2012-169 Décision
- Représentante :
- Daniel Assh, BSJP
- Décision No :
- 100001746169
- Type de décision :
- Comité de révision
- Lieu de l'audition :
- Téléconference/Videoconference
- Date de la décision :
- le 27 mars 2012
Le comité de révision de l'admissibilité décide :
ALLOCATION POUR SOINS
L'allocation pour soins est accordée en vertu de l'article 38 de
la Loi sur les pensions.
L'affaire est renvoyée au ministre pour que celui-ci détermine
le niveau.
Article 21, Loi sur le tribunal des anciens combattants (révision et appel)
Devant: |
Richard Bonin |
Membre présidant |
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W.F. Watson |
Membre |
|
Motifs présentés par : |
Copie originale signée par:
Richard Bonin |
INTRODUCTION
La présente demande est déposée par l'ancien combattant en raison de son insatisfaction à l'égard de la décision du ministre rendue le 20 décembre 2011, dans laquelle il a rejeté la demande d'allocation pour soins présentée en vertu du paragraphe 38(1) de la Loi sur les pensions. Voici un extrait de la décision :
[traduction] Même si le ministre reconnaît que vous souffrez d'un certain nombre de problèmes de santé (indemnisés et non indemnisés) qui font en sorte que vous n'êtes pas entièrement autonome dans vos activités quotidiennes, l'Équipe interdisciplinaire (EID) d'ACC a souligné que les services provinciaux de soins à domicile qui pourraient répondre à vos besoins de même que les soins personnels du PAAC ne sont pas utilisés.
Comme le prévoit la politique d'ACC - Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants, Partie II, Programme pour l'autonomie des anciens combattants 3.1.15(4) - Continuation du PAAC à domicile, Services provinciaux de soins à domicile du PAAC d'ACC -, il faut pouvoir toucher des prestations de soins à domicile en guise de soutien supplémentaire pour avoir droit à une allocation pour soins.
Le comité remarque que la décision porte la signature d'un gestionnaire de cas.
QUESTION PRÉLIMINAIRES
L'avocat a indiqué que le demandeur souhaitait que son cas soit entendu in absentia par téléconférence (RD-S1).
QUESTION EN LITIGE
Il s'agit de déterminer si la décision du ministre respecte les dispositions de la loi et de la réglementation, notamment en ce qui concerne le paragraphe 38(1) de la Loi sur les pensions.
ÉLÉMENTS DE PREUVE ET DISCUSSION
L'avocat a fait valoir que la décision du ministre va à l'encontre de la Loi sur les pensions, de son règlement d'application, et de la politique d'Anciens combattants Canada (ACC) sur le Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants, Partie II (Programme pour l'autonomie des anciens combattants, 3.1.15(4)).
Le comité a examiné l'évaluation du conseiller de secteur axée sur le client datée du 5 décembre 2011 et a reconnu que le demandeur est totalement invalide compte tenu d'affections indemnisées ou non indemnisées. Il a remarqué que l'évaluation contient plusieurs documents venant appuyer cette conclusion.
L'avocat a examiné la pièce RD-Annexe-S1, qui porte sur le « Programme pour l'autonomie des anciens combattants ». Voici un extrait de la décision, où il est écrit ce qui suit au paragraphe 15(4) :
[traduction]
(4) Sous réserve de l'article 33.1, les anciens combattants ayant servi outre-mer qui, selon le paragraphe 21(1), sont admissibles à des soins intermédiaires ou à des soins prolongés lorsqu'ils se trouvent dans un établissement du Ministère ou qu'ils occupent un lit réservé, sont également admissibles aux services du programme pour l'autonomie des anciens combattants visés aux alinéas 19a), b) et d) dans la mesure où ils ne peuvent obtenir ces services au titre de services assurés dans le cadre d'un régime d'assurance-maladie d'une province [...].
L'avocat a fait valoir que ces conditions s'appliquent au Programme pour l'autonomie des anciens combattants, mais que rien n'indique que cette politique s'applique aussi à l'allocation pour soins.
L'avocat-conseil des pensions a fait valoir que l'allocation pour soins est régie par un programme distinct et que la seule mention de ce programme se trouve dans la Loi sur les pensions, où l'on peut lire ce qui suit au paragraphe 38(1) :
38. (1) Il est accordé, sur demande, à un membre des forces à qui une pension, une indemnité ou les deux a été accordée, qui est atteint d'invalidité totale due à son service militaire ou non et qui requiert des soins une allocation pour soins au taux fixé par le ministre en conformité avec les minimums et maximums figurant à l'annexe III.
L'avocat a fait valoir que la famille souhaite garder l'ancien combattant à la maison, et il a indiqué, quand le comité l'a questionné à ce propos, qu'il ne savait pas avec précision qui assumait les frais pour le fournisseur de soins mentionné dans l'évaluation.
En outre, l'avocat a fait valoir qu'il n'avait trouvé aucun règlement appuyant la décision du Ministre.
DÉCISION
Après avoir examiné tous les éléments de preuve, le comité estime que rien ne permet de souscrire à la décision du Ministre de refuser au demandeur l'allocation pour soins.
La question en l'espèce était de déterminer si, compte tenu des faits, il était raisonnable pour le Ministère de conclure que le PAAC et le régime provincial de services de soins à domicile pouvaient répondre aux besoins de l'ancien combattant, aux termes du paragraphe 38(1) de la Loi sur les pensions.
La question à trancher dans ce cas est de savoir si les facteurs de l'affaire démontrent que l'ancien combattant « requiert des soins », au sens de l'article 38 de la Loi sur les pensions. L'article 38 de la Loi porte que la question de requérir des soins est un des critères d'admissibilité à l'allocation pour soins, mais ne dit pas ce que l'on entend quand on dit d'un anciens combattant qu'il « requiert des soins ». Plus spécifique est la question de savoir de quels services ou formes de soutien il faudrait tenir compte au moment d'examiner la question des soins requis énoncée à l'article 38, pour savoir si ce besoin est comblé par les sources de soins et de soutien actuelles ou potentielles dont peut bénéficier l'ancien combattant.
Il convient d'abord de préciser que l'article 38 de la Loi ne rend pas le versement de l'allocation conditionnel à l'existence ou à la disponibilité d'autres programmes ou services. Il ne fait pas non plus de lien entre l'admissibilité à l'allocation pour soins et l'utilisation de services relevant du PAAC.
L'article 38 du Manuel des politiques - Pensions, est pertinent en l'espèce, car il énonce, au chapitre 5 de la Table des invalidités, les lignes directrices à suivre pour déterminer si un ancien combattant « requiert des soins », aux termes de l'article 38 de la Loi sur les pensions. Voici la définition que l'on donne dans ce manuel :
quelqu'un qui a besoin d'aide ou de supervision d'une autre personne pour se nourrir, se laver, s'habiller, aller à la toilette, marcher ou prendre ses médicaments, et le besoin n'est pas déjà comblé par les prestations, les services ou les soins fournis au client ou à la cliente par ACC en vertu de la législation des anciens combattants ou tout autre programme, y compris mais non de façon limitative, les programmes fédéraux, provinciaux, municipaux ou communautaires, au moyen desquels les prestations, les services ou les soins sont fournis gratuitement au client ou à la cliente.
En rendant sa décision, le Ministère semble ne pas avoir tenu compte du libellé de l'article 38 de la Loi sur les pensions ni de la politique du Ministère en ce qui concerne l'article 38. L'allocation pour soins et le PAAC sont deux programmes distincts qui sont régis par des lois différentes. Les décisions relatives à l'allocation pour soins doivent être rendues en fonction des critères énoncés à l'article 38 de la Loi sur les pensions. Il convient aussi de noter que l'allocation pour soins est une « compensation » statutaire, au sens où on l'entend à l'article 3 de la Loi sur les pensions, alors que le PAAC est un programme de contribution fourni par règlement et régi par le Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants. Étant donné que l'allocation pour soins est assujettie à l'article 38 de la Loi sur les pensions, il va sans dire que les dispositions de l'article 38 et les politiques découlant de cet article prévalent sur les dispositions du Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants et les politiques du PAAC.
Le comité estime qu'en l'espèce, il est clair que l'ancien combattant requiert des soins, aux termes de l'article 38 de la Loi. La preuve présentée au comité, y compris l'évaluation du conseiller du secteur et les notes sur le client inscrites dans le RPSC, indique que l'ancien combattant ne peut parler en son propre nom. Il est totalement invalide du fait qu'il est atteint de troubles de démence, de la maladie de Parkinson et d'importants problèmes de mobilité provoqués par des affections musculosquelettiques. L'évaluation du conseiller du secteur indique également que l'ancien combattant a besoin d'accessoires et d'appareils médicaux, et qu'il nécessite des soins en permanence. La condition de l'ancien combattant est suffisamment grave pour que le personnel de soins à domicile de la province impliqué dans le dossier recommande la prestation de soins de longue durée.
Le Ministère semble aussi d'avis que l'ancien combattant requiert des soins constants. En fait, le Ministère a récemment subventionné, dans le cadre du PAAC, les modifications importantes apportées au domicile de l'ancien combattant. Même s'il a consenti à assumer ces frais pour permettre au demandeur de rester chez lui, le Ministère a refusé de lui accorder une allocation pour soins parce qu'il a conclu que les besoins de l'ancien combattant pouvaient être comblés par le PAAC et les services provinciaux de soins à domicile. Le Ministère a indiqué dans sa décision que celle-ci repose sur le paragraphe 3.1.15(4) de la politique sur le PAAC.
Le comité conclut que la décision du Ministère dans ce dossier ne respecte pas les dispositions de l'article 38 ni la politique ministérielle qui en découle. Il est raisonnable pour ACC de tenir compte du soutien et des soins provenant de diverses sources - comme le PAAC et les services provinciaux - au moment de déterminer si un ancien combattant « requiert des soins » ou non. Cependant, il n'est pas raisonnable d'exiger, de façon absolue et contraignante, que l'ancien combattant ait recours à ces solutions pour être admissible à une allocation pour soins.
L'application, par le Ministère, de la politique sur l'allocation pour soins ne respecte pas les dispositions mêmes de l'article 38 de la Loi ni la politique en soi. Le comité souligne que la politique du Ministère parle d'un « besoin [...] [qui] n'a pas déjà été comblé par les prestations, [...] fournis [...] en vertu de [...] tout autre programme, y compris mais non de façon limitative, les programmes fédéraux, provinciaux, municipaux [...] ». La politique du Ministère semble porter davantage sur la question de savoir si les besoins de soins sont comblés plutôt que de savoir s'ils peuvent être comblés.
Le Ministère n'a pas adéquatement tenu compte des faits propres à l'affaire en refusant d'accorder à l'ancien combattant une allocation pour soins sous prétexte que les services de soins à domicile dispensés par la province pouvaient satisfaire aux besoins de l'ancien combattant. Le Ministère n'a pas pris en considération le fait que le demandeur ne bénéficie pas de soins à domicile et que, par conséquent, ses besoins ne sont pas satisfaits. Il n'a pas non plus tenu compte du fait que, s'il en est ainsi, c'est parce que les services provinciaux de soins à domicile dont l'ancien combattant a déjà bénéficié avaient cessé en raison des graves problèmes survenus. La preuve versée au dossier porte fortement à croire que le programme provincial de soins à domicile ne pouvait, dans les faits, répondre aux besoins de l'ancien combattant.
Le comité conclut que les faits en l'espèce n'appuient pas raisonnablement la conclusion selon laquelle les besoins de l'ancien combattant en ce qui a trait à l'allocation pour soins sont déjà satisfaits par le programme provincial de soins à domicile, tel qu'on l'entend dans les politiques énoncées en vertu de l'article 38. Il apparaît clairement, à l'examen de la preuve inscrite dans le RPSC, que l'ancien combattant a déjà bénéficié des services provinciaux de soins de santé par le passé, mais que les services ont cessé après que des problèmes importants sont survenus, à savoir que les employés qui dispensaient les soins ont été agressé physiquement et verbalement alors qu'ils se trouvaient au domicile de l'ancien combattant, vraisemblablement en raison des troubles de démence dont est atteint ce dernier. À la suite de cet incident, les services ont cessé. ACC est intervenu dans le dossier afin de résoudre le différend entre le fournisseur de services et la famille de l'ancien combattant, mais même si les représentants provinciaux ont fini par accepter de reprendre les services, la famille de l'ancien combattant a refusé.
La preuve figurant au dossier et les observations présentées par l'avocat à l'audience de révision confirment que la famille verse actuellement 4 000 $ par mois à un travailleur en soins personnels pour que celui-ci s'occupe de l'ancien combattant. Non seulement cet élément de preuve démontre que les services provinciaux de soins à domicile sont incapables de répondre aux besoins de l'ancien combattant, mais il montre également que la famille doit débourser 4 000 $ mensuellement pour offrir ces soins à l'ancien combattant.
Le comité estime que les faits dans ce dossier permettent de conclure que l'ancien combattant requiert véritablement des soins qui ne sont pas déjà comblés par d'autres services ou programmes. L'ancien combattant est donc admissible à une allocation pour soins, comme le prévoit l'article 38 de la Loi sur les pensions.
DATE D'ENTRÉE EN VIGUEUR
Le comité ordonne le versement d'une allocation pour soins dont le taux sera établi par le Ministère en vertu du paragraphe 38 (1) de la Loi sur les pensions.
Lois pertinentes :
Loi sur les pensions, [S.R.C. 1970, ch. P-7, art. 1; L.R.C. 1985, ch. P-6, art. 1.]
article 38
Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). [S.C. 1987, ch. 25, art. 1; L.R.C. 1985, ch. 20 (3e suppl.), art. 1; L.C. 1994-95, ch. 18, art. 1; TR/95-108.]
article 3
article 25
article 39
Pièce déposée en preuve :
- RS-S1:
- Formulaire de consentement et de renonciation pour les audiences par téléconférence ou les audiences in absentia reçu le 8 mars 2012 et signé par procuration au nom du demandeur (une page).
Pièces jointes :
- RD-Annexe-S1:
- Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants - Partie ll - Programme pour l'autonomie des anciens combattants, Admissibilité Imprimé le 19 mars 2012 (deux pages).
- RD-Annexe-S2:
- Loi sur les pensions - Paragraphe 38(1) - Allocation pour soins (trois pages).
- RD-Annexe-S3:
- Formulaire d'autorisation quinquennale de divulguer des renseignements personnels, signé par le demandeur le 10 mai 2010 (une page).