2002-174 Décision
Représentante : Jane Michael, BSJP
Décision No : 100000446174
Type de décision : Appel du droit à pension
Lieu de l'audition : Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)
Date de la décision : le 29 octobre 2002
Suite à une audience d'appel du droit à pension tenue pour la conjointe survivante de feu l'ancien combattant, le 29 octobre 2002, le Tribunal rend la décision suivante :
ORDONNANCE
ADMISSIBILITÉ À UNE PENSION DE CONJOINTE SURVIVANTE
La décision du comité de révision (examen) en date du 20 février 2002 est confirmée.
Paragraphes 45(1) et 47(3), Loi sur les pensions.
Alinéa 29(1)(a), Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel)
Copie originale signée par:
_________________________Membre présidant
E.A. McNally
________________________Membre
Felipe Pascual
Copie originale signée par:
________________________Membre
Robert Benôit
QUESTIONS EN LITIGE
Le 29 octobre 2002, un comité d'appel du droit à pension a tenu une audience par voie de soumission écrite à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard), car la conjointe survivante de l'ancien combattant décédé était en désaccord avec la décision du comité de révision (examen), en date du 20 février 2002. Mme Jane Michael, Bureau de services juridiques des pensions, était la représentante.
Le Tribunal est saisi de la question de savoir si l'appelante, à titre d'épouse séparée et d'ex-épouse de l'ancien combattant maintenant décédé, a le droit de recevoir une pension de conjointe survivante en application du paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions?
ÉLÉMENTS DE PREUVE
L'avocate a présenté la pièce suivante à titre d'éléments de preuve :
AD-Annexe-B1: Extrait tiré du Manuel des politiques – Pension Paragraphes 47(1), (2) et (3) – Pension de survivant à l'époux séparé à l'ex-époux et à l'ancien conjoint de fait.
Admissibilité à une pension de conjointe survivante
FAITS ET ARGUMENT
En avril 1943, l'appelante a épousé l'ancien combattant maintenant décédé. Un enfant, , est née plus tard pendant la même année. Selon l'appelante, l'ancien combattant décédé avait un problème de consommation d'alcool et n'agissait pas comme un père et un mari responsable. Le couple s'est séparé en février 1945. Après leur séparation, ils n'ont jamais repris la vie commune et n'ont jamais demandé le divorce. L'ancien combattant est décédé en 1966.
En 1946, l'appelante a entamé une union de fait avec un autre partenaire. Deux enfants sont nés de cette union. Les rapports entre l'appelante et l'autre partenaire ont pris fin en 1952.
Dans les observations qu'elle a présentées au comité d'appel pour le compte de l'appelante, l'avocate a affirmé que la preuve en l'espèce permettrait d'établir qu'il existait un droit à des aliments dans les premiers temps suivant la séparation et pendant la période ayant immédiatement précédé le décès, ce droit se fondant sur les règles de droit en matière d'abandon alors en vigueur.
L'avocate a en outre soulevé la possibilité qu'une entente non écrite relative aux aliments ait été conclue par l'ancien combattant et l'appelante après la rupture du mariage. Elle invoque à cet égard certains documents versés au dossier – à la page 2 de l'exposé du cas – selon lesquels l'ancien combattant pourrait avoir estimé qu'il subvenait aux besoins de son épouse près d'un an suivant leur séparation. L'avocate a soutenu que l'ancien combattant décédé n'a vu l'appelante qu'une seule fois dans les deux années qui ont suivi leur séparation, puis trois ou quatre fois pendant les vingt années suivantes, soit avant le décès de l'ancien combattant en juin 1966. Ce dernier aurait également vu son enfant à ces occasions et, au cours de l'une d'elles, il lui aurait acheté des vêtements.
L'avocate a prétendu que le comité d'appel, après avoir examiné tous ces éléments de preuve ainsi que les dispositions de l'article 47.B.7 du Manuel des politiques – Pension du ministère des Anciens combattants, pourrait inférer en application du paragraphe 47(3) de la Loi que l'appelante, si elle avait présenté une demande d'aliments contre l'ancien combattant décédé selon les voies de droit régulières dans tout ressort au Canada, aurait eu droit à des aliments.
MOTIFS ET CONCLUSION
En arrivant à sa décision, le Tribunal a très attentivement examiné tous les éléments de preuve, les dossiers médicaux ainsi que le plaidoyer de la représentante, et il a respecté l'obligation statutaire d'accorder le bénéfice du doute à l'appelant ou au demandeur en vertu des dispositions des articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).
Par le présent appel interjeté à l'égard de la décision du comité de révision du présent Tribunal rendue le 20 février 2002, l'appelante tente d'obtenir une pension en application du paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions. Au nom de l'appelante, l'avocate a fait valoir que le présent comité d'appel pouvait accorder une pension en vertu des dispositions discrétionnaires contenues au paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions puisque le comité disposait maintenant de renseignements suffisants pour inférer que l'appelante, si elle avait demandé des aliments à l'ancien combattant décédé selon les voies de droit régulières dans tout ressort au Canada, aurait eu droit à de tels aliments.
Le comité d'appel doit d'abord signaler que la principale question dont il est saisi consiste à savoir si les faits et les circonstances de la présente affaire permettent de croire que l'appelante avait un droit à des aliments exécutoire en vertu de la loi pendant la période comprise entre la rupture du mariage et le décès de l'ancien combattant en 1966. Cependant, il faut en outre mentionner que les demandes fondées sur le paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions soulèvent plusieurs points qui doivent être résolus en faveur de l'appelante pour que le ministre soit fondé à exercer son pouvoir discrétionnaire et à accorder une pension de survivant. L'exigence la plus fondamentale prévue au paragraphe 47(3) de la Loi est celle voulant que le demandeur soit dans un « état de dépendance ». Selon le paragraphe 3(1) de la Loi sur les pensions, un « état de dépendance » s'entend de l'état d'une « personne dépourvue de revenus ou de biens suffisants pour subvenir à ses besoins ». Le point de savoir si une personne se trouve dans un « état de dépendance » en est un qui peut évoluer avec le temps et il doit donc impérativement être résolu à la lumière de renseignements financiers à jour. Le comité fait remarquer que ni le comité de révision ni le présent comité d'appel n'ont tranché cette question puisque le Tribunal ne disposait d'aucun élément de preuve à jour concernant la situation financière de l'appelante, et qu'il leur était donc impossible de se prononcer sur la question de l'« état de dépendance » de l'appelante.
La question examinée par le comité dans le présent appel touche à l'exigence essentielle fixée au paragraphe 47(3) de la Loi voulant que le ministre ait une raison ou un motif lui permettant de croire que l'appelante aurait eu droit à des aliments si elle en avait fait la demande selon les voies de droit régulières dans tout ressort au Canada. Pour que le ministre puisse conclure qu'il existe des motifs fondés sur les faits et les circonstances le justifiant à exercer son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe 47(3) de la Loi, il doit y avoir des éléments de preuve laissant croire que l'appelante aurait eu un droit à des aliments susceptible d'exécution en vertu de la loi pendant la période comprise entre la rupture du mariage et le décès de l'ancien combattant en 1966.
L'avocate a affirmé que la preuve présentée en l'espèce permettrait d'établir qu'il existait un droit à des aliments dans les premiers temps de la séparation et pendant la période précédant immédiatement le décès selon les règles de droit en matière d'abandon en vigueur à cette époque. Elle a en outre soutenu qu'il existait des éléments de preuve montrant que l'ancien combattant décédé avait eu l'intention de fournir des aliments à l'appelante après la rupture permanente de leur mariage, et que les exigences du paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions sont donc satisfaites.
Le comité d'appel se demandera d'abord si la preuve donne à entendre qu'il existait entre l'ancien combattant et l'appelante une entente non écrite ou implicite relative à des aliments après la rupture de leur mariage. S'il est possible de tirer une telle inférence de la preuve, celle-ci pourrait fournir un fondement permettant de conclure que l'appelante aurait eu un droit à des aliments exécutoire en vertu de la loi pour la période allant de la rupture du mariage au décès de l'ancien combattant en 1966.
QUESTION EN LITIGE NO 1 : La preuve relative à la conduite des époux en l'espèce permet-elle de légitimement conclure que l'ancien combattant s'était engagé, par une entente implicite ou verbale, à verser des aliments à l'appelante après leur séparation?
Au soutien de cet argument selon lequel l'ancien combattant aurait fourni des aliments à l'appelante après leur séparation, l'avocate a renvoyé le comité à un document se trouvant à la page 2 de l'exposé du cas et selon lequel l'ancien combattant pourrait avoir estimé qu'il subvenait aux besoins de son épouse près d'un an suivant leur séparation. Ce document consiste en une demande de pension supplémentaire relative à des personnes à charge signée par l'ancien combattant le 12 février 1946. Dans cette demande, l'ancien combattant mentionne qu'il vivait avec son épouse et qu'il subvenait à ses besoins de façon continue depuis leur mariage.
Ce document établit qu'au moment de sa signature, soit le 12 février 1946, l'ancien combattant n'avait pas informé le ministère des Anciens combattants de la séparation ou de la rupture du mariage remontant à 1945. La raison de cette omission n'est pas claire. Cependant, les déclarations faites par l'ancien combattant dans ce document sont contredites par tous les autres éléments de preuve versés au dossier, y compris les assertions faites par l'appelante lors d'audiences tenues devant le présent tribunal et les déclarations écrites versées au dossier selon lesquelles elle ne vivait pas avec l'ancien combattant et ne recevait pas d'aliments de ce dernier en 1946. Selon les déclarations écrites versées au dossier et obtenues lors d'entrevues avec l'appelante, il y avait eu échec de son mariage avec l'ancien combattant dès 1946 et ce dernier ne lui versait aucune pension alimentaire. C'est également au cours de cette année que l'appelante a débuté une union de fait avec un autre partenaire. À la lumière des éléments de preuve contradictoires produits au dossier, ce document ne peut servir à établir que l'ancien combattant fournissait des aliments à l'appelante en 1946.
L'avocate a également avancé que l'ancien combattant était dans une certaine mesure resté en communication avec l'appelante après leur séparation, en ce sens qu'il lui a rendu visite au cours des deux années suivant leur séparation. Elle a soutenu qu'avant le décès de l'ancien combattant en juin 1966, l'appelante avait reçu encore trois ou quatre visites de sa part. À l'une de ces occasions, il a acheté des vêtements pour leur fille enfant. L'avocate a renvoyé à l'article 47 du Manuel des politiques – Pension du ministère des Anciens combattants. Cette disposition prévoit, dans la partie B.7 traitant des veuves séparées et divorcées, qu'il est possible de tirer de la conduite des parties l'inférence qu'il existait dans une affaire donnée une entente verbale visant la fourniture d'aliments à un époux. L'article 47.B.7 du Manuel des politiques – Pension se trouve à l'annexe B1 des observations de l'avocate.
L'article 47.B.7 du Manuel des politiques - Pension précise que, dans certaines situations consécutives à la rupture du mariage, lorsqu'un pensionné faisait des versements mensuels uniformes réguliers à une épouse ou une ex-épouse, le Ministère peut en inférer qu'il existait une entente verbale visant le paiement d'une pension alimentaire à un époux dans cette affaire particulière. La politique énonce qu'il est possible de conclure qu'il existait une entente verbale même si aucun paiement en espèces n'a été directement versé à l'ex-épouse ou à l'ancienne conjointe de fait, pour autant que le pensionné ait payé tout ou partie du loyer, de l'hypothèque, des taxes et impôts, de la nourriture, des vêtements et des autres dépenses de cette épouse ou conjointe de fait.
Le présent comité doit d'abord signaler que l'article 47.B.7 du Manuel des politiques – Pension paraît s'appliquer à l'interprétation du paragraphe 47(1) de la Loi sur les pensions, plutôt qu'à celle du paragraphe 47(3), sur lequel se fonde la réclamation en l'espèce. C'est ce que confirme la première phrase du paragraphe B.7 suivant laquelle cette disposition s'applique aux affaires où [traduction] « [...] l'octroi d'une pension aux termes du paragraphe 47(1) de la Loi est subordonné à l'existence d'une entente verbale [...] ». La politique visée à l'article 47.B.7 du Manuel des politiques – Pension a pour objet de fournir aux arbitres les renseignements dont ils ont besoin pour déterminer s'il existait une entente verbale relative au paiement d'aliments, ce qui peut ouvrir droit à une pension fondée sur le paragraphe 47(1) de la Loi. Comme cette politique vise à faciliter l'interprétation du paragraphe 47(1) de la Loi plutôt que celle du paragraphe 47(3) de la Loi, elle pourrait se révéler inutile dans la présente affaire.
Quoi qu'il en soit, le comité a examiné l'ensemble de la preuve et des observations afin de décider s'il lui était légitimement possible de conclure, en application de l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), que la conduite ou le comportement des parties après la rupture du mariage laisse croire qu'il existait une entente verbale relative au paiement d'aliments à un époux aux termes de l'article 47 de la Loi sur les pensions. Le comité estime que la preuve en l'espèce ne permet pas légitimement d'étayer cette conclusion.
Il convient de faire observer que l'article 47.B.7 du Manuel des politiques – Pension vise des situations consécutives à la rupture du mariage où le pensionné aurait fait des versements mensuels uniformes réguliers à une épouse ou ex-épouse. Lorsque la preuve montre que des versements ont été effectués avec une certaine régularité, il pourra s'agir d'un fondement factuel autorisant l'arbitre du Ministère à inférer de la conduite des parties qu'il existait dans cette affaire particulière une entente verbale concernant le paiement d'une pension alimentaire au profit d'un époux.
Or, les faits en l'espèce n'offrent malheureusement aucune preuve de l'existence de versements mensuels ou uniformes réguliers. La preuve ne laisse même pas entendre que l'ancien combattant décédé ait fait des versements occasionnels à l'appelante pour lui permettre de subvenir à ses besoins. Manifestement, aucun élément de preuve n'établissait que l'appelante a reçu, à titre d'aliments, des versements, réguliers ou non, destinés au paiement du loyer, de l'hypothèque, des taxes et impôts, de la nourriture, des vêtements ou d'autres dépenses nécessaires. De toute évidence, cette disposition du Manuel des politiques – Pension ne peut s'appliquer aux faits en l'espèce puisque la preuve factuelle relative à la conduite ou au comportement des parties ne constitue pas des faits à partir desquels il est raisonnablement possible d'inférer qu'il existait une entente verbale visant la fourniture d'aliments à l'appelante.
Selon le présent comité, cette conclusion est en outre étayée par le témoignage de l'appelante et la preuve concernant les faits et les circonstances liés au mariage qui ont été présentés au Tribunal lors de l'audience tenue le 20 février 2002, à Kingston (Ontario). Le comité renvoie à la décision du comité de révision datée du 20 février 2002, laquelle renferme un aperçu des faits – tels qu'ils ont été exposés par l'avocat qui représentait l'appelante à l'audience de révision – acceptés par le comité de révision lors de cette audience :
... Au cours de l'audience, le témoignage de la requérante [aujourd'hui une appelante] confirmera qu'au cours de la courte période pendant laquelle a duré le mariage, l'ancien combattant décédé n'a pratiquement rien déboursé. La requérante a payé tous les frais consécutifs à l'hospitalisation lors de la naissance de son enfant, de même que tous les frais de subsistance incluant le gîte et la nourriture durant toute la période pendant laquelle a duré le mariage....
... Pendant toute cette période, l'ancien combattant décédé se comportait comme un célibataire et ne montrait aucun intérêt pour sa famille ou pour la vie en couple. Le 6 février 1945, la requérante a été forcée de quitter la pièce dans laquelle ils vivaient quand l'ancien combattant décédé lui a dit que jamais il ne pourvoirait à l'entretien de la famille....
Étant donné tout ce qui s'est passé et l'indifférence de l'ancien combattant décédé à l'égard de leur mariage et de leur famille, la requérante ne pouvait faire autrement que de partir, et c'est ce qu'elle a fait. La requérante s'est réinstallée à * où elle a été en mesure de trouver un emploié. Après le 6 février 1945, l'ancien combattant décédé n'a, en aucune façon, fait d'efforts pour subvenir aux besoins de sa famille, malgré le fait qu'il faisait encore partie des Forces armées et que sa rémunération lui permettait de subvenir aux besoins de sa famille. (Le caractère gras souligne qu'on met l'accent sur ces passages.)
La seule conclusion raisonnable susceptible d'être tirée de l'ensemble de la preuve est que l'ancien combattant maintenant décédé n'a fourni aucun aliment à l'appelante après leur séparation en 1945.
L'avocate a également insisté sur le fait que l'ancien combattant décédé avait à quelques reprises rendu visite à son enfant et qu'à l'une de ces occasions, il lui avait acheté des vêtements. Or, il est impossible pour le comité de conclure que ce renseignement ou fait particulier permet d'établir l'admissibilité à une pension de survivant de l'appelante aux termes du paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions. Tout d'abord, bien que le comité reconnaisse que l'ancien combattant a payé des vêtements pour l'enfant ********** à une occasion, cet élément de preuve n'indique pas en l'espèce que l'ancien combattant ait versé une pension alimentaire à l'appelante pour les besoins de cet enfant.
Toutefois, même si la preuve montrait que l'ancien combattant décédé a fourni à l'appelante des aliments destinés à subvenir aux besoins de l'enfant, le comité ne connaît aucune règle de droit ni aucun fondement juridique l'autorisant à conclure que le paiement d'une pension alimentaire pour un enfant, ou l'existence d'un droit prévu par la loi à une telle pension alimentaire, établit ou prouve de l'existence d'un droit à des aliments au profit d'un époux. Il s'agit là de questions juridiques distinctes et l'admissibilité à une sorte d'aliments n'a pas pour effet d'établir un droit à l'admissibilité à l'autre sorte de soutien. À cet égard, le comité fait remarquer que l'extrait du Manuel des politiques – Pension du ministère des Anciens combattants auquel on renvoie plus haut dans la présente décision (article 47.B.7) ne mentionne pas que le paiement de dépenses ou de biens faisant partie des nécessités essentielles de la vie pour entretenir un enfant serait considéré comme une preuve de l'existence d'une entente implicite quant au paiement d'aliments au profit d'un époux. En conséquence, le présent comité ne peut légitimement conclure que la preuve d'environ quatre visites au cours d'une période de 21 ans ou de l'achat de vêtements pour l'enfant du mariage constitue un fait permettant de croire que l'ancien combattant décédé fournissait des aliments à l'appelante.
La seule inférence raisonnable susceptible d'être tirée des faits et des circonstances de la présente affaire est que l'ancien combattant n'a jamais fourni d'aliments à l'appelante – que ce soit pour subvenir à ses besoins ou à ceux de l'enfant – après la séparation. Par conséquent, l'argument selon lequel il existait en l'espèce une entente verbale non exécutée ou exécutoire permettant de satisfaire aux exigences du paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions ne peut réussir.
Le comité doit maintenant se pencher sur la seconde question en litige qu'il faut trancher en l'espèce suivant le paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions. Dans son examen de cette question, le comité tiendra compte de l'ensemble des faits et des circonstances de l'affaire, puis il décidera, conformément au paragraphe 47(3) de la Loi, si l'appelante détenait, avant le décès de l'ancien combattant, un droit exécutoire en vertu de la loi à ce que ce dernier lui fournisse des aliments.
QUESTION NO. 2: Les circonstances et les faits particuliers de la présente espèce permettent-ils de penser qu'il s'agit d'une affaire où le ministre est justifié d'exercer son pouvoir discrétionnaire afin d'accorder une pension de survivant à une ex-épouse en application du paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions?
Selon le paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions, le ministre peut accorder une pension à une épouse séparée ou à une ex-épouse d'un ancien combattant décédé lorsqu'il est d'avis que cette personne aurait eu droit à des aliments si elle en avait fait la demande selon les voies de droit régulières dans tout ressort au Canada. Cette disposition oblige le ministre – ou les autres décideurs – à avoir des motifs quelconques permettant d'étayer l'opinion suivant laquelle le demandeur en cause aurait eu droit à des aliments ou à une allocation alimentaire s'il en avait fait la demande selon les voies de droit régulières. Par conséquent, la personne qui demande une pension en application du paragraphe 47(3) de la Loi doit montrer qu'il existe un fondement quelconque permettant de légitimement conclure qu'elle aurait eu, à titre d'époux, un droit à des aliments susceptible d'exécution en vertu de la loi avant le décès de l'ancien combattant.
Dans les observations qu'elle a présentées au comité d'appel, l'avocate a soutenu que la preuve en l'espèce établirait qu'un droit à des aliments existait dans les premiers temps suivant la séparation et pendant la période ayant immédiatement précédé le décès selon les règles de droit touchant les droits des épouses abandonnées qui étaient en vigueur au moment de la rupture du mariage en 1945.
Lors de l'audience de révision portant sur la présente affaire, la question du droit à des aliments fondé sur les règles de droit en matière d'abandon en vigueur vers 1945 a fait l'objet d'un examen minutieux. L'avocat qui représentait alors l'appelante a cité et invoqué des dispositions législatives qui auraient été en vigueur après l'échec du mariage de l'appelante et de l'ancien combattant décédé, ainsi que des décisions jurisprudentielles relatives à des époux ayant abandonné leur conjointe qui ont par la suite été condamnés à payer des aliments à celle-ci.
Dans sa décision du 20 février 2002, le comité de révision n'a pas accepté le fait que l'appelante aurait eu droit à des aliments selon les lois en vigueur au moment de la rupture du mariage en raison de sa situation d'épouse abandonnée. En effet, il a estimé que les faits de l'affaire ne pouvaient étayer la conclusion voulant que l'appelante ait en réalité été abandonnée par l'ancien combattant décédé. Le comité de révision a en particulier souligné que, selon la déposition de l'appelante à l'audience de révision, le mariage a pris fin lorsqu'elle a quitté le domicile conjugal en février 1945. Même s'il ne fait aucun doute que l'appelante croyait n'avoir aucun choix à cet égard en raison de la conduite de l'ancien combattant décédé et de son défaut de subvenir aux besoins de la famille, le comité de révision n'a pas conclu qu'un abandon présumé avait eu lieu.
Le présent comité confirme la conclusion du comité de révision puisqu'elle est raisonnable à la lumière de la preuve produite. Bien qu'il n'ait pas beaucoup de doute sur le fait que le mariage en cause a constitué une expérience difficile et malheureuse pour l'appelante, le présent comité d'appel doit signaler que la plupart des assertions faites dans les documents versés au dossier ne permettent pas d'étayer l'argument selon lequel l'ancien combattant décédé aurait abandonné l'appelante et son enfant.
Cependant, il importe de mentionner que l'issue de l'affaire ne repose pas uniquement ni principalement sur la question de l'abandon. Cela ressort sans équivoque des motifs formulés par le comité de révision lorsqu'il précise que la question du droit à des aliments fondé sur l'abandon n'était pas le seul facteur à prendre en considération ni le seul facteur pertinent dans l'affaire de l'appelante. Dans sa décision du 20 février 2002, le comité de révision a déclaré sans ambiguïté que, lors de l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au paragraphe 47(3) de la Loi, il faut tenir compte de l'ensemble des faits et des circonstances touchant le mariage ainsi que de la conduite des deux parties après la rupture de celui-ci. Le présent comité d'appel est d'accord avec le raisonnement suivi par le comité de révision en ce qui a trait à l'exercice approprié du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 47(3) de la Loi.
Le comité d'appel signale également que, selon les observations présentées en appel par l'avocate, les faits de l'espèce sont fondamentaux pour trancher la question de savoir s'il y a lieu d'exercer le pouvoir discrétionnaire conféré au paragraphe 47(3) de la Loi. Le présent comité partage l'avis exposé sur ce point par l'avocate dans ses observations, en ce que chaque décision prise en application du paragraphe 47(3) de la Loi doit, en dernière analyse, se fonder sur les faits particuliers de l'affaire en cause. À ce chapitre, il importe de préciser que de nombreux faits pertinents se rapportant à la question de savoir si un droit à des aliments exécutoire en vertu de la loi existait après la séparation intéresseront les circonstances et la conduite des parties dans les années suivant l'échec du mariage.
Dans les affaires où de nombreuses années se sont écoulées depuis la rupture du mariage sans que des aliments au profit d'un époux soient véritablement fournis ou réclamés, la question essentielle soulevée au moment de rendre une décision fondée sur le paragraphe 47(3) de la Loi est la suivante : quelle période particulière le ministre doit-il prendre en compte pour décider si l'épouse séparée aurait eu un droit à des aliments exécutoire en vertu de la loi contre l'ancien combattant?
Le comité ne peut accepter qu'il faille uniquement examiner la période restreinte ayant immédiatement fait suite à la rupture du mariage pour se prononcer sur la question soulevée relativement au paragraphe 47(3) de la Loi. C'est que, dans les affaires où de nombreuses années se sont écoulées depuis la fin du mariage, les années subséquentes à la rupture du mariage constituent une période dont le ministre doit tenir compte lorsqu'il décide, en application du paragraphe 47(3) de la Loi, si un demandeur aurait eu droit à des aliments au profit d'un époux s'il en avait fait la demande.
Comme l'a fait observer le comité de révision dans sa décision, le droit exécutoire en vertu de la loi de demander des aliments selon les voies de droit régulières qui est visé au paragraphe 47(3) de la Loi pourrait avoir existé au moment de la rupture du mariage, mais il ne sera pas nécessairement maintenu indéfiniment. Le présent comité signale qu'il ressort sans équivoque de la jurisprudence en la matière que l'écoulement du temps peut avoir des conséquences préjudiciables sur les tentatives subséquentes d'obtenir des aliments au profit d'un époux. Selon la jurisprudence relative aux obligations alimentaires entre époux, le tribunal saisi d'une demande d'aliments que l'époux, sans raison valable, a présentée tardivement pourrait refuser de faire droit à cette demande. Il ne fait donc aucun doute que, selon les « voies de droit régulières » devant les tribunaux judiciaires canadiens, le retard à demander des aliments à titre d'époux constitue un fait important à prendre en considération.
Manifestement, compte tenu de ce qui précède, l'existence d'un retard considérable ou l'écoulement d'un long intervalle de temps après la rupture du mariage, sans que des aliments soient fournis, constitue un facteur pertinent que le ministre devra examiner aux termes du paragraphe 47(3) de la Loi lorsqu'il décidera si le demandeur d'une pension de survivant aurait eu droit à des aliments s'il en avait fait la demande selon les voies de droit régulières. Le comité n'a nullement l'intention de laisser entendre que tout retard ou écoulement de temps suivant la rupture du mariage – aussi insignifiant soit-il – doive être jugé comme problématique. Il précise simplement qu'il faut tenir compte de la totalité du temps écoulé entre la rupture du mariage et le décès de l'ancien combattant lors de l'examen d'une demande fondée sur le paragraphe 47(3) de la Loi. Un long intervalle de temps suivant la rupture du mariage, lorsqu'il n'y a pas de fourniture d'aliments et qu'il existe peu ou pas de liens entre les époux, peut donner à entendre qu'il s'agit d'un cas où il n'y aurait plus de droit, viable ou exécutoire en vertu de la loi, à des aliments au profit d'un époux susceptible de reconnaissance selon les voies de droit régulières. Dans cette éventualité, la demande présentée en application du paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions ne pourrait être accueillie puisqu'elle n'offrirait au ministre aucun motif lui permettant d'exercer son pouvoir discrétionnaire de façon légitime présentée en application du paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions ne pourrait être accueillie puisqu'elle n'offrirait au ministre aucun motif lui permettant d'exercer son pouvoir discrétionnaire de façon légitime.
Le présent comité est en outre d'accord avec les conclusions tirées par le comité de révision dans sa décision du 20 février 2002 en ce qui concerne la question des périodes de temps appropriées que le ministre doit prendre en compte pour décider si le demandeur aurait eu droit à des aliments s'il en avait fait la demande selon les voies de droit régulières. Dans sa décision, le comité de révision s'est penché sur les autres dispositions de la Loi sur les pensions qui prévoient le paiement de pensions à un époux, aux enfants, au conjoint de fait et même aux parents d'un ancien combattant, après le décès de ce dernier. Il a conclu que le législateur, lorsqu'il a prévu un droit à des pensions dans la Loi sur les pensions, visait de toute évidence à aider les personnes qui, en réalité, étaient à la charge de l'ancien combattant ou qu'il entretenaient au moment du décès, et non pas les personnes qui avaient alors cessé d'être à sa charge.
À cet égard, le comité renvoie au passage suivant de la page 9 de la décision du comité de révision :
Le paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions ne fait aucune allusion à la date, [du décès] ou [ni à ] une période de temps jugée raisonnable avant que le décès ne survienne. Il s'agit toutefois d'une disposition discrétionnaire (facultative) qui doit être étudiée en tenant compte des objectifs globaux ainsi que du but recherchés par la Loi sur les pensions et interprétée de façon à demeurer cohérente avec l'interprétation des autres dispositions relatives aux pensions destinées aux membres de la famille d'un ancien combattant avant que ce dernier ne décède. L'objectif primordial de la Loi sur les pensions, relativement à des pensions octroyées après la mort d'un ancien combattant, est de pourvoir aux besoins de personnes dépendant matériellement d'un ancien combattant ou de personnes qui recevaient de l'aide ou encore qui étaient admissibles à recevoir de l'aide de ce dernier à l'époque du décès, plutôt que pendant une période passée clairement définie. Le paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions devrait être interprété en visant le même objectif. Sinon, cela pourrait générer une interprétation insensée : par exemple, un conjoint légal ou un conjoint de fait pourrait sembler avoir un pouvoir légal inférieur dans le cadre de la Loi, qu'une personne vivant avec l'ancien combattant au moment de son décès.
Le présent comité d'appel confirme cette interprétation puisqu'elle est conforme tant aux dispositions relatives à l'interprétation prévues à l'article 2 de la Loi sur les pensions qu'à l'article 3 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) selon lequel ce texte législatif a pour objet d'offrir une indemnité aux membres des forces armées et aux personnes qui sont à leur charge.
Le comité fait observer que le paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions paraît reconnaître qu'un ancien combattant peut mourir alors qu'une épouse séparée ou une ancienne conjointe de fait jouit d'un droit exécutoire en vertu de la loi d'être considérée comme une personne à charge au moment du décès. Même si la possibilité pour l'ex-épouse ou l'ancienne conjointe de fait d'obtenir des aliments en application d'une ordonnance judiciaire ou d'une entente formelle avait pris fin avec le décès de l'ancien combattant, le paragraphe 47(3) permettrait que cette personne soit considérée comme une personne à charge présumée de l'ancien combattant, avant le décès de celui-ci, en raison de son droit à des aliments existant et susceptible d'exécution en vertu de la loi, bien que non exécuté.
La question de savoir si une personne peut être considérée comme une « personne à charge » présumée d'un ancien combattant est une question de fait qui doit être tranchée en fonction d'un moment donné. Ce moment particulier auquel on doit se placer pour se demander si une personne aurait pu être considérée comme une personne à charge présumée d'un ancien combattant devrait être raisonnablement antérieur au décès de ce dernier. Cela permettrait de faire en sorte que les pensions prévues au paragraphe 47(3) de la Loi soient accordées uniquement aux personnes qui pouvaient être légitimement considérées comme des personnes à charge présumées, ou des personnes à charge selon la loi, de l'ancien combattant, avant et vers le moment de la mort de celui-ci. Cette interprétation serait compatible avec l'objet de la Loi sur les pensions, lequel est énoncé à l'article 2 : fournir des aliments aux personnes à charge – et non aux ex-personnes à charge – des anciens combattants. Elle serait en outre conforme aux autres dispositions de la Loi sur les pensions voulant que les personnes à charge d'un ancien combattant décédé aient droit à une pension.
Pour les motifs susmentionnés, le comité arrive à la conclusion qu'il n'est pas opportun de tenir uniquement compte de l'intervalle de temps restreint qui suit immédiatement la rupture du mariage pour décider si le ministre ou un quelconque comité de révision pouvait légitimement être d'avis que la personne « [...] aurait eu droit à des aliments ou à une allocation alimentaire ou autre si elle en avait fait la demande selon les voies de droit régulières dans tout ressort au Canada ».
Lors de l'exercice du pouvoir discrétionnaire dans le cadre d'affaires relevant du paragraphe 47(3) de la Loi, les facteurs pertinents à prendre en considération comprennent les circonstances et la durée du mariage, les circonstances de la rupture du mariage, le partage des tâches au cours du mariage, les contributions financières des époux pendant le mariage, les rapports et la situation des époux après la rupture du mariage ainsi que le laps de temps écoulé entre la rupture du mariage et la date du décès de l'ancien combattant. Il s'agit des mêmes facteurs que ceux dont les tribunaux judiciaires canadiens tiennent compte pour résoudre les questions relatives au droit d'un époux à des aliments, selon les voies de droit régulières. Les facteurs et les principes pertinents et uniformes qu'appliquent les tribunaux dans tout le Canada pour se prononcer sur les demandes d'aliments présentées par un époux sont énoncés à l'article 15.2 de la Loi sur le divorce.
L'examen des faits et des circonstances de la présente affaire ne permet pas de croire que, s'il y avait eu un droit reconnu par la loi de réclamer des aliments de l'ancien combattant après la fin du mariage en 1945, ce droit aurait continué d'exister jusqu'à une période raisonnable précédant la mort de l'ancien combattant. Le mariage fut bref; il a duré environ deux ans avant que l'appelante et l'ancien combattant ne se séparent en 1945. Un enfant est issu du mariage. La rupture du mariage des parties en 1945 a été suivie d'une période de séparation de 21 ans. Or, rien ne permet de penser qu'il y ait eu une interdépendance financière, ou d'autres rapports sociaux notables ou intimes, entre l'ancien combattant et l'appelante pendant les années qui se sont écoulées entre la rupture du mariage et le décès de l'ancien combattant en 1966.
Le long retard de l'appelante à demander des aliments à titre d'épouse n'a pas été expliqué. L'union subséquente de l'appelante, le piètre état de santé de l'ancien combattant, l'apparente incapacité de ce dernier à fournir des aliments et les attitudes de la société constitueraient tous des facteurs qui, bien naturellement, dissuaderaient une épouse séparée de demander des aliments. Cependant, ces facteurs laissent également entendre qu'il ne s'agit pas d'une affaire où l'ancien combattant aurait fait l'objet d'une ordonnance ou d'une mesure l'obligeant à payer des aliments à son épouse, même si les principes actuels relativement libéraux qui régissent l'octroi de ce genre d'aliments selon la Loi sur le divorce étaient appliqués. À notre époque, la principale question soulevée par les affaires touchant l'obligation alimentaire entre époux consiste à savoir si l'époux qui demande les aliments a subi un désavantage économique en raison du mariage et de sa rupture. La Cour suprême du Canada a décidé que l'examen du droit à des aliments et la détermination de leur montant nécessitent de soupeser tous les facteurs et objectifs énoncés à l'article 15.2 de la Loi sur le divorce et englobent un éventail d'éléments, comme la durée du mariage, les contributions des époux, les moyens, les besoins et l'autosuffisance; et qu'il est nécessaire d'en arriver à une répartition équitable des conséquences économiques du mariage par l'octroi d'aliments au profit d'un époux : Moge c. Moge, [1992] 3 R.C.S. 813 et Bracklow c. Bracklow, [1999] 1 R.C.S. 420.
Il semble que les inconvénients sociaux et économiques découlant du mariage en l'espèce et de sa rupture aient été partagés également entre les deux parties, sous réserve de l'exception notable du fardeau de prendre soin de l'enfant, lequel n'a pas été partagé équitablement. Il ressort de la jurisprudence en matière d'aliments que, même dans les mariages de longue durée, un époux n'a pas automatiquement droit à une ordonnance visant des aliments permanents simplement parce qu'il a pris soin des enfants : le droit à des aliments, la durée de ce droit et le montant de la pension alimentaire accordée à l'époux, le cas échéant, sont toujours tributaires de l'ensemble des circonstances d'une affaire donnée. Par conséquent, ce facteur, bien que convaincant, n'étaye pas la conclusion voulant qu'il eût autorisé l'appelante à demander, pendant toute la vie de l'ancien combattant, des aliments permanents, en particulier lorsqu'il est examiné à la lumière des autres facteurs probants qui existent en l'espèce, comme la courte durée du mariage, l'état de santé de l'ancien combattant et son manque de moyens, l'union de fait subséquente de l'appelante et le fait qu'il n'y avait aucune réelle dépendance économique entre l'appelante et l'ancien combattant.
L'avocate a soutenu que l'appelante était la conjointe en droit de l'ancien combattant au moment du décès de celui-ci et qu'il s'agissait là d'un facteur lui ouvrant droit à une pension en application du paragraphe 47(3) de la Loi. Le comité ne peut accepter cette prétention. Même s'il est exact que le mariage n'a jamais été annulé de façon officielle ni terminé par un jugement de divorce en bonne et due forme, le mariage avait en réalité cessé d'exister longtemps avant le décès de l'ancien combattant. L'appelante a quitté le domicile conjugal en 1945 et les parties ont vécu séparément à partir de ce moment. En 1946, l'appelante a entamé une union de fait avec un autre partenaire. Cette union a duré jusqu'en 1952. Deux enfants sont issus de cette union subséquente, qui a duré six ans. Le fait que l'appelante ait manifestement considéré qu'elle entretenait une union de nature conjugale avec l'autre partenaire ressort sans équivoque du fait qu'elle a adopté le nom de famille de ce dernier, et qu'elle n'a plus jamais utilisé le nom de famille de l'ancien combattant décédé.
Suivant les principes de droit en matière de divorce et de séparation qui s'appliquent dans tous les ressorts au Canada, on considère qu'il y a rupture ou échec du mariage lorsque les époux commencent à mener des vies distinctes et qu'ils ont fermement l'intention de vivre séparément l'un de l'autre, sans reprise de la vie commune. Par conséquent, même s'il est vrai qu'en l'espèce aucun jugement prononçant en bonne et due forme la séparation ou le divorce de l'ancien combattant et de l'appelante n'a été rendu, le comportement de cette dernière montre que le mariage a pris fin en 1945, lorsque les parties ont commencé à vivre séparément. Le présent comité d'appel doit donc conclure que l'appelante n'était pas l'épouse de l'ancien combattant lorsque ce dernier est décédé : en réalité, elle était son ex-épouse. À titre d'« ex-épouse », l'appelante ne peut répondre aux définitions des termes « époux survivant » ou « survivant » prévues au paragraphe 3(1) de la Loi sur les pensions.
Les faits de la présente affaire n'étayent pas l'inférence voulant que l'appelante ait eu un droit à des aliments susceptible d'exécution en vertu de la loi contre l'ancien combattant avant la date du décès de ce dernier, ni à aucun autre moment raisonnable précédant ce décès. En conséquence, le présent comité ne peut conclure que les faits en l'espèce révèlent l'existence de motifs juridiques ou factuels appropriés permettant au ministre – ou au comité de révision – de former l'avis nécessaire suivant le paragraphe 47(3) de la Loi, à savoir que l'appelante est une personne qui « [...] aurait eu droit à des aliments ou à une allocation alimentaire ou autre si elle en avait fait la demande selon les voies de droit régulières dans tout ressort au Canada ». En l'absence des motifs requis, le comité ne peut légitimement inférer qu'il s'agit d'une affaire où il est approprié d'exercer le pouvoir discrétionnaire conféré au paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions, et il doit donc confirmer la décision du comité de révision.
DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA LOI
Aux termes de l'article 2 de la Loi sur les pensions, les dispositions de la présente loi s'interprètent d'une façon libérale afin de donner effet à l'obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d'indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides ou sont décédés par suite de leur service militaire, ainsi que les personnes à leur charge.
Aux termes du paragraphe 3(1) de la Loi sur les pensions,
état de dépendance - État d'une personne dépourvue de revenus ou de biens, à l'exception des locaux dans lesquels cette personne réside, suffisants pour subvenir à ses besoins.
époux survivant - Il est entendu que n'est pas comprise parmi les époux survivants la personne qui était l'ex-époux de la personne en cause au moment du décès de celle-ci.
survivant - L'époux survivant ou le conjoint de fait survivant de la personne en cause.
Aux termes du paragraphe 45(1) de la Loi sur les pensions, aucune pension n'est payée à l'époux survivant d'un membre des forces, sauf si cette personne vivait avec lui, si ce dernier subvenait à ses besoins ou si l'époux survivant subvenait aux besoins de ce dernier ou si l'époux survivant était en droit d'exiger qu'il subvienne à ses besoins lors de son décès et durant une période raisonnable avant celui-ci.
Aux termes du 47(1) de la Loi sur les pensions, l'époux séparé judiciairement ou séparé, ou l'ex-époux ou ancien conjoint de fait, d'un membre des forces depuis décédé n'a pas droit à une pension à moins que des aliments ne lui aient été accordés aux termes d'une entente écrite conclue avec le membre, auquel cas le ministre peut lui accorder la moins élevée des pensions suivantes:
(a) la pension à laquelle il aurait eu droit en tant que survivant de ce membre;
(b) une pension égale aux aliments qui lui ont été accordés ou à l'allocation à laquelle il avait droit en vertu des stipulations de l'entente.
Aux termes du paragraphe 47(3) de la Loi sur les pensions, lorsqu'une personne visée au paragraphe (1) est dans un état de dépendance, le ministre peut accorder une pension, à un taux n'excédant pas celui que prévoit l'annexe II pour un survivant ou déterminé conformément aux paragraphes 45(3) ou (3.01), selon le taux qui est applicable, bien qu'il n'ait été accordé aucun aliment ou allocation alimentaire à cette personne ou que celle-ci n'ait pas droit à une allocation aux termes d'une entente écrite, quand, de l'avis du ministre, elle aurait eu droit à des aliments ou à une allocation alimentaire ou autre si elle en avait fait la demande selon les voies de droit régulières dans tout ressort au Canada.
L'article 25 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) stipule que le demandeur qui n'est pas satisfait de la décision rendue en vertu des articles 21 ou 23 peut en appeler au Tribunal.
L'article 26 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) stipule que le Tribunal a compétence exclusive pour statuer sur tout appel interjeté en vertu de l'article 25, ou sous le régime de la Loi sur les allocations aux anciens combattants ou de toute autre loi fédérale, ainsi que sur toute question connexe.
L'article 3 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) stipule que les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.
L'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) stipule que le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve; il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci; il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence; il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.
Aux termes du paragraphe 28(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), l'appelant peut soit adresser une déclaration écrite au comité d'appel, soit comparaître devant celui-ci, mais à ses frais, en personne ou par l'intermédiaire de son représentant, pour y présenter des éléments de preuve et ses arguments oraux.
Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le comité d'appel peut soit confirmer, modifier ou infirmer la décision en appel, soit la renvoyer pour réexamen, complément d'enquête ou nouvelle audition à la personne ou au comité de révision qui l'a rendue, soit encore déférer à cette personne ou à ce comité toute question non examinée par eux.
DÉCISION FAISANT L'OBJET D'UN APPEL
ADMISSIBILITÉ À UNE PENSION DE CONJOINTE SURVIVANTE
La décision du ministre du 1er février 2000 est confirmée.
Paragraphes 45(1) et 47(3), de la Loi sur les pensions
Alinéa 21(a), Loi sur le Tribunal des anciens combattants Canada (révision et appel)
TACRA - Révision de la décision d'admissibilité en date du 20 février 2002.
AUTRES DÉCISION PERTINENTE
ADMISSIBILITÉ À UNE PENSION DE CONJOINTE SURVIVANTE
La pension de conjointe survivante n'est pas accordée en vertu du paragraphe 47(3) parce qu'il n'y a pas d'éléments de preuve indiquant que vous auriez été admissible à un octroi de pension alimentaire, de soutien, de maintien ou de toute autre allocation, si vous aviez fait une demande à cet effet en vertu de l'application régulière de la loi.
Décision du ministre, le 1 février 2000
L'appelante a présenté une demande d'admissibilité à une pension de conjointe survivante il y a plus de trois ans.