Dr Ramsay - Avis Médical Indépendant
État | Hémangiopéricytome |
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Date de production | 21 mai 2014 |
Nom du médecin | David A. Ramsay, MB ChB, DPhil (Oxon), FRCPC, FRCPath, MRCP(UK) |
Je vous remercie pour votre lettre du 13 février 2014, dans laquelle vous sollicitiez mon opinion sur le présent cas. Vous trouverez ci-dessous mes réponses aux questions précises que vous avez posées.
Mon rapport est composé des sections suivantes : résumé de mes qualifications professionnelles, liste des documents reçus, résumé clinique, réponses aux questions posées dans votre lettre, conclusions.
RÉSUMÉ DE MES QUALIFICATIONS PROFESSIONNELLES
Je suis un neuropathologiste diplômé de la province de l’Ontario. Je pratique à London depuis 1990. Je fais partie du personnel de neuropathologie du Centre des sciences de la santé de London et je suis professeur de pathologie à l’Université de Western Ontario. Je suis également Associé du Collège royal des médecins et chirugiens du Canada (FRCPC) et MRCP(UK) (Membership of the Royal Colleges of Physicians of the United Kingdom). J’ai occupé le poste de secrétaire-trésorier de l’Association canadienne des neuropathologistes de 1995 à 2000. Je suis également membre du comité d’examen en neurochirurgie du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada (de 1994 à 2000 et de 2004 jusqu’à maintenant).
Ma pratique « en général » est la neuropathologie, ce qui implique des connaissances spécialisées dans le diagnostic des tumeurs cérébrales. J’ai aussi reçu une formation et acquis de l’expérience en médecine interne, en neurologie clinique et en neuroscience fondamentale, mais je ne suis pas un expert dans ces domaines. Depuis mon arrivée à London, j’enseigne également la neuropathologie à des étudiants en médecine et à des résidents en neuropathologie, en neurologie et en neurochirurgie.
Le rôle principal d’un neuropathologiste clinicien est de diagnostiquer ou d’interpréter les affections du système nerveux et leurs complications. Le processus de diagnostic repose sur l’examen de l’aspect macroscopique (visible à l’œil nu) et microscopique des tissus obtenus lors d’une intervention chirurgicale (biopsie) ou d’une autopsie. L’interprétation des divers diagnostics neuropathologiques comprend la « corrélation clinico pathologique », un processus consistant en l’analyse détaillée des antécédents cliniques, des autres données provenant de laboratoire, des résultats tirés des études d’imagerie cérébrale et de l’information disponible dans la littérature médicale.
Mon curriculum vitae est joint à la présente lettre; les pages 10 et 11 présentent un résumé de ma carrière.
LISTE DES DOCUMENTS REÇUS
Vous m’avez fourni les documents suivants :
- Dossier médical
- Énoncé de cas pour le méningiome occipital gauche (Décision n° 100000397692)
- Énoncé de cas pour l’hémangiopéricytome métastasique (Décision n° 100001855714)
- Documentation supplémentaire (relative à la Décision no°100001855714)
- Preuves G1-G7 relatives à l’audience du 5 juin 2013 du Tribunal des anciens combattants (révision et appel)
- Dossiers médicaux relatifs au service
Veuillez noter que mon opinion concernant la « norme de soins » fournie par un pathologiste devrait idéalement tenir compte de mon examen personnel des diverses préparations microscopiques associées au cas. Je comprends que vous n’ayez pas accès à ce matériel. Mon opinion est donc fondée, entre autres, sur la lecture des rapports présentant les résultats de pathologie plutôt que sur l’examen du matériel original. Il est possible que mes conclusions changent si je finis par avoir la possibilité d’étudier moi-même le matériel de biopsie.
RÉSUMÉ CLINIQUE
L’appelant, alors membre des Forces armées canadiennes, s’est présenté en clinique le 7 janvier 1999 à l’âge de 32 ans, ayant fait l’expérience d’un moment d’étourdissement alors qu’il regardait vers le haut pendant la réparation d’une alarme d’incendie. Cet épisode s’est caractérisé par une perte de la vision et de l’ouïe, et les symptômes sont disparus après une minute ou deux; il n’y a eu ni perte de conscience ni activité épileptique.
Ses autres antécédents médicaux comprennent deux épisodes documentés de céphalée : le premier, en janvier 1991, a duré environ une semaine, et le second, survenu le 31 juillet 1993, a été défini comme une migraine.
De plus, dans une déclaration datée du 15 janvier 2002, l’appelant signale que, pendant son service à bord d’un navire entre avril 1998 et août 1998, il s’est rendu à l’infirmerie à plusieurs reprises, se plaignant d’une « douleur constante aux sinus ». L’utilisation de décongestionnants nasaux a permis d’atténuer la douleur. L’appelant s’est par la suite « habitué à vivre avec la douleur jusqu’à la soirée du 6 janvier 1999 », alors que c’est produit le « moment d’étourdissement » décrit ci-dessus.
Tout au long de sa carrière navale, il a également été exposé à divers agents potentiellement cancérogènes, notamment le rayonnement ionisant (les Drs Blood et Reaume ont déjà envisagé la possibilité d’une association causale entre cette exposition professionnelle et la tumeur).
En janvier 1999, l’examen et l’enquête médicale auxquels il s’est soumis ont révélé un déficit focal dans le champ visuel et un œdème papillaire bilatéral 1. Le rapport de tomodensitométrie de la tête, en date du 13 janvier 1999, décrit une masse nécrotique volumineuse avec densification dans la région pariétale-occipitale gauche, probablement un glioblastome. Par la suite, le rapport d’un examen IRM effectué deux jours plus tard, le 15 janvier 1999, indique la présence d’une masse lobulée de densification intense mais non homogène 2 [dans le] lobe occipital gauche, s’étendant vers le haut jusque dans le lobe pariétal… les résultats semblent les plus compatibles avec un gliome agressif/glioblastome multiforme... 3
Une résection chirurgicale totale de la tumeur a été exécutée le 19 janvier 1999. Cependant, le Dr Cameroun, neurochirurgien, a écrit dans le rapport opératoire que :
« étant donné le méningiome qui remplit le sinus veineux longitudinal supérieur et la preuve visible sur le tomodensitogramme d’une masse de densification qui s’étend très loin de manière proximale dans le sinus longitudinal supérieur, il y a un risque certain de récidive… »[Traduction]
Il n’est pas clair s’il parlait de récidive locale ou de métastases, ou des deux.
Le rapport de pathologique chirurgicale sur la tumeur (Département de médecine de laboratoire du Victorial General Hospital [VGH], numéro d’entrée 99 01328), rédigé par le Dr Shojania et signé le 22 janvier 1999, décrit les caractéristiques microscopiques de la tumeur ainsi :
« La tumeur est composée d’une masse uniformément cellulaire… de petits noyaux ovales ou légèrement allongés, selon une disposition lâchement imbriquée et comportant de nombreuses figures mitotiques. (On compte 35 mitoses dans 10 champs à fort grossissement.) Les cellules sont généralement petites. Aucun corps psammomateux n’est présent. Le profil de la tumeur diffère dans d’autres sections par la production de fibres de collagène entre les cellules et la présence de quelques enroulements qui rappellent le profil d’un méningiome. Les cellules développent davantage de cytoplasme dans ces zones, et le tissu est plus solide et moins cellulaire. On remarque quelques zones hypocellulaires parmi les fragments cellulaires qui ressemblent à des plages de nécrose géographique, mais si on les examine de plus près, on constate qu’elles sont faites de tissu fibrocollagène, et qu’il ne s’agit donc pas d’une nécrose massive. La nécrose de cellules isolées est occasionnellement présente. »[Traduction]
Ces caractéristiques histologiques semblent avoir été difficiles à interpréter, car le Dr Sholania a consulté deux autres pathologistes du Département de médecine de laboratoire du VGH, les Dr Kelly et Cavers. Le diagnostic établi par consensus était celui d’un « méningiome atypique à index miotique élevé ». Le laboratoire de pathologie du VGH ne compte pas de neuropathologiste, mais l’un ou plusieurs des pathologistes qui y travaillent pourraient avoir acquis une expertise particulière dans ce domaine.
L’appelant a été traité par radiothérapie crânienne.
Quelques années plus tard, en août 2010, il a commencé à souffrir de douleurs abdominales. L’enquête radiologique effectuée par la suite a révélé la présence de multiples métastases intra-thoraciques et intra-abdominales. La microbiopsie de l’une des métastases rénales présentait les caractéristiques histologiques d’un hémangiopéricytome, ou tumeur fibreuse solitaire 4. Les préparations microscopiques du VGH ont été réexaminées, et le diagnostic de tumeur cérébrale a été remplacé par celui d’hémangiopéricytome méningé primaire (tel que noté dans les rapports de consultation des visites en clinique du 19 novembre 2010 et du 7 janvier 2011).
Malgré un traitement de chimiothérapie, l’appelant est décédé le 12 janvier 2013, soit 14 ans après son diagnostic de tumeur cérébrale.
RÉPONSES À VOS QUESTIONS
- Renseignements généraux sur le diagnostic des tumeurs cérébrales
- Pourriez-vous décrire les procédures, les enquêtes et les analyses qui seraient effectuées par un pathologiste exerçant un degré raisonnable et prudent de diligence, de soins et de compétence pour le diagnostic d’une tumeur cérébrale à l’époque (en 1999)?
Selon l’expérience du pathologiste ainsi que la rareté ou la complexité de la tumeur en question, l’établissement d’un diagnostic fiable pour une tumeur cérébrale exige la connaissance de l’aspect d’une tumeur en imagerie cérébrale (p. ex. examen IRM, tomodensitométrie), une familiarité avec les divers aspects histologiques des différents types de tumeurs cérébrales, l’utilisation sélective de techniques auxiliaires pour définir la nature de la tumeur (généralement des colorations spéciales et certaines méthodes immunohistochimiques, décrites ci-dessous) et, dans le cas de tumeurs rares ou complexes pour lesquelles il peut y avoir des doutes quant à l’exactitude du diagnostic, les dispositions nécessaires pour référer le cas à d’autres pathologistes afin d’obtenir un avis d’expert (habituellement auprès d’un neuropathologiste quand il s’agit de tumeurs cérébrales).
- Plus particulièrement, quelles enquêtes, procédures et analyses seraient effectuées par un pathologiste raisonnablement prudent et diligent?
Dans tous les cas, des coupes de la tumeur sont examinées après avoir fait l’objet d’une coloration de routine (comme à l’hématoxyline et à l’éosine). Dans bien des cas, les échantillons de la tumeur sont également traités au moyen de différents types de colorants (qui mettent en évidence différents tissus) et d’au moins une méthode immunohistochimique.
L’immunohistochimie est une technique qui permet de « marquer » ou de « colorer » des molécules particulières (généralement des protéines) appelées « antigènes ». Les antigènes varient selon le type de tumeur : la présence ou l’absence de divers types d’antigènes permettent habituellement de déterminer la classe de la tumeur.
La technique immunohistochimique repose sur : a) la disponibilité d’anticorps particuliers qui ont été « élevés » dans des animaux (l’antigène en question est injecté dans l’animal, qui produit alors des anticorps précis pour lutter contre l’antigène, et ces anticorps sont prélevés dans la circulation sanguine de l’animal afin d’être utilisés en immunohistochimie); b) l’application d’une solution contenant ces anticorps sur une coupe microscopique; c) la liaison des anticorps à des protéines spécifiques de la coupe; d) l’attribution d’une étiquette de couleur à l’anticorps de sorte que les sites de liaison « marqués » soient bien visibles lorsque les lamelles de verre sont examinées au microscope. Les termes « immunopositif » et « immunonégatif » sont utilisés pour indiquer respectivement la présence et l’absence d’un antigène ou d’une protéine donnée.
- Types de tumeurs et terminologie
- En quoi un sarcome diffère-t-il d’un méningiome? Les sarcomes sont-ils tous malins?
De façon très générale, les tumeurs sont classées en fonction de leur tissu ou de cellule d’origine présumée; cette classification est largement basée sur l’emplacement de la tumeur primaire et les similarités dans l’aspect des cellules tumorales et des cellules des tissus sains sur le site de la tumeur. Ainsi, les mélanomes évoluent à partir des cellules pigmentées de la peau (c. à d. les mélanocytes), les gliomes sont issus des cellules gliales du système nerveux central (les cellules gliales sont les cellules de « soutien » du cerveau, qui assurent le maintien du fonctionnement des cellules nerveuses) et les méningiomes se développent dans les méninges, soit les membranes qui recouvrent la surface du cerveau.
Les sarcomes sont des tumeurs malignes qui ont pour origine les cellules de l’une des nombreuses structures de soutien de l’organisme, soit les os, les muscles, le tissu adipeux, les vaisseaux sanguins et divers tissus mous ou « fibreux »; ils s’appellent alors respectivement ostéosarcomes, myosarcomes, liposarcomes, angiosarcomes et fibrosarcomes (les tumeurs bénignes correspondantes sont les ostéomes, les myomes, les lipomes, les angiomes et les fibromes). Quand le tissu d’origine présumé ne peut être déterminé, la tumeur est désignée par le terme générique « sarcome ».
L’hémangiopéricytome est un type de sarcome dont l’aspect cellulaire suggère qu’il est dérivé des péricytes, les cellules qui forment une partie de la membrane des vaisseaux sanguins. Ils peuvent survenir dans tout l’organisme. (L’aspect histologique et le comportement d’un hémangiopéricytome diffèrent de ceux d’un angiosarcome.)
Les sarcomes, qui sont des tumeurs malignes, et les méningiomes, qui sont généralement bénins, sont comparés sur les plans comportemental et histologique. Du point de vue du comportement, les sarcomes envahissent les tissus adjacents, ont une croissance rapide, récidivent au site primaire (même après leur résection) et peuvent s’étendre à des sites distants en passant par les vaisseaux sanguins et le système lymphatique (c. à d. qu’ils forment des métastases). À l’opposé, les méningiomes compriment les tissus adjacents, ont une croissance lente, récidivent bien moins fréquemment au site primaire que les sarcomes, et métastasent rarement. Le caractère invasif des sarcomes rend difficile leur élimination complète, alors que la nature confinée des méningiomes permet une ablation totale.
En ce qui concerne l’aspect microscopique, les sarcomes sont des tumeurs composées de cellules généralement allongées (« fusiformes »), disposées en faisceaux serrés, monomorphes (c. à d. d’aspect similaire), à forte activité mitotique. Les méningiomes sont moins cellulaires, la morphologie de leurs cellules et leur schéma de croissance (c. à d. leur architecture) sont plus variés, et les mitoses sont rares ou absentes. L’architecture des méningiomes est distinctive et comprend des combinaisons variées de cellules fusiformes disposées de façon relâchée (type fibreux) et de cellules rondes qui forment, dans certaines sections, une configuration semblable à un pavé (type méningothélial); typiquement, les cellules des méningiomes s’enroulent les unes autour des autres pour former des « enroulements » caractéristiques.
Quant à leurs propriétés immunohistochimiques, les sarcomes et les méningiomes sont tous deux immunopositifs pour la vimentine, alors que l’immunopositivité pour l’antigène épithélial membranaire (EMA) est courante chez les méningiomes mais normalement absente chez les sarcomes.
La distinction entre un sarcome et un méningiome au moyen des critères histologiques est donc généralement assez simple. Les méningiomes sont toutefois réputés pour avoir des aspects histologiques très diversifiés, et ils peuvent être agressifs (méningiomes atypiques) ou malins (méningiomes malins); cela dit, ces méningiomes atypiques et malins conservent normalement des caractéristiques histologiques reconnaissables des méningiomes ordinaires.
- De quels critères ou facteurs un pathologiste devrait-il tenir compte lors du diagnostic ou de la classification d’une tumeur cérébrale?
Ces critères et facteurs sont décrits dans la première section, « Renseignements généraux sur le diagnostic des tumeurs cérébrales ».
- Quelles caractéristiques indiquent si une tumeur est maligne ou bénigne?
Les tumeurs malignes se distinguent des tumeurs bénignes par leur capacité de métastaser et leur potentiel de croissance rapide et incontrôlée au site d’origine, tant à la présentation que lors de récidives. Les tumeurs malignes qui se forment à l’extérieur du cerveau métastasent couramment, mais les métastases découlant de tumeurs cérébrales à l’intérieur du crâne sont rares (cela dit, l’invasion des sinus par une tumeur cérébrale peut accroître le risque de métastase). Voici quelques caractéristiques histologiques de la malignité : cellules disposées de façon compacte (cellularité), variation importante de la forme et de la taille du noyau des cellules, preuves de division cellulaire vigoureuse (mitoses nombreuses), foyers de nécrose (zones de tissu mort, correspondant aux sites où les besoins énergétiques ont excédé l’apport en nutriments essentiels).
Il existe différents degrés de malignité. En ce qui concerne les tumeurs au cerveau, le système de gradation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) attribue un grade de I à IV à toutes les tumeurs « cérébrales » (y compris celles qui se forment dans les méninges). Plus le grade est élevé, plus la tumeur est agressive. Les tumeurs cérébrales de grade I ou II de l’OMS sont histologiquement bénignes. (Quoique ces tumeurs dites bénignes puissent s’avérer fatales si elles se trouvent à un endroit où elles ne peuvent être excisées de façon sécuritaire; pour cette raison, l’adjectif « bien différenciées » est souvent appliqué aux tumeurs cérébrales de grade I ou II de l’OMS.) Les tumeurs cérébrales de grade III ou IV de l’OMS sont histologiquement malignes et se comportent en conséquence.
- En quoi un sarcome diffère-t-il d’un méningiome? Les sarcomes sont-ils tous malins?
- Pourriez-vous décrire les procédures, les enquêtes et les analyses qui seraient effectuées par un pathologiste exerçant un degré raisonnable et prudent de diligence, de soins et de compétence pour le diagnostic d’une tumeur cérébrale à l’époque (en 1999)?
- Diagnostics de méningiome et d’hémangiopéricytome et distinction entre les deux
- Quelle est la signification du terme « atypique » appliqué à un méningiome?
L’adjectif « atypique » indique qu’un élément de l’aspect histologique ou cytologique de la tumeur ne cadre pas avec le diagnostic présumé ou augmente la possibilité de comportement malin dans une tumeur qui autrement semble bénigne. L’atypie nucléaire, par exemple, fait référence à un noyau dont la taille ou la forme affiche une variation supérieure à la normale, ce qui est un signe de malignité.
Un méningiome atypique est donc un méningiome présentant plusieurs caractéristiques qui, collectivement, pourraient indiquer une évolution plus agressive que celle d’un méningiome « normal ». Pour être considéré comme atypique, un méningiome doit avoir un index mitotique supérieur à 4 mitoses pour 10 champs à fort grossissement et présenter au moins trois des caractéristiques suivantes : la perte d’architecture (soit l’absence de l’architecture microscopique variée et caractéristique d’un méningiome), une cellularité accrue comparativement à celle d’un méningiome normal, des nucléoles proéminents (ces structures se trouvent dans le noyau d’une cellule et jouent un rôle dans le contrôle moléculaire et génétique de la cellule) et des groupes de petites cellules indifférenciées (petites cellules dépourvues de l’aspect « fibreux » ou « méningothélial » des cellules d’un méningiome normal). Un méningiome atypique se classe au grade II de l’OMS, et il pose un plus grand risque de récidive locale qu’un méningiome de grade I. Même si l’exérèse totale d’un méningiome permet souvent la guérison, certains méningiomes histologiquement bénins peuvent adopter un comportement malin en récidivant fréquemment, et de nombreux méningiomes atypiques peuvent suivre une évolution bénigne.
- Pourriez-vous expliquer la distinction entre un méningiome atypique et un hémangiopéricytome?
Les méningiomes atypiques se classent au grade II de l’OMS tandis que les hémangiopéricytomes peuvent figurer au grade II ou au grade III de l’OMS. La présence d’au moins 5 mitoses pour 10 champs à fort grossissement et une cellularité élevée (entre autres), qui sont des caractéristiques que présentait la tumeur de l’appelant, sont indicatifs d’un hémangiopéricytome de grade III de l’OMS.
Les méningiomes atypiques et les hémangiopéricytomes ont des aspects histologiques très distinctifs. Ils sont décrits de la façon suivante dans un manuel de pathologie chirurgicale bien connu publié en 1999 5:
« Les méningiomes atypiques se caractérisent par une cellularité et une activité mitotique supérieures à celles des méningiomes de grade I de l’OMS. Ils peuvent présenter des nucléoles proéminents, une population cellulaire en nappes sans micro-architecture et des foyers de nécrose. [Les hémangiopéricytomes sont] hypercellulaires et mitotiquement actifs, [présentent] un réseau de réticuline dense entourant les cellules [et ont] les mêmes caractéristiques que les hémangiopéricytomes ailleurs dans l’organisme. Les […] hémangiopéricytomes se distinguent des méningiomes bénins par leur hypercellularité, leur index mitotique élevé, […] [et] bien qu’il y ait des exceptions, ils tendent à manquer de marqueurs autres que les marqueurs mésenchymateux. » [TRADUCTION]
Les marqueurs mentionnés par les auteurs sont les marqueurs immunohistochimiques. Les méningiomes sont immunopositifs pour la vimentine et l’antigène épithélial membranaire (EMA) alors que les hémangiopéricytomes sont immunopositifs pour la vimentine et immunonégatifs pour l’EMA. (Cette information et ces marqueurs étaient aisément disponibles en 1999. ) Une autre différence entre les méningiomes atypiques et les hémangiopéricytomes est que chaque cellule d’un hémangiopéricytome est généralement entourée de fibres de réticuline, une composante fibrillaire facilement colorable de la matrice intercellulaire (c. à d. l’espace entre les cellules), alors que ce n’est pas le cas pour les cellules d’un méningiome.
Les marqueurs mentionnés par les auteurs sont les marqueurs immunohistochimiques. Les méningiomes sont immunopositifs pour la vimentine et l’antigène épithélial membranaire (EMA) alors que les hémangiopéricytomes sont immunopositifs pour la vimentine et immunonégatifs pour l’EMA. (Cette information et ces marqueurs étaient aisément disponibles en 1999. 6) Une autre différence entre les méningiomes atypiques et les hémangiopéricytomes est que chaque cellule d’un hémangiopéricytome est généralement entourée de fibres de réticuline, une composante fibrillaire facilement colorable de la matrice intercellulaire (c. à d. l’espace entre les cellules), alors que ce n’est pas le cas pour les cellules d’un méningiome.
Des études relativement récentes suggèrent que les taux de survie à 5 ans et à 10 ans sont un peu plus défavorables pour les méningiomes atypiques que pour les hémangiopéricytomes méningés (respectivement 78 % et 53 % pour les premiers comparativement à 92 % et 68 % pour les seconds), que les taux de récidive des deux tumeurs sont similaires (environ 50 %) et qu’un hémangiopéricytome finit par générer des métastases dans près de 20 % des cas, tandis que les métastases sont rares pour les méningiomes atypiques. 7
- Que signifie l’expression « à index mitotique élevé », et quel rôle le nombre de figures mitotiques joue-t-il dans la classification d’une tumeur? Le nombre de cellules en mitose pourrait-il être considéré comme un signe de la présence d’un hémangiopéricytome? Quelles autres caractéristiques indiqueraient un hémangiopéricytome?
Une tumeur à index mitotique élevé a davantage de risques d’être maligne. Les mitoses tendent à être plus nombreuses dans un hémangiopéricytome que dans un méningiome atypique. Les autres caractéristiques histologiques d’un hémangiopéricytome sont décrites plus en détail dans la section précédente (c. à d. cellularité dense, mitoses nombreuses, fibres de réticuline autour de chaque cellule, immunopositivité pour la vimentine, immunonégativité pour l’EMA).
- Quelle est la signification du terme « atypique » appliqué à un méningiome?
- Norme de soins
- Selon vous, l’incapacité à identifier correctement la tumeur cérébrale comme un hémangiopéricytome relève-t-elle du non-respect de la norme de soins et de pratiques professionnelles en vigueur en 1999 pour le diagnostic d’une tumeur cérébrale?
L’examen IRM et le tomodensitogramme de l’appelant montraient une tumeur primaire dans la substance cérébrale, mais les résultats obtenus lors de l’intervention chirurgicale ont révélé que la tumeur était issue des méninges. De plus, l’aspect histologique de la tumeur, dont les principales caractéristiques étaient une cellularité dense et une forte activité mitotique, ne correspondait à aucun profil facilement reconnaissable pour les pathologistes travaillant sur le cas. Les observations liées à l’imagerie cérébrale, péropératoires et histologiques indiquaient donc clairement une tumeur intracrânienne singulière ou inhabituelle. Dans ces circonstances, le pathologiste devrait formuler un diagnostic différentiel et effectuer des tests supplémentaires pour tenter de confirmer le diagnostic. Si ce dernier ne peut être résolu, ou s’il subsiste des doutes quant à son exactitude, le cas devrait être renvoyé à un pathologiste spécialisé approprié, dans le cas présent un neuropathologiste.
Il n’y a pas de preuve dans les rapports de pathologique chirurgicale que la possibilité d’un hémangiopéricytome a été envisagée par les pathologistes malgré le fait que, comme je l’ai déjà mentionné, des exemples de type méningé de cette tumeur étaient décrits dans les manuels de pathologie chirurgicale courants à l’époque. Pour cette raison, je soupçonne que ni des colorations ou ni des tests immunohistochimiques supplémentaires n’ont pas été effectués, même s’ils étaient disponibles à l’époque et que les caractéristiques inusitées de la tumeur méritaient une enquête approfondie. Si la présence d’un réseau péricellulaire de réticuline et l’absence d’immunomarquage pour l’EMA avaient été constatées, un pathologiste d’expérience aurait été alerté de la situation et aurait envisagé un diagnostic alternatif au méningiome.
Il est clair d’après le rapport de pathologie chirurgicale que l’aspect histologique de la tumeur présentait des difficultés d’interprétation étant donné que le Dr Shojania a consulté ses collègues. Compte tenu des particularités déjà mentionnées de ce cas, il aurait été pertinent de le référer à un neuropathologiste, que ce soit à Vancouver ou ailleurs.
- À votre avis, d’après les preuves disponibles dans le dossier du TACRA, le pathologiste et les autres membres de l’équipe médicale responsables du diagnostic de la tumeur dans le cas présent ont-ils exercé un degré raisonnable de compétence et un jugement médical prudent lorsqu’ils ont conclu au diagnostic de méningiome en 1999?
Au vu de ce qui précède, et certes avec le recul, le Dr Shojania aurait dû envisager la possibilité d’un hémangiopéricytome parmi les diagnostics différentiels, une coloration de la réticuline aurait dû être réalisée et des tests immunohistochimiques pour la vimentine et l’EMA auraient dû être effectués. Si ces mesures n’avaient pas permis de confirmer le diagnostic, le cas aurait alors dû être renvoyé à un neuropathologiste aux fins d’un deuxième avis.
Commentaire sur la question de la « norme de soins »
Il est difficile pour moi de déterminer de manière juste si les lacunes décrites dans la présente section relèvent du non respect de la norme de soins et de pratiques professionnelles en vigueur ou constituent un manquement au degré raisonnable de compétence et [au] jugement médical prudent de la part des diverses parties concernées simplement parce que je ne dispose pas de suffisamment d’information sur les coutumes et les codes de pratique en vigueur au Victoria General Hospital à l’époque, et qu’il me manque des détails sur les circonstances particulières entourant l’analyse de la biopsie.
Néanmoins, compte tenu de l’information dont je dispose, quelles que soient les explications pour les lacunes apparentes déterminées ci-dessus, je crois que la prise en charge pathologique du cas ne satisfaisait pas aux exigences raisonnablement attendues en 1999.
- Selon vous, l’incapacité à identifier correctement la tumeur cérébrale comme un hémangiopéricytome relève-t-elle du non-respect de la norme de soins et de pratiques professionnelles en vigueur en 1999 pour le diagnostic d’une tumeur cérébrale?
CONCLUSIONS
L’appelant s’est présenté en janvier 1999 à l’âge de 32 ans avec une volumineuse tumeur cérébrale méningée maligne qui a fait l’objet d’une résection chirurgicale totale. Les pathologistes traitants sur place ont eu de la difficulté à interpréter l’aspect histologique de la tumeur, mais ils ont finalement conclu qu’il s’agissait d’un méningiome atypique. Les méningiomes atypiques présentent un risque important de récidive locale (c. à d. réapparition au site de la résection), mais, en général, s’étendent rarement à l’extérieur du cerveau. En août 2010, l’appelant s’est présenté avec les symptômes d’un hémangiopéricytome métastatique intra-thoracique et intra-abdominal étendu. L’histopathologie de la tumeur cérébrale a été réexaminée à ce moment, et le diagnostic initial a été révisé pour celui d’un hémangiopéricytome méningé. Les hémangiopéricytomes méningés comportent un risque considérable de production de métastases. L’appelant a reçu un traitement de chimiothérapie, mais il est décédé en janvier 2013, quatorze ans après s’être présenté pour sa tumeur.
La possibilité d’un hémangiopéricytome n’a pas été envisagée lorsque l’histologie de la tumeur cérébrale a été examinée pour la première fois, et donc les colorations et les méthodes immunohistochimiques pertinentes qui auraient permis de faire la distinction entre un méningiome atypique et un hémangiopéricytome méningé n’ont pas été effectuées. Malgré l’aspect inhabituel de la tumeur, il n’y a pas eu de consultation avec un neuropathologiste. Sous réserve des mises en garde mentionnées ci-dessus, mon opinion est que la prise en charge pathologique du cas ne satisfait pas aux exigences raisonnablement attendues en 1999.
Je n’ai pas l’expertise requise pour commenter la signification de ces conclusions relativement à la prise en charge de l’appelant. Je crois que les principales questions à prendre en considération pour un neuro-oncologue sont les suivantes :
- Quelle est la possibilité que les céphalées décrites par l’appelant plusieurs mois avant sa présentation aient été causées par sa tumeur cérébrale? Ces céphalées ont elles fait l’objet d’une enquête appropriée? Si ces céphalées étaient vraisemblablement liées à la tumeur cérébrale, quelle est la possibilité que le délai avant l’établissement du diagnostic ait augmenté la probabilité de métastases?
- Si le diagnostic d’un hémangiopéricytome malin (c. à d. de grade III de l’OMS) avait été posé en janvier 1999, et compte tenu de l’invasion du sinus longitudinal supérieur par la tumeur, le patient aurait-il reçu un traitement différent? Si c’est le cas, quelle est la possibilité que l’évolution clinique ait pu être plus favorable?
J’espère que les observations qui précèdent seront utiles aux délibérations du Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Je serais ravi de vous aider pour toute autre question que vous ou le Tribunal pourriez avoir au sujet de ce cas.
Notes en bas de page
- 1. Le déficit visuel était une « quadranopsie latérale homonyme inférieure droite », indicative d’un trouble dans le lobe occipital gauche. Un œdème papillaire est un gonflement à l’endroit où le nerf optique quitte le derrière de l’œil pour se rendre au cerveau. Il indique une augmentation considérable de la pression à l’intérieur du crâne, souvent le résultat d’une tumeur intracrânienne.
- 2. Un produit de contraste est injecté dans une veine et se concentre dans les tumeurs ayant un apport substantiel en sang. L’accumulation de produit de contraste est visible sur un tomodensitogramme ou à l’examen IRM en tant que « densification », qui indique souvent la présence d’une tumeur maligne. Toutefois, les méningiomes ordinaires causent aussi une « densification », habituellement homogène.
- 3. Les gliomes agressifs et les glioblastomes (multiformes) sont des tumeurs extrêmement malignes qui croissent dans le cerveau (plutôt que les méninges).
- 4. L’expression « hémangiopéricytome, ou tumeur fibreuse solitaire » reflète un concept d’évolution récente depuis 1999, selon lequel les tumeurs fibreuses solitaires et les hémangiopéricytomes forment le spectre d’une entité unique, où les premières sont bénignes et les seconds sont malins.
- 5. McKeever, Paul. « The brain, spinal cord, and meninges. » Dans : Sternberg, Stephen S., Antonioli, Donald A., Carter, Daryl, Mills, Stacey E., Oberman, Harold A., éditeurs. Diagnostic Surgical Pathology, 3e édition, Georgetown (Texas) : New York (NY) : Lippincott Williams & Wilkins; 1999. p. 389-493.
- 6. (a) Winek RR, Scheithauer BW, Wick MR. « Meningioma, meningeal hemangiopericytoma (angioblastic meningioma), peripheral hemangiopericytoma, and acoustic schwannoma. A comparative immunohistochemical study. » Am J Surg Pathol, avril 1989; 13(4):251-61. (b) Perry A, Scheithauer BW, Nascimento AG. « The immunophenotypic spectrum of meningeal hemangiopericytoma: a comparison with fibrous meningioma and solitary fibrous tumor of meninges. » Am J Surg Pathol, nov. 1997; 21(11):1354-60.
- 7. (a) Rutkowski MJ, Jian BJ, Bloch O, Chen C, Sughrue ME, Tihan T, et al. « Intracranial hemangiopericytoma: clinical experience and treatment considerations in a modern series of 40 adult patients. » Cancer. 15 mars 2012; 118(6}:1628-36. (b) Durand A, Labrousse F, Jouvet A, Bauchet L, Kalama rides M, Menei P,et al. « WHO Grade II and Ill meningiomas: a study of prognostic factors. J Neurooncol. » Déc. 2009; 95(3}:367-75.