRC a causé l'aggravation directe ou immédiate et permanente d'une invalidité.

Bien que le comité d'appel soit d'avis que la preuve ne permet pas de conclure que le service dans la GRC était la cause directe, unique, primaire ou immédiate du syndrome de fatigue chronique et de la fibromyalgie de l'appelante, en vertu des paragraphes 21(2) et (2.1) de la Loi sur les pensions, il conclut que les deux cinquièmes d'une pension qui ont été attribués à l'appelante en 2008 sont justifiés en raison du fait que l'invalidité liée au service (l'ESPT) de l'appelante, a entraîné une aggravation permanente et chronique de ses symptômes rattachés au syndrome de fatigue chronique et à la fibromyalgie. La preuve permet de conclure raisonnablement que l'ESPT a causé une aggravation chronique et permanente des symptômes. Cette conclusion concorde avec le consensus médical, tel qu'il est exprimé dans le Merck Manual. Elle concorde également avec les raisons pour lesquelles le Ministère a évalué séparément les affections faisant l'objet de la demande et l'ESPT.

Le présent comité d'appel a tenu compte de la façon dont le Ministère évalue actuellement les deux affections faisant l'objet de la demande afin de s'assurer que le comité dispose du plus grand nombre de renseignements possible sur les liens entre l'ESPT pour lequel l'appelante reçoit déjà une pension et les deux affections faisant l'objet de la demande et de mieux comprendre les questions complexes en l'espèce. Dans sa feuille d'évaluation et sa décision du 13 mars 2009 (AD-Annexe-B1), le Ministère a décidé d'évaluer séparément le syndrome de fatigue chronique et la fibromyalgie de l'appelante, d'une part, et son ESPT, d'autre part. Le Ministère semble s'être éloigné de ses propres instructions d'évaluation prévues au chapitre 21 de la Table des invalidités (2006) d'Anciens Combattants Canada, en reconnaissant que, bien qu'il existe un certain lien entre les affections fondées sur la demande et l'ESPT, ces affections n'ont pas les mêmes symptômes et les mêmes effets, ce qui justifiait qu'une évaluation distincte ou non regroupée soit effectuée.

Compte tenu de l'ensemble de la preuve et des renseignements qui précèdent, le comité d'appel conclut que la décision d'accorder deux cinquièmes d'une pension est justifiée sous le régime du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions au motif que les affections faisant l'objet de la demande résultent de l'ESPT de l'appelante. Aucun nouvel élément de preuve médical n'a été présenté au comité d'appel pour établir que l'ESPT a aggravé la dernière invalidité liée au syndrome de fatigue chronique et à la fibromyalgie de l'appelante, et qu'il y a contribué de façon permanente, dans une mesure plus importante que deux cinquièmes. Étant donné qu'aucun nouvel élément de preuve médical n'a été présenté pour démontrer que la décision d'attribuer deux cinquièmes d'une pension était erronée ou déraisonnable, le comité confirme que l'appelante a droit à une pension partielle de deux cinquièmes en vertu du paragraphe 21(5) pour l'aggravation de sa fibromyalgie et de son syndrome de fatigue chronique.

En conclusion, le présent comité d'appel confirme la décision d'attribuer deux cinquièmes d'une pension pour la fibromyalgie et le syndrome de fatigue chronique, mais modifie le fondement législatif de la décision. La pension est accordée en vertu des paragraphes 21(5) et (2.1) de la Loi sur les pensions, plutôt qu'en vertu du paragraphe 21(2). Les deux cinquièmes d'une pension continueront d'être versés sous le régime des paragraphes 21(5) et (2.1) de la Loi sur les pensions. Comme la présente décision confirme le versement de deux cinquièmes d'une pension, elle n'a aucune incidence rétroactive. L'appelante reçoit deux cinquièmes d'une pension depuis le 3 avril 2006, soit depuis la date de sa première demande. Par conséquent, il n'y a aucune question de rétroactivité à trancher aux termes de l'article 39 de la Loi sur les pensions.

DÉCISION

Les décisions du comité de révision (examen) en date du 24 avril 2008 et du 13 juillet 2010 sont toutes les deux modifiées. Le comité d'appel du droit à pension confirme la droit à pension dans une proportion de deux cinquièmes de l'appelante pour les affections de fibromyalgie et syndrome de fatigue chronique. Par contre, le comité d'appel modifie la provision de la législation pour laquelle le montant du droit à pension a été accordé, soit du paragraphe 21(2) au paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions.

Lois pertinentes :

Loi sur les pensions. [S.R.C. 1970, ch. P-7, art. 1; L.R.C. 1985, ch. P-6, art. 1.]

art. 2
paragraphe 21(2) et (2.1)
paragraphe 21(5)
art. 39

Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada. [S.R.C. 1970, ch. R-11, art.1; L.R.C. 1985, ch. R-11, art.1.]

art. 32

Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). [S.C. 1987, ch. 25, art. 1; L.R.C. 1985, ch. 20 (3e suppl.), art. 1; L.C. 1994-95, ch. 18, art. 1; TR/95-108.]

article 3
article 25
article 39

Attachments:

AD-Annexe-B1:
Feuille de calcul de l'invalidité, datée du 21 mai 2009, et annexes (28 pages)