Dr Kirkpatrick - Avis Médical Indépendant
État | Perte auditive |
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Date de production | Le 3 mars 2009 |
Nom du médecin | David A. Kirkpatrick, M.D., FRCS(C) |
J’ai eu l’occasion d’examiner les dossiers médicaux et les nombreux autres documents qui m’ont été envoyés, et ils semblent couvrir l’ensemble des antécédents médicaux de l’appelant depuis son entrée à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en 1993. Le Tribunal a sollicité des conseils sur trois questions distinctes : 1) de quelle déficience auditive permanente le demandeur est-il atteint; 2) le demandeur est-il atteint d’une déficience associée à l’acouphène causé par l’exposition à un bruit intermittent lors de la conduite d’un véhicule de la GRC avec les fenêtres baissées; 3) quels autres renseignements médicaux pourraient aider le Tribunal à prendre une décision concernant cette demande.
Le dossier médical de l’appelant à partir de 1993 est volumineux, et seul un faible pourcentage de la documentation se rapporte à l’acouphène, qui est mentionné pour la première fois en 2003, bien que le problème puisse exister depuis beaucoup plus longtemps. L’acouphène est présent exclusivement à gauche, soit le côté où il a été décrit que l’appelant présentait une perte auditive dans les hautes fréquences.
Le premier audiogramme inscrit au dossier a été effectué en 1993 et montre une légère encoche dans les hautes fréquences pour l’oreille gauche. Cette encoche devient beaucoup plus prononcée dans l’audiogramme de 1998, toujours à gauche seulement, et l’hypoacousie la plus importante survient à 4000 Hz. En 2000, elle était moins distincte, mais en 2003, l’audition normale jusqu’à 3000 Hz présentait un changement significatif, soit une chute vers une surdité de perception modérée du côté gauche, mais avec une excellente discrimination. Deux ans plus tard, en 2005, l’appelant avait une audition normale jusqu’à 3000 Hz pour l’oreille gauche, mais par la suite elle s’est dégradée jusqu’à devenir une surdité de perception modérément grave. L’audiologiste consulté pour donner son avis a affirmé que « le bruit dangereux affecte généralement les deux oreilles en même temps. La perte auditive asymétrique dans l’oreille gauche n’est pas cohérente avec une exposition au bruit. » Cette citation apparaît dans une décision ultérieure et est malheureusement trompeuse.
S’il est vrai que l’exposition professionnelle au bruit affecte généralement les deux oreilles en même temps et que les changements auditifs sont donc symétriques, de nombreuses situations professionnelles sont associées à une exposition asymétrique au bruit, et par conséquent à des changements auditifs asymétriques. C’est le cas, par exemple, des personnes qui pratiquent le tir à l’arme à feu, des travailleurs qui utilisent des explosifs industriels tels que Ramset, des dentistes qui gardent leur fraise sur le même côté, ou des batteurs qui ont tendance à présenter une perte auditive du côté où se trouve la cymbale charleston de leur batterie.
Si l’on observe seulement l’audiogramme de 2005, on constate que les caractéristiques de cette perte auditive ne sont effectivement pas représentatives d’une perte auditive due au bruit. Toutefois, les audiogrammes précédents montrent bien une encoche typique dans la courbe d’audiométrie qui évolue naturellement en suivant une tendance indissociable de celle des autres pertes auditives à hautes fréquences. Dans le cas présent, la perte auditive due au bruit est établie par l’examen rétrospectif des audiogrammes antérieurs. En prenant en considération l’ensemble des audiogrammes, on peut raisonnablement conclure que l’exposition au bruit était un facteur de cette perte auditive à l’oreille gauche.
La question précise, toutefois, vise à déterminer si la perte auditive de l’appelant était due à sa conduite avec la fenêtre baissée du côté gauche. On trouve dans la littérature médicale des références à une perte auditive causée par la conduite d’un camion de transport de type 18 roues. En revanche, il a été démontré que les coureurs automobiles étudiés ne présentaient pas de perte auditive due au bruit. Il n’y a pas de données utiles dans la littérature qui établissent un lien avec l’exposition au bruit associé à la conduite d’un véhicule aux vitres baissées.
Ce qui n’est pas indiqué dans le dossier, c’est le type d’exposition au bruit subie par l’appelant pendant les 46 années précédant son entrée à la GRC, car l’audiogramme de 1993 commence à montrer une encoche dans les hautes fréquences, et l’encoche la plus typique dans la courbe d’audiométrie survient tout juste cinq and après 1998.
Dans le cadre de sa formation, l’appelant a-t-il tiré des coups de feu sans protection auditive? Les droitiers qui tirent à la carabine ont tendance à présenter une perte auditive asymétrique étant donné qu’ils visent avec l’œil droit, ce qui amène l’oreille droite plus près de la bouche du canon. L’appelant avait-il déjà utilisé une arme avant son entrée à la GRC? Son acouphène correspondait à une hypoacousie de 50 dB à une fréquence de 4000 Hz pour l’oreille gauche. Généralement, l’acouphène correspond en effet à la fréquence de la plus importante perte auditive, et 4000 Hz est la fréquence habituelle pour l’hypoacousie maximale dans le cas d’une perte auditive due au bruit. Il convient également de souligner qu’il n’y a pas de corrélation entre la perte auditive et le volume de l’acouphène mesurés et la gravité auto-déclarée des symptômes; en d’autres mots, l’intensité et le degré de nuisance sonore de l’acouphène ne coïncident pas forcément.
Je vois que, pour exclure une atteinte rétrocochléaire, une tomodensitométrie et un test de réponse évoquée auditive du tronc cérébral ont été réalisés. Les résultats du test étaient normaux. Il aurait pu être utile que les niveaux d’émissions otoacoustiques évoquées par produit de distorsion soient déterminés, car ils sont souvent inférieurs chez les personnes pour qui un dysfonctionnement du système auditif périphérique est en cause.
On doit aussi prendre en considération les effets possibles de certains médicaments que prenait l’appelant pendant cette période. Par exemple, Altace et Celexa sont des médicaments qui peuvent soit potentialiser soit alléger partiellement l’acouphène. Il est également bien établi que la stimulation sensorielle d’autres nerfs crâniens peut potentialiser l’acouphène. Ce fait a été vérifié dans de nombreuses études portant sur le nerf trijumeau. Un état inflammatoire touchant la colonne cervicale ou l’articulation temporomandibulaire peut également exacerber le problème.
En conclusion :
- Même si l’appelant présente en effet une perte auditive sur les hautes fréquences à l’oreille gauche, cette perte survient en dehors du spectre de la parole, donc elle n’est pas considérée comme une déficience auditive.
- On peut mesurer l’importance de la perte auditive sur les hautes fréquences de même que la fréquence et l’intensité de l’acouphène de l’appelant, mais le degré de nuisance éprouvé varie tellement d’une personne à l’autre qu’il est impossible de déterminer à quel point l’acouphène lui cause de la détresse. Il manque toutefois de preuves liant ce problème au bruit fluctuant associé à la conduite d’une voiture de police avec les fenêtres baissées.
- Quant aux renseignements médicaux supplémentaires pouvant être utiles à votre comité, ma seule proposition serait d’obtenir des précisions sur l’exposition au bruit de l’appelant avant 1993 et de déterminer à quel bruit, s’il y a lieu, l’appelant peut avoir été exposé pendant sa formation sur le maniement des armes à feu.
David A. Kirkpatrick, M.D., FRCS(C)
Chef de la Division d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervicofaciale, Département de chirurgie
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