2012-456 Décision

Représentante :
Jacquie El-Chammas
Décision No :
100001779456
Type de décision :
Ordonnance de la Cour fédérale pour la tenue d'une nouvelle audience d'appel d'une décision relative à l'admissibilité
Lieu de l'audition :
Charlottetown, (Île-du-Prince-Édouard)
Date de la décision :
le 9 août 2012

Le comité d'appel de l'admissibilité décide :

SCLÉROSE EN PLAQUES

Aucun droit à pension n'est accordé pour l'invalidité car elle ne découle pas de l'affection indemnisée, à savoir le trouble de stress post-traumatique.
Paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions

Devant:

Brent Taylor

Membre présidant

Roger B. Langille

Membre

John Morrison

Membre

Motifs présentés par :

Copie originale signée par:

 

Brent Taylor

INTRODUCTION

Cette affaire a été renvoyée au comité du Tribunal par l'honorable juge Beaudry de la Cour fédérale du Canada, à la demande et avec l'autorisation du Procureur général du Canada et du demandeur.


QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

En application du paragraphe 28(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le demandeur a choisi de faire des observations écrites plutôt que soit tenue une audience.


QUESTION(S) EN LITIGE

Le comité d'appel des décisions relatives à l'admissibilité chargé de l'espèce doit déterminer si la sclérose en plaques diagnostiquée est liée en partie ou en totalité au syndrome de stress post-traumatique pour lequel le demandeur est déjà indemnisé partiellement.


ÉLÉMENTS DE PREUVE ET DISCUSSION

Cette décision concerne la demande de pension d'invalidité pour sclérose en plaques présentée par le demandeur en vertu du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions, prétendant que l'affection dont il souffre s'est développée ou a été aggravée par un syndrome de stress post-traumatique pour lequel il est partiellement indemnisé.

L'historique des demandes de pension pour sclérose en plaques est assez complexe étant donnée que deux autres demandes d'indemnités liées à la sclérose en plaques ont été présentées et que plusieurs décisions ont été rendues par Anciens Combattants Canada et le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) relativement à chaque demande. Le demandeur avait d'abord présenté une demande d'invalidité en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, parce que, selon lui, la sclérose en plaques dont il souffrait était causée par son service militaire ou était directement liée à celui-ci. Cette demande a été rejetée par Anciens Combattants Canada (le Ministère) et le refus d'admissibilité a été confirmé par les niveaux d'appel et de révision de ce Tribunal.

Le demandeur a également présenté une demande pour un syndrome de stress post-traumatique en arguant que les Forces canadiennes avaient mal administré son traitement médical de 1998 à 2000. Ce manquement avait retardé le diagnostic de sclérose en plaques, ce qui avait aggravé son syndrome de stress post-traumatique. À l'audience d'avril 2004, le comité de révision a reconnu qu'il y avait eu un délai de quatre mois en 2000 avant de procéder à l'IRM nécessaire au diagnostic de sclérose en plaques. Le comité de révision a accordé une indemnité partielle de un cinquième pour un syndrome de stress post-traumatique, en reconnaissant que le retard de diagnostic avait causé un stress supplémentaire au demandeur et que ce stress était un facteur qui avait exacerbé ou aggravés on syndrome de stress post-traumatique.

Après avoir obtenu une indemnité d'un cinquième pour son syndrome de stress post-traumatique, le demandeur a présenté de nouveau une demande pour sa sclérose en plaques en vertu du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions, déclarant que son affection avait été aggravée ou découlait directement du stress causé par l'affection pour laquelle il était partiellement indemnisé, soit le syndrome de stress post-traumatique. Cette demande d'indemnité, en vertu du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions, est l'affaire dont est actuellement saisi le comité d'appel.

La demande de pension présentée par le demandeur en vertu du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions a été rejetée dans une décision de première instance par le Ministère, le 12 juillet 2005. La décision du Ministère a été présentée au comité de révision de ce Tribunal le 25 janvier 2006 et un différent comité du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a rendu une décision d'appel le 19 décembre 2007. Le 13 juillet 2010, le comité présent a entendu la demande de pension pour une affection consécutive sclérose en plaques présentée par le demandeur, après que la Cour fédérale ait annulée la décision du comité d'appel rendue en 2007. Après l'audience, le comité a confirmé la décision du comité de révision de 2006, rejettant la demande d'admissibilité. Notre décision a également fait l'objet d'une demande de révision et est renvoyé devant ce comité avec des directives précises de la part de la Cour :
[traduction]

  1. Le Tribunal doit obtenir un avis médical indépendant en vertu de l'artcile 38 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) au sujet des questions suivantes :
    1. Quelles sont les causes connues de la sclérose en plaques?
    2. Quels sont les effets connus du syndrome de stress post-traumatique sur la sclérose en plaques?
    3. Est-ce que les symptômes éprouvés par l'appellant en 1998 pouvaient être une manifestation précoce de sclérose en plaques?
    4. Est-ce que les symptômes ou les effets ressentis par l'appellant et causés par l'invalidité psychiatrique de syndrome de stress post-traumatique auraient pu être à l'origine de la sclérose en plaques de l'appellant ou causer de façon permanente ou chronique une aggravation de la nature ou de la mesure de ses symptômes liés à la sclérose en plaques?
    5. Est-ce que les symptômes ou les effets ressentis par l'appellant et causés par l'invalidité psychiatrique de syndrome de stress post-traumatique auraient pu contribuer à l'apparition de la sclérose en plaques de l'appellant, ou contribué, de façon permanente ou chronique, à une aggravation de la nature ou de la mesure de ses symptômes liés à la sclérose en plaques?
    6. Est-ce qu'il existe un consensus médical pouvant appuyer la conclusion selon laquelle il existe une relation de comorbidité ou un autre type de relation médicale entre la sclérose en plaques et les effets ou les symptômes psychiatriques qui font partie du diagnostic de syndrome de stress post-traumatique de l'appellant? Si oui, de quelle nature est cette relation?
  2. Le demandeur doit avoir le droit de présenter des mises à jour ou de nouveaux rapports médicaux au Tribunal, qui seront remis au médecin examinateur indépendant.
  3. Après avoir reçu le rapport du médecin examinateur indépendant, le demandeur doit pouvoir verser une contre-preuve médicale, au besoin.
  4. Le demandeur doit avoir l'occasion de faire des présentations sur tous les aspects de la demande de pension, notamment en ce qui concerne le rapport du médecin examinateur et/ou ses propres éléments de preuve.
  5. Le Tribunal doit réévaluer sa décision à la lumière des nouvelles preuves présentées par le demandeur et le médecin examinateur indépendant.
  6. Le Tribunal doit évaluer toutes les preuves soumises par le demandeur et le médecin examinateur indépendant conformément à l'article?39 de la Loi.

Après avoir reçu les directives de la Cour, le Tribunal – avec l'accord du demandeur – a désigné le Dr Virender Bhan d'Halifax (Nouvelle-Écosse), pour produire le rapport médical indépendant destiné au demandeur et au Tribunal.

Le 21 novembre 2011, le Tribunal a reçu le rapport du Dr Bhan (nouvelle audience AD-P1) qui a été remis au demandeur, peu de temps après. Du temps a été accordé au demandeur pour présenter de nouvelles informations s'il le souhaitait. Dans les observations formulées le 14 février 2012 (nouvelle audience AD-pièces jointes-P2), l'avocat du demandeur indique qu'il avait tenté d'obtenir gratuitement les services d'un expert médical pour examiner le rapport, mais sans succès.

L'avocat du demandeur souligne que le Dr Bhan fait état du fait que le stress est rarement invoqué étant donné que les études à ce sujet sont peu concluantes. L'avocat a donc demandé que, dans l'éventualité où le comité ne pencherait pas en faveur d'une admissibilité, le demandeur puisse avoir la possibilité de présenter une demande de réexamen au Tribunal dans l'éventualité où les progrès de la science tenderaient vers d'autres conclusions.

Le demandeur n'a présenté aucune nouvelle preuve ni argument après le dépôt du rapport du Dr Bhan. Personne n'a été requis en personne et l'audience s'est tenue sur la foi des documents versés au dossier.

Assuré d'avoir suivi la procédure et les directives de la Cour, le comité a procédé à une nouvelle étude du dossier.

ANALYSE/RAISONS

Le comité a lu et examiné en détail le rapport du Dr Bhan et lu également les documents qu'il avait joint (études et articles médicaux). En se fondant sur les réponses du médecin, qui ont été fournies de manière indépendante en vertu de l'article 38 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le comité conclut qu'aucune relation contributive ni de cause à effet n'a été démontré entre l'affection du syndrome de stress post-traumatique pour laquelle le demandeur reçoit déjà une pension et la sclérose en plaques dont il souffre également.

Les demandes de pension pour une affection consécutive sont présentées en vertu du parapgraphe 21(5) de la Loi sur les pensions :

(5) En plus de toute pension accordée au titre des paragraphes (1) ou (2), une pension est accordée conformément aux taux indiqués à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, sur demande, à un membre des forces, relativement au degré d'invalidité supplémentaire qui résulte de son état, dans le cas où :

a) d'une part, il est admissible à une pension au titre des alinéas (1)a) ou (2)a) ou du présent paragraphe, ou a subi une blessure ou une maladie — ou une aggravation de celle ci — qui aurait donné droit à une pension à ce titre si elle avait entraîné une invalidité;

b) d'autre part, il est frappé d'une invalidité supplémentaire résultant, en tout ou en partie, de la blessure, maladie ou aggravation qui donne ou aurait donné droit à la pension.

La question est de déterminer si la sclérose en plaques du demandeur est en totalité ou en partie une conséquence de son syndrome de stress post-traumatique.

Dans toutes les instances dont est saisi le Tribunal des anciens combattants, l'évaluation des éléments de preuve est régie par l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), qui est libellé en ces termes :

39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui ci;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien fondé de la demande.

Les Cours sont souvent solicitées pour aider à interpréter les normes et le fardeau de la preuve tels que décrit ci-haut. Tout récemment, dans l'affaire Carnegie c. Canada (Procureur général), 2012 CF 93, le juge Near a rédigé au début de son analyse :

[24] Je dois d'abord traiter des observations relatives à la norme de preuve exigée par le Tribunal à la lumière des articles 3 (l'obligation de donner une interprétation large aux dispositions) et 39 (les règles de preuve différentes qui favorisent le demandeur) de la Loi sur le TACRA.

[25] Le demandeur se fonde sur Monsieur Untel c Canada (Procureur général), 2004 CF 451, [2004] ACF no 555, au paragraphe 36, dans ses observations écrites pour laisser entendre qu'une norme de preuve moins exigeante que la prépondérance des probabilités pouvait être appliquée. Il ne s'agit toutefois plus de l'opinion dominante. En effet, aux paragraphes 5 et 6 de l'affaire Wannamaker précitée, la Cour d'appel fédérale a déclaré que, si l'article 39 garantit que la preuve est «_examinée sous le jour lui étant le plus favorable possible », il ne dispense pas le demandeur de la «_charge d'établir par prépondérance de la preuve les faits nécessaires pour ouvrir droit à une pension ». En outre, le Tribunal n'a pas l'obligation d'accepter systématiquement tous les éléments de preuve présentés par le demandeur.

Ainsi, le comité a évalué si suffisamment de faits en l'espèce avaient été établis selon la prépondérance des probabilités, pour démontrer un lien de causalité ou un lien partiel entre le syndrome de stress post-traumatique et la sclérose en plaques du demandeur. Ce faisant, le comité a tenu compte de son obligation de tirer toutes les conclusions favorables pouvant être soutenues raisonnablement par les faits et les circonstances du dossier. Le comité a également tenu compte de son obligation de trancher toute incertitude en faveur du demandeur au moment d'évaluer la preuve et de déterminer si le demandeur avait bien établi le bien-fondé de sa cause.

L'une des questions pour lesquelles le comité a réévalué ses conclusions en se fondant sur l'avis du Dr Bhan, concerne les symptômes du demandeur en 1998, qui avaient été décrits dans une décision antérieure comme une « affection mystérieuse_», et qui pourraient avoir été une première manifestation de sclérose en plaques. Cette question est importante pour déterminer si le moment de l'apparition, du développement ou de la progression de la sclérose en plaques correspond à l'apparition ou à l'aggravation du syndrome de stress post-traumatique. Le comité s'exprime en détail à ce sujet plus loin dans la décision.

La question clé de cet appel est de déterminer laquelle, de la maladie ou de l'invalidité – sclérose en plaques ou syndrome de stress post-traumatique – s'est manifestée la première et laquelle est responsable de l'apparition ou de l'aggravation de l'autre. Le comité d'appel détient maintenant une oppinion médicale crédible, celle du Dr Bhan, qui traite directement de la question, à savoir si les symptômes de 1998 étaient dus à la sclérose en plaques dont est atteint le demandeur.

SYNDROME DE STRESS POST-TRAUMATIQUE et SCLÉROSE EN PLAQUES

De l'avis du comité, le Dr Bhan a répondu de manière satisfaisante et précise aux six questions.

Les trois premières questions imposées par l'ordonnance de la Cour portent de façon générale sur les causes de la sclérose en plaques et de ses liens possibles avec le syndrome de stress post-traumatique et avec l'«_affection mystérieuse_» dont a souffert le demandeur en 1998.

En bref, le Dr Bhan fait état des causes connues de la sclérose en plaques et des effets connus du syndrome de stress post-traumatique sur les personnes atteintes de sclérose en plaques. À la troisième question, concernant l'affection de 1998, le Dr Bhan conclut qu'il est peu probable que les symptômes du demandeur à ce moment-là étaient le début d'une sclérose en plaques.

Les trois autres questions : iv, v et vi, ont un lien plus direct avec la décision que doit rendre le comité.

En réponse à la quatrième question, à savoir si les symptômes ou les effets du syndrome de stress post-traumatique du demandeur auraient pu être à l'origine de sa sclérose en plaques ou causer de façon permanente ou chronique une aggravation de la nature ou de la mesure de ses symptômes liés à la sclérose en plaques, le Dr Bhan écrit, à la page 17 de son rapport :

[traduction]
[...] Dans le cas du demandeur, la combinaison de certains facteurs comme la race (caucasienne), l'habitat (élevé au Canada), le niveau élevé d'anticorps du virus d'Epstein-Barr dans le sérum et le tabagisme sont la cause environnementale la plus plausible. Le demandeur a très certainement une prédisposition génétique (comme la majorité des patients), même s'il n'a aucun antécédent familial de sclérose en plaques. Par conséquent, je conclus qu'il est peu probable que le syndrome du stress post-traumatique ou le stress soient à l'origine de la sclérose en plaques du demandeur.

De la même façon on peut étudier les facteurs liés à une aggravation permanente ou chronique de la sclérose en plaques, c'est-à-dire le sexe (masculin), le début de la maladie (après 40 ans), la présence de comorbidités (tabagisme) et le nombre élevé de rechutes dans la première ou les deux premières années (il semble que le demandeur ait fait entre 4 et 6 rechutes dans la même année). De mon point de vue, ce sont là des facteurs qui contribuent à la progression de la sclérose en plaques et je répète que le syndrome de stress post-traumatique et le stress ne sont pas des facteurs aggravants [...]

À la cinquième question, à savoir si les symtômes de syndrome de stress post-traumatique du demandeur auraient pu être à l'origine de l'apparition de sa sclérose en plaques, ou causer de façon permanente ou chronique une aggravation de la nature ou de la mesure de ses symptômes liés à la sclérose en plaques, Dr Bhan déclare :

[traduction]
En ce qui concerne le syndrome de stress post-traumatique ou un stress qui pourrait être à l'origine de la sclérose en plaques, je dois affirmer qu'il pourraient être des facteurs contributifs mineurs (comme l'indique les documents sus mentionnés). Il existe d'autres facteurs plus probables, comme il est affirmé plus haut.

Quant à la contribution du syndrome de stress post-traumatique à une aggravation permanente ou chronique de la nature de la sclérose en plaques, la réponse est la même : c'est-à-dire qu'il peut jouer un rôle mineur. Par contre, j'estime que le stress, le SSPT et la sclérose en plaques causent tous des symtômes «_semblables_», ce qui est détaillé plus loin (à la question 6) [...]

À la lumière de l'avis exprimé par le Dr Bhan, le comité est d'avis qu'il existe d'autres facteurs plus susceptibles de contribuer à la sclérose en plaques du demandeur que son syndrome de stress post-traumatique. Il conclut également que si le syndrome de stress post-traumatique ne cause pas la sclérose en plaques, ni ne l'aggrave, il provoque des symptômes semblables à ceux de la sclérose en plaques.

À la sixième et dernière question, le Dr Bhan discute de la possibilité qu'un consensus médical puisse statuer qu'il existe un lien médical entre la sclérose en plaques et les effets ou les symptômes psychiatriques qui font partie du diagnostic de syndrome de stress post-traumatique du demandeur et, si oui, de quelle nature peut être ce lien. Le Dr Bhan affirme à la page 18 de son rapport :

[traduction]
Compte tenu de la neurobiologie et de la pathogénie liées à la sclérose en plaques (c'est-à-dire que des lésions peuvent toucher différentes parties du cerveau), il est clair que la sclérose en plaques peut être à l'origine de plusieurs symptôme que l'on constate chez les personnes souffrant de syndrome de stress post-traumatique. Cependant, le syndrome de stress post-traumatique, en lui seul, ne peut causer de symptômes de sclérose en plaques.

Comme vous pouvez le constater, les «_symptômes neuropsychiatriques_» décrient plus haut,semblent être plus présents et plus graves chez cette personne. Il sera très difficile pour le demandeur et ses soignants (neurologues, psychologues, psychiatres et autres) de déterminer les facteurs précis des symptômes. Par exemple, dans le cas d'une déficience cognitive, est-ce qu'il s'agira d'une faiblesse en matière de concentration, de pensées envahissantes et d'importants changements d'humeur dont le principal facteur contributif serait le syndrome de stress post-traumatique ou ces symptômes seraient-ils dus à des lésions au cerveau (pathologie de la sclérose en plaques) qui touchent les régions qui contrôlent l'humeur, l'anxiété, la durée de concentration et la mémoire? Parfois des tests neuropsychologiques sont nécessaires pour mieux comprendre les problèmes en question. Je crois qu'il aura besoin d'évaluations et de suivis constants avec un psychologue, parfois un psychiatre et enfin un neurologue. Afin d'éviter la mauvaise communication, le médecin de famille devra être tenu au courant de tous les plans thérapeutiques mis en place par les différents spécialistes.

Le Dr Bhan conclut son rapport en indiquant :

J'ai tenté d'être le plus objectif possible dans la formulation de mon avis. Malheureusement, les informations sont contradictoires dans le domaine de la sclérose en plaques et particulièrement en ce qui a trait à la sclérose en plaques et au stress. Il est très difficile de tirer des conclusions nettes.

Résumé

Le comité est d'avis que l'analyse que le Dr Bhan a fait de la documentation médicale ne soutient pas la conclusion selon laquelle le syndrome de stress post-traumatique ou le stress peut être la seule et unique cause de la sclérose en plaques. Elle ne conclut pas non plus que le stress du demandeur découlant du syndrome de stress post-traumatique a, de quelque façon que ce soit, contribué à l'apparition, à la progression ou à l'aggravation permanente des symptômes et de l'invalidité liés à la sclérose en plaques.

Selon la prépondérance des probabilités, le comité doit conclure que la cause la plus probable de la sclérose en plaques du demandeur réside dans les facteurs de risque déjà connus soulignés par le Dr Bhan et déclarés par le demandeur lui-même. Il n'existe aucune hypothèse mesurable qui démontre que, dans le cas du demandeur, son syndrome de stress post-traumatique ait causé ou aggravé de façon permanente sa sclérose en plaques. Selon l'alinéa 39c) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), toute incertitude raisonnable doit être tranchée en faveur du demandeur, toutefois, le comité n'a pas de doute quant à cette question.

Octroi d'une pension d'invalidité pour syndrome de stress post-traumatique en 2004

Cette demande relative à une affection consécutive en vertu du paragraphe 21(5) est fondée sur la pension de un cinquième pour syndrome de stress post-traumatique déjà accordée au demandeur en vertu du paragraphe 21(2).

Lorsqu'il a rendu sa décision, le comité s'est limité à trancher la question à savoir si le syndrome de stress post-traumatique pouvait avoir causé ou aggravé de façon permanente la sclérose en plaques du demandeur. Cela étant dit et compte tenu des observations du Dr Bhan sur la qualité des soins médicaux prodigués au demandeur de 1998 à 2000, le comité souhaite commenter brièvement la pension pour syndrome de stress post-traumatique qui est à la base de la demande présente.

Un comité de révision du Tribunal a accordé au demandeur une admissibilité de un cinquième pour un syndrome de stress post-traumatique en 2004. Le comité s'est basé sur le rapport du Dr Somers (psychologue, PhD) qui arrivait à la conclusion qu'une partie de l'invalidité était due au délai imposé par les médecins dans leur diagnostic et le traitement de ses premières affections ainsi qu'à la période de quatre mois qui se sont écoulée avant de procéder à un examen d'imagerie par résonance magnétique (IRM) suite à la recommandation d'un neurologue allemand. Même si cette question ne faisait pas partie des directives de la Cour pour le Dr Bhan, celui-ci s'est offert pour commenter les soins médicaux reçus par le demandeur durant cette période en faisant remarquer que la période moyenne avant d'obtenir un diagnostic de sclérose en plaques est entre six et douze mois. Le demandeur, lui, a reçu un diagnostic dans un délai de quatre mois, en 2000. Dr Bhan, après avoir revu les antécédents médicaux, a indiqué à la page 10 de son rapport :

[traduction]
Finalement, j'estime que toutes les évaluations ont été faites rapidement et parfois de façon expéditive. Ce qui comprend la consultation d'un neurologue le jour même de la recommandation (en Allemagne), puis d'un neurologue au Canada deux semaines après la première évaluation. Les évaluations subséquentes (21 septembre, 11 octobre, 30 octobre et 14 décembre 2000) ont toutes eu lieu rapidement.

Le comité de révision a par contre accepté en 2004 la demande et conclu qu'il y avait eu des délais dans la prestation de tests médicaux pour la sclérose en plaques et que ces délais avaient contribué au développement d'un syndrome de stress post-traumatique par le demandeur. De façon tacite, le comité de 2004 a attribué ces délais (à un niveau d'un cinquième) à la négligence du système médical des Forces canadiennes puisque pour que l'admissibilité soit établie, il faut qu'une conclusion de négligence dans la prestation des traitements médicaux soit rendue.

Dans sa décision du 20 avril 2004, le comité a expliqué sa décision, d'accorder une pension de un cinquième de la façon suivante :

[traduction]
Dans sa décision, le Tribunal a noté que personne n'avait fourni d'explication médicale quant à l'incidence de la sclérose en plaques sur le syndrome de stress post-traumatique du demandeur. Sur le fondement d'un avis professionnel du Dr Somers, avis selon lequel les différents diagnostics donnés par les médecins ont fait en sorte que le traitement du syndrome de stress post-traumatique a été retardé, le Tribunal a accordé le cinquième du droit à pension pour la maladie alléguée. En outre, le Tribunal a noté que quatre mois s'étaient écoulés entre le temps où un neurologue en Allemagne avait recommandé au demandeur de subir un examen d'imagerie par résonance magnétique et la prise d'un rendez vous pour cet examen. Le Tribunal n'a pas accordé les quatre cinquièmes du droit à pension au motif que rien ne donne à penser qu'il y ait eu négligence dans le traitement étant donné que tout avait été fait pour tenter de trouver la cause des symptômes du demandeur.

Le Tribunal partage l'avis selon lequel le manque de suivi et de renseignements sont liés à l'affection alléguée, et ce, sans explication médicale. Il fait remarquer qu'il n'est pas certain que les médecins traitants et même les spécialistes auraient pu fournir des renseignements, mais il affirme que de nombreux spécialistes ont été consultés pour trouver des réponses pour le demandeur. Le Tribunal souligne également que les Forces armées ont envoyé le demandeur chez tous les spécialistes nécessaires, pour trouver la cause de ses symptômes, alors qu'elles étaient responsables de son traitement médical. Le Tribunal ajoute que M. Arbuthnott a déclaré que le demandeur n'avait pas reçu suffisamment de renseignements; pourtant, aucune preuve présentée au Tribunal n'a pu démontrer que des renseignements étaient disponibles et qu'ils avaient été cachés au demandeur.

Tel que déclaré, le Tribunal accorde un cinquième de pension en raison de l'avis médical du Dr?Somers, et des documents fournis qui ont démontré que le demandeur n'a pas subi d'IRM en Allemagne, à la demande du neurologue traitant allemand, et qu'il s'est écoulé quatre mois avant que le demandeur ne soit rapatrié en Canada pour subir une IRM. Tel que déclaré, le Tribunal retient quatre cinquièmes du droit à pension en raison de l'absence d'explication médicale claire à savoir si le personnel médical des Forces armées aurait pu fournir des renseignements au demandeur et si le diagnostic de sclérose en plaques rendu après l'IRM pouvait avoir eu une incidence sur l'affection alléguée. La date de la demande, le 5 septembre 2002, sera la date du début de la rétroaction concernant l'affection pour laquelle le demandeur reçoit déjà une pension partielle.

Les membres de notre comité remarquent que le comité de révision de 2004 a déclaré à plusieurs reprises dans sa décision que de nombreux faits n'avaient pas été clarifiés par la preuve présentée à cette époque. Malgré cela, le comité de révision a tenté de tirer toutes les conclusions favorables possibles des preuves devant lui. À cet effet, il est clair que la décision du comité de révision d'accorder au demandeur une pension partielle pour un syndrome de stress post-traumatique était fondée sur une conclusion clé, c'est-à-dire qu'il y avait eu un retard injustifié avant de procéder à une IRM en 2000. Il est également clair que la preuve que le Tribunal détient aujourd'hui, dans le cadre de cet appel, n'appuierait pas une telle conclusion. En fait, comme il a été mentionné, une autre IRM a eu lieu à l'été 2000, et le comité de révision de l'époque n'en avait pas été informé.

De plus, l'examen et l'avis du Dr Bhan concernant les faits liés au diagnostic de sclérose en plaques n'appuient pas l'inférence selon laquelle le diagnostic établi à la suite de l'IRM a été retardé, ni que le diagnostic de sclérose en plaques en 2000 n'a pas été assez rapide. Selon lui, la preuve confirme que le niveau de soins médicaux, prodigué au demandeur en 2000 par les autorités médicales de l'armée et autres professionnels de la santé retenus pour traiter le demandeur, répondait aux normes requises pour le diagnostic et le traitement de la sclérose en plaques. Il serait difficile de tirer la même conclusion principale que le comité d'appel en 2004 avec les preuves que détient maintenant le Tribunal.

La disposition sur la pension supplémentaire vise à fournir un moyen de conclure qu'une incapacité supplémentaire devrait ouvrir droit à pension parce qu'elle peut être en lien avec le service militaire grâce à une incapacité originaire. Si la preuve devant un comité n'étaye pas ce lien, alors le droit à pension ne peut être accordé en vertu des dispositions du paragraphe 21(5).

En dépit de ce qui précède, concernant le fondement de l'octroi initial d'une pension pour syndrome de stress post-traumatique 2004, le comité a étudié avec rigueur la question qu'il doit trancher, à savoir, est-ce que le stress dû à un syndrome de stress post-traumatique peut avoir une incidence sur l'apparition de la sclérose en plaques, sur sa progression ou s'il peut aggraver le degré d'invalidité permanente causé par la sclérose en plaques?

Conclusion

Le comité conclut que l'avis du Dr Bhan est fondé sur une observation crédible et objective des toutes les questions médicales soulevées par l'ordonnance de la Cour ou dans le cadre de cet appel. L'examen rigoureux de la preuve auquel a procédé le Dr Bhan n'offre aucun fondement pour justifier l'octroi d'une pension pour cause d'affection secondaire, la sclérose en plaques, en vertu du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions. Le Dr Bhan a examiné tous les documents médicaux liés à la recherche et aux études qui traitent d'un lien causal possible ou d'une relation entre le stress et la SP, à la lumière des faits en l'espèce. Il n'offre aucune base crédible sur laquelle le comité pourrait se fonder pour conclure que l'apparition, le développement et la progression de la sclérose en plaques peuvent être causés ou aggravés par le stress.

Le Dr Bhan indique que la sclérose en plaques et le syndrome de stress post-traumatique causent des symptômes similaires de stress et d'anxiété. Par conséquent, la sclérose en plaques provoque des symptômes qui sont semblables à ceux causés par un syndrome de stress post-traumatique. Il n'établit donc pas qu'un syndrome de stress post-traumatique ou le stress provoque ni contribue à la sclérose en plaques. L'avis du Dr Bhan est jugé crédible étant donné qu'elle est fondée sur la documentation médicale ayant trait à la sclérose en plaques et qu'elle est cohérente avec celle-ci.

L'avis et l'analyse du Dr Bhan ainsi que les autres preuves au dossier n'appuient pas, de façon raisonnable, la conclusion selon laquelle le stress a une incidence sur l'apparition de la sclérose en plaques et le niveau ou la progression de la sclérose en plaques, ni qu'il peut causer une aggravation continue de l'invalidité permanente de la sclérose en plaques. Ainsi, la preuve n'appuie pas raisonnablement la conclusion selon laquelle le stress a aggravé la sclérose en plaques du demandeur parce que selon la prépondérance des probabilités, les faits établis dans ce dossier indiquent qu'il existe une myriade de facteurs de risque connus de la sclérose en plaques qui sont présents dans le cas du demandeur, mais qui ne sont pas liés à son service. De plus, la preuve n'établit pas, selon la prépondérance des probabilités, de faits qui mèneraient à conclure que la sclérose en plaques peut être causée, accélérée ou aggravée de façon permanente par le stress. Par conséquent, d'après la preuve au dossier, le comité n'a aucun doute quant à savoir si l'invalidité du demandeur due à la SP, ou si une partie de cette invalidité, a été provoquée ou aggravée de façon permanente par le stress découlant du syndrome de stress post-traumatique.

DÉCISION

Lois pertinentes :

Loi sur les pensions.. [S.R.C.1970, ch. P-7, art. 1; L.R.C. 1985, ch. P-6, art. 1.]

art. 2
paragr. 21(5)
art. 39

Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). [S.C. 1987, ch. 25, art. 1; L.R.C. 1985, ch. 20 (3e suppl.), art. 1; L.C. 1994-95, ch. 18, art. 1; TR/95-108.]

article 3
article 25
article 39

Pièces déposées en preuve :

Nouvelle audience AD-P1:
Avis médical indépendant du Dr Virender Bhan, daté du 21 novembre 2011 avec articles de référence en annexe (98 pages)

Pièces jointes :

Nouvelle audience AD-P1:
Demande écrite du demandeur avec lettre d'accompagnement datée du 14 février 2012 (trois pages)
Nouvelle audience AD-P2:
Demande écrite du demandeur avec lettre d’accompagnement datée du 14 février 2012 (trois pages)
Nouvelle audience AD-P3:
Correspondance entre le demandeur et le Tribunal (16 pages)