2007-829 Décision
Représentant : Me Aidan Sheridan, BSJP
Décision No : 100001226829
Type de décision : Ordonnance de la Cour fédérale de procéder à une nouvelle audience - Appel du droit à pension
Lieu de l'audition : Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)
Date de la décision : le 13 novembre 2007
Décision du Tribunal :
SYNDROME POST-COMMOTIONNEL
Droit à pension accordé, de I'ordre de cinq cinquièmes, pour un service effectué dans la Gendarmerie royale du Canada.
Article 32 de la Loi sur la pension de retraite de la GRC
Paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions
Le droit à pension entre en vigueur le 13 novembre 2004 (date précédant de trois ans la date à laquelle la pension a été accordée)
Paragraphe 39(1) de la Loi sur les pensions
Copie originale signée par:
_________________________Membre
R. MacCuish
Copie originale signée par:
_________________________Membre
Bonita M. Small
MOTIFS DE DISSIDENCE INCLUS CI-APRÉS
INTRODUCTION
La présente demande en vue de la tenue d'une audience de réexamen a été déposée en vertu de l'ordonnance rendue, en date du 14 juin 2007, par le juge Hugessen de la Cour fédérale d'Ottawa, Ontario, qui a accueilli la demande de contrôle judiciaire sur la foi du consentement des parties dans l'affaire mettant en cause de l'appelante et le procureur général du Canada (intimé). L'ordonnance annule la décision d'appel du droit à pension rendue par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) en date du 11 juillet 2006 après que l'appelante a porté en appel la décision antérieure du 27 juin 2005 découlant de la décision du comité de révision (examen), en vertu de l'article 32 de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada conformément au paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions.
Par conséquent, le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a formé un comité d'appel composé de trois de ses membres en vue de la nouvelle audience de l'affaire faisant l'objet d'un réexamen. Cette audience a eu lieu le 13 novembre 2007.
Les documents suivants ont été présentés à titre d'éléments de preuve additionnels dans le cadre de l'audience en question :
- AD-S1 : Documents de la Cour fédérale du Canada concernant l'appelante, 14 pages;
- AD-S2 : Rapport médical du Dr M.G. Penrose en date du 12 novembre 2007;
- AD-Annexe-S1 : Décision de la Cour fédéral d'appel - The Attorney General of Canada vs. Donald G. Wannamaker, 10 pages.
FAITS
Le 9 décembre 2003, au moment où elle allait commencer son quart detravail régulier, l'appelante a fait une chute en sortant de son véhicule personnel dans le stationnement du détachement de la GRC dont elle fait partie. En tombant, l'appelante s'est cogné la tête; par la suite, elle a souffert de maux de tête, de nausées et de vomissements et a dû recevoir des soins médicaux.
Le lendemain, le 10 décembre 2003, elle a subi un tomodensitogramme dont les résultats n'ont rien révélé d'anormal, la voûte crânienne étant intacte et aucune anomalie intracrânienne n'ayant été décelée.
Le 15 décembre 2003, l'appelante a de nouveau été examinée; la Dre Trina Mathison a alors évalué qu'elle souffrait d'un syndrome postcommotionnel. Elle lui a donné un congé de maladie d'une semaine et une prescription pour des comprimés de Demerol afin d'atténuer la douleur, et elle a recommandé un suivi médical au besoin.
Le 22 décembre 2003, l'appelante a de nouveau été examinée, cette fois par le Dr Hein Peters, parce qu'elle se plaignait de douleurs plus fortes faisant suite à des traitements en physiothérapie. Encore une fois, le diagnostic de syndrome post-commotionnel a été posé, et le médecin lui a conseillé de continuer à prendre du Tylenol, du Demerol et du Gravol.
Le 23 décembre 2003, l'appelante s'est de nouveau soumise à un autre examen médical à l'issue duquel on lui a recommandé de s'abstenir de travailler pendant deux autres semaines en raison de la persistance des symptômes de commotion.
Le 6 janvier 2004, l'appelante a fait l'objet d'un dernier examen au cours duquel elle a déclaré au médecin traitant qu'en dépit d'un faible mal de tête elle se sentait mieux, était plus active à la maison et souhaitait revenir au travail. Le médecin a jugé qu'elle « se remettait de la commotion » et a recommandé qu'elle soit immédiatement réexaminée advenant la réapparition de l'un ou l'autre des symptômes, comme les maux de tête, les nausées ou les étourdissements.
Sur le bordereau d'acheminement du 10 janvier 2004, le commandant de l'appelante, le sergent d'état-major C., a écrit ce qui suit à l'intention du Services de santé, Division D :
« L'appelante m'a récemment remis deux rapports d'enquête sur un accident ayant trait aux blessures qu'elle a subies le 28 novembre 2003 et le 8 décembre 2003. L'incident du 8 décembre a donné lieu à un long congé de maladie et l'appelante est retournée au travail le 6 janvier 2004.
Je n'étais pas au courant de l'accident du 28 novembre et je ne peux que me fier aux propos de l'appelante sur la nature de l'incident et de sa blessure à l'épaule.
En ce qui a trait à l'incident du 8 décembre, il doit être souligné que l'appelante n'était pas de service ni n'agissait à titre d'agent de la force publique lorsqu'elle a perdu pied sur la glace dans le stationnement du détachment. Je convient que le stationnement était couvert de neige. Il est utile d'ajouter que la hauteur de la camionnette de l'appelante a probablement été un facteur aggravant. C'est-à-dire que la camionnette est plutôt élevée par rapport à la taille de l'appelante ce qui, à mon avis, a pu rendre plus difficile de sortir du véhicule de façon sûre.»
[TRADUCTION]
Le 29 janvier 2004, l'appelante a présenté au Ministère sa demande de pension d'invalidité en raison d'un syndrome post-commotionnel. En remplissant la section du formulaire « Expliquez le lien entre l'affection à l'étude et le service », l'appelante a indiqué ce qui suit:
« Le 9 décembre 2003, je suis arrivée au détachement et en sortant de mon véhicule pour entrer au travail, j'ai perdu pied sur la glace dans le stationnement et je me suis frappé la tête et le cou sur le marchepied de la camionnette. Je ne suis pas certaine d'avoir perdu connaissance. À 10 h 30, j'étais malade et on m'a conduite à l'hôpital pour des soins médicaux. Le jour suivant, on m'a fait passer un tomodensitogramme (cat scan). J'ai eu des traitements de physiothérapie, de massothérapie et également de chiropratique. »
[TRADUCTION]
Le 10 juillet 2004, le Dr Mike Penrose a rempli la Déclaration du médecin d'Anciens Combattants Canada, affirmant, en partie, ce qui suit:
« Répercussions sur les activités quotidiennes
Syndrome post-commotion cérébrale. Grave pendant une semaine. . . .
Amélioration progressive sur une période de six mois. »
[TRADUCTION]
À l'issue de l'examen de la demande de pension présentée par l'appelante, le Ministère a jugé, dans sa décision en date du 5 novembre 2004, que celle-ci n'avait pas droit à une pension d'invalidité à l'égard du syndrome post-commotionnel.
Dans sa lettre en date du 11 février 2005, le surintendant R.T. R. déclare ce qui suit :
« Le 8 décembre 2003, l'appelante s'est blessée dans le stationnement du détachement de la GRC. L'appelante a indiqué que vous désirez déterminer si l'incident pourrait être considéré comme une «blessure de service».
À la Gendarmerie royale du Canada, il est attendu que les membres soient prêts à commencer leur quart à l'heure, permettant ainsi à l'organisation de maintenir un service policier sans interruption dans la communauté. De façon générale, les membres doivent donc arriver à leur lieu de travail au moins 15 à 20 minutes avant leur quart, pour qu'ils puissent retirer leur arme des casiers de sécurité et consulter les messages pertinents tels que les avis de surveillance portant sur des véhicules ou des personnes en préparation aux patrouilles prévues.
L'accident malheureux de l'appelante s'est produit à 18 h 45, quinze minutes avant le début de son service prévu ce soir-là. Au moment de l'incident, l'appelante portait l'uniforme et se préparait à entrer dans l'édifice du détachement, en vue du début de son quart. J'ai discuté de la question avec le Sgt é-m C. et, à notre avis, l'appelante était effectivement « de service » au moment de l'accident. »
[TRADUCTION]
Dans son rapport médical en date du 11 avril 2005, le Dr M.G. Penrose mentionne ce qui suit :
« J'ai fait le suivi de l'appelante depuis sa chute avec blessure à la tête le 8 décembre 2003.
Lors de l'accident, elle est tombée sur le dos, frappant la région occipitale de sa tête sur le marchepied de sa camionnette. Elle n'était pas certaine d'avoir perdu connaissance. Elle s'est présentée ce soir-là au service des urgences, se plaignant d'un mal de tête, de nausées avec vomissements, de douleur au toucher dans la gégion occipitale du cuir chevelu et également de douleur aux muscles paracervicaux. Elle a été vue par le personnel et on lui a fait un tomodensitogramme du cerveau. Plus tard, on lui a fait une radiographie de la colonne cervicale et également une IRM. Copies des résultats sont joints pour consultation.
Depuis la blessure, elle souffre de maux de tête généraux continus et une partie de la zone occipitale du cuir chevelu est hyperesthésique. Cette partie est trés sensible si couchée sur une surface et même lors d'un toucher léger. Elle souffre également de douleurs continues aux muscles paracervicaux, en grande partie au niveau supérieur de la colonne cervicale et la douleur s'étend jusqu'aux muscles trapézes.
Il y a de nombreuses années, elle a subi une blessure au cou, mais elle n'a pas été affligée de douleurs comme c'est le cas actuellement ou avant la chute du 8 décembre 2003.
L'appelante n'a pas été soulagée par la physiothérapie ou le Tylenol et elle est allergique à de nombreux autres médicaments, ce qui limite les possibilités de traitement. Je l'ai aiguillée aujourd'hui vers un neurologue et j'attends son avis pour poursuivre la gestion de son mal de tête et de l'inconfort au
niveau du cou et aussi de la partie hyperesthétique de la zone occipitale du cuir chevelu. »
[TRADUCTION]
Le comité a passé en revue tous les documents associés à cette demande, y compris la décision antérieure découlant de la décision d'appel du droit à pension et l'ordonnance sur consentement des parties déposées à la Cour fédérale du Canada. En outre, il a pris en considération son obligation d'interpréter en faveur de l'appelante la preuve crédible et non contredite soumise par celle-ci, conformément à l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).
DÉCISION
Pour les raisons exposées ci-dessous, le comité a pris la décision, rendue à la majorité, d'accorder un droit à pension entier à l'appelante. Deux membres du comité ont statué que l'appelante était admissible; l'autre membre a déclaré qu'il confirmait la décision antérieure et rejetait la demande de l'appelante.
Les membres du comité étaient d'accord sur le fait que la chute de l'appelante était à l'origine d'une invalidité permanente. Selon les preuves médicales versées au dossier, en particulier le rapport médical du Dr M.G. Penrose du 12 novembre 2007 (AD-S1), l'appelante souffre d'un syndrome post-commotionnel.
L'autre question, sur laquelle les membres sont divisés, est la suivante : la chute de l'appelante, survenue le 9 décembre 2003, découle-t-elle du service dans la Gendarmerie royale du Canada, ou est-elle directement liée à ce dernier, en vertu de l'article 32 de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada conformément au paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions?
Les faits essentiels ne sont pas contestés. Le 9 décembre 2003, ou aux alentours de cette date, l'appelante est arrivée, en uniforme, au stationnement du détachement de la GRC de 15 à 20 minutes environ avant l'heure à laquelle elle devait commencer à travailler, soit 19 h. Au moment où elle sortait de son véhicule personnel, elle a glissé en mettant le pied sur une plaque de glace ou de neige dans le stationnement et s'est cogné la tête/le cou sur le marchepied de son camion.
Cause directe de l'accident
Selon les membres du comité, la chute est directement attribuable à la présence de neige ou de glace dans le stationnement, combinée à l'incapacité de l'appelante de s'assurer une bonne prise en sortant de son véhicule. La présence de neige ou de glace est signalée par l'appelante et confirmée par le sergent d'état-major C.
Le sergent d'état-major C. a également fait savoir qu'à son avis, la hauteur du véhicule de l'appelante, comparativement à la taille de celle-ci, a également pu entrer en ligne de compte dans sa chute. Même si le sergent d'état-major C. connaît non seulement la marque du véhicule de l'appelante mais également cette dernière de toute évidence, il n'a pas été témoin de l'accident. Les membres du comité ne tiennent pas compte de son opinion voulant que la hauteur du véhicule puisse être un facteur contributif de l'accident puisqu'il s'agit d'une supposition.
La chute de l'appelante sur la glace ou la neige au moment où elle sortait de son véhicule personnel n'est pas liée au service dans la GRC. Ce genre d'accident peut arriver à n'importe qui, n'importe quand, lorsque les conditions climatiques s'y prêtent. Le mécanisme de l'accident n'est donc pas suffisant pour qu'on puisse conclure à l'existence d'un lien quelconque avec le service dans la GRC.
En service ou non
Des extraits des deux rapports remplis par les superviseurs de l'appelante concernant l'accident en question figurent déjà ci-dessus. Dans son rapport, le sergent d'état-major C. déclare que l'appelante n'était pas « en service et ne faisait pas office d'agent de la paix » lorsque la chute s'est produite. Le surintendant R., dans son rapport en date du 11 février 2005, fait remarquer que les agents de la GRC doivent se présenter au travail de 15 à 20 minutes avant le début officiel de leur quart et donne les raisons de cette exigence. La suite de son rapport se lit comme suit :
« J'ai discuté de la question avec le Sgt é-m C., s.-off. NCO, et à notre avis, l'appelante était effectivement « de service » au moment de l'accident. »
[TRADUCTION]
Le comité note qu'aucune autre communication du sergent d'état-major C. n'a été versée au dossier après que le surintendant R. a indiqué qu'ils étaient tous deux d'accord sur le fait que l'appelante était bel et bien « en service » lorsqu'elle est tombée.
L'avocat allègue qu'on devrait accorder plus d'importance au rapport présenté par le surintendant R., un officier haut gradé de la GRC qui connaît bien l'administration de la Gendarmerie.
Après avoir attentivement étudié ces rapports, les membres du comité ont conclu qu'ils n'étaient pas contradictoires. Ils estiment que les deux déclarations sont des éléments de preuve crédibles dans la mesure où les auteurs font des observations sur des questions qui leur sont familières.
Le sergent d'état-major C. affirme que l'appelante n'était pas en service lorsqu'elle est tombée. Le surintendant R. déclare, avec explications à l'appui, que l'appelante était bel et bien en service au moment de la chute en question. Après avoir conclu que ces deux déclarations sont crédibles, les membres ne croient pas qu'il faille les évaluer l'une par rapport à l'autre. Ces deux personnes se prononcent sur la question à savoir si l'appelante était ou non en service en l'abordant sous un angle quelque peu différent : selon que l'appelante était officiellement en service (sergent d'état-major C.) ou qu'elle était bel et bien en service, même si son quart de travail officiel n'était pas encore en cours puisqu'il ne commençait qu'à 19 h (surintendant R.).
Le fait que l'appelante ait été ou non en service n'est pas nécessairement un facteur déterminant de l'existence d'un lien de causalité entre l'accident et le service dans la GRC. Il s'agit d'un facteur qui doit être pris en considération. Même si un appelant est manifestement « en service », en ce sens qu'il se trouve sur le lieu de travail et que son quart de travail est en cours, cela ne veut pas nécessairement dire qu'un accident découle du service en question.
Définie dans son sens le plus strict, l'expression « en service » ne s'applique pas à l'activité à laquelle l'appelante se livrait. Puisqu'elle sortait de son véhicule personnel, on ne peut pas dire qu'elle accomplissait une activité dans l'exercice de ses fonctions d'agent de la GRC. Toutefois, même si elle ne s'acquittait pas d'une tâche incombant d'ordinaire à un agent de la paix, l'appelante posait un geste découlant raisonnablement de son service dans la GRC, compte tenu (entre autres facteurs débattus ci-dessous) des déclarations du sergent d'état-major C. et du surintendant R. . Les membres du comité sont d'avis que cette constatation, en soi, ne suffit pas pour conclure que l'accident découle du service.
Degré de contrôle de la GRC sur les activités de l'appelante
La question de savoir si, au moment de l'accident, la GRC exerçait un certain contrôle sur les activités de l'appelante est un autre facteur important qui mérite qu'on s'y attarde. Si l'on se fie à la déclaration du surintendant R. suivant laquelle les membres de la GRC doivent « ...arriver au travail de 15 à 20 minutes au moins avant leur quart de travail... », la GRC exerce un certain contrôle sur les activités de ses membres.
L'appelante était en uniforme. Cette constatation ne nous permet pas de conclure à l'existence d'un contrôle significatif de la part de la GRC car, à coup sûr, il existe de nombreuses situations dans lesquelles un membre en uniforme peut subir un accident. Par exemple, un membre peut faire une chute dans l'escalier de sa résidence personnelle ou avoir un accident d'automobile sur le chemin du travail, et le simple fait qu'il soit en uniforme ne permet pas d'établir un lien avec le service.
En ce qui a trait au contrôle de la GRC sur l'appelante en question, les membres du comité jugent que les facteurs suivants sont importants :
• En arrivant au travail 15 à 20 minutes à l'avance, l'appelante se conformait à une exigence de la GRC.
• L'appelante était en uniforme, ce qui indique qu'elle était, jusqu'à un certain point, prête à entrer en service.
• L'accident s'est produit, non pas sur une voie publique ou dans un stationnement public, mais bien dans un lieu relevant de la GRC.
Pris ensemble, ces facteurs indiquent que la GRC exerce un certain contrôle sur l'appelante.
Lieu de l'accident
L'accident s'est produit dans un terrain de stationnement. Rien n'indique que l'appelante garait son véhicule dans un emplacement attribué, mais il semble évident que l'aire de stationnement était près de son lieu de travail. Il semble également évident que le stationnement relevait de la GRC. Ces constatations permettent d'établir une distinction entre le cas qui nous occupe et ceux dans lesquels un accident s'est produit dans un lieu public, y compris sur une voie publique.
L'analyse de cet aspect du cas ne vise pas à déterminer s'il y a eu négligence. Les membres du comité n'ont pas à trancher si le stationnement était bien entretenu ou si le manque d'entretien a favorisé l'accumulation de neige ou de glace à l'origine de l'accident. En fait, aucun élément de preuve ne se rapporte à ce point.
Les membres du comité sont d'avis que la GRC exerçait un degré de contrôle non seulement sur le lieu de l'accident mais également sur l'appelante au moment de l'accident. Le lieu de l'accident a également fait l'objet d'un examen dans la section précédente, dont il ressort que la GRC avait un certain contrôle sur les activités de l'appelante au moment de l'accident. Même si le fait que le lieu de l'accident relève de la GRC n'est pas suffisant, en soi, pour établir l'existence d'un lien avec le service dans cet organisme, les membres du comité estiment néanmoins qu'il s'agit d'un autre facteur qui donne du poids à l'allégation de l'appelante.
Affaire Wannamaker
L'avocat a demandé avec instance au comité de tenir compte du raisonnement du juge Blais dans l'arrêt Wannamaker (citation de la Cour fédérale, Section de première instance) concernant la chute qu'aurait fait l'appelante en cause en 1959, dans un stationnement du MDN avant le début de son quart de travail.
La décision prise par la suite dans l'affaire Wannamaker (citation de la CAF) infirme la décision de la Section de première instance. L'avocat fait valoir qu'étant donné que la Cour d'appel ne s'est pas expressément penchée sur les conclusions auxquelles le juge de première instance en était venu en ce qui a trait à la question de savoir si l'accident découlait ou non du service, le comité peut donc tenir pour acquis que cette partie de la décision constitue un précédent jurisprudentiel (voir en particulier le paragraphe 43 de l'arrêt Wannamaker/Section de première instance).
Le comité ne peut accepter le point de vue de l'avocat. La Cour d'appel a accueilli l'appel interjeté par la Couronne de la décision rendue par le tribunal de première instance. La décision du Tribunal inférieur a donc été infirmée. Les membres du comité sont d'avis que la décision rendue dans l'affaire Wannamaker (citation de la Cour fédérale d'appel, Section de première instance) n'est pas contraignante, et il repousse l'invitation de s'inspirer du raisonnement exposé dans celle-ci.
Conclusion
Les membres du comité ont analysé en détail les faits de l'espèce. D'importants facteurs contredisent l'allégation de l'appelante suivant laquelle elle a subi un accident dans l'exercice de ses fonctions à la GRC. Par contre, d'importants facteurs étayent le point de vue de l'appelante. Après avoir attentivement étudié tous les facteurs et tenu compte des éléments de preuve sous l'angle le plus favorable à l'appelante, les membres du comité sont d'avis que l'accident subi par l'appelante le 9 décembre 2003 découlait du service dans la GRC. Ils rendent la décision d'accorder un droit entier à pension à l'appelante.
DATE D'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA RÉTROACTIVITÉ
L'appelante a fait une première demande de pension pour son affection de syndrome post-commotionnel plus de trois ans avant la date de la présente décision. Le présent Tribunal lui accorde donc un droit à pension à compter du 13 novembre 2004 en vertu du paragraphe 39(1) de la Loi sur les pensions. Ce paragraphe permet le paiement d'une pension qui prend effet à partir de la dernière des deux dates suivantes : date de la présentation initiale de la demande ou une date précédant de trois ans celle à laquelle la pension a été accordée au pensionné. La date de la demande pour un droit à pension précède de trois ans celle à laquelle la pension est accordée. Toutefois, il n'y a aucun élément de preuve qui justifie une compensation en vertu du paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions.
Lois pertinentes :
Loi sur les pensions. [S.R.C. 1970, ch. P-7, art. 1; L.R.C. 1985, ch. P-6, art. 1.]
art. 2
paragr. 21(2)
art. 39
Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada. [S.R.C. 1970, ch. R-11, art.1; L.R.C. 1985, ch. R-11, art.1.]
art. 32
Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). [S.C. 1987, ch. 25, art. 1; L.R.C. 1985, ch. 20 (3e suppl.), art. 1; L.C. 1994-95, ch. 18, art. 1; TR/95-108.]
art. 3
art. 25
art. 39
MOTIFS DE DISSIDENCE
Le membre dissident est d'avis que la décision rendue à l'étape précédente doit être confirmée et que l'appelante n'a pas droit à une pension à la suite de sa chute dans le stationnement du détachement de la GRC.
Tous les membres s'entendent sur les faits essentiels de l'affaire. Les principaux points sur lesquels ils diffèrent d'opinion sont les suivants : a) le degré de contrôle exercé sur les activités de l'appelante par la GRC au moment de la chute; et b) le lieu où la chute est survenue.
En service ou non
Le présent comité doit se prononcer sur l'existence d'un lien de causalité entre l'accident et le service. Il estime que les éléments de preuve soumis par les officiers supérieurs ont une valeur informative mais qu'à eux seuls ils ne permettent pas de trancher la question à savoir si l'appelante était ou non en service. La signification de l'expression « en service » aux fins de la Loi sur les pensions n'est pas nécessairement celle qu'ont adoptée d'autres secteurs de la société ou d'autres secteurs de compétence légale. Pour statuer si l'appelante était ou non dans l'exercice de ses fonctions, le présent comité doit faire preuve d'une grande prudence et respecter les directives données par les tribunaux. Il ne doit pas déférer aux avis exprimés par des supérieurs ou des collègues de demandeurs dans de telles décisions. Il ne doit pas non plus appliquer les principes valables pour d'autres instances.
Dans l'affaire à l'étude, le membre dissident estime que la majorité a appliqué le critère approprié et n'a pas tenu seulement compte de l'opinion du surintendant R. Pour reprendre les propos déjà cités par la majorité, le surintendant R. a déclaré que l'appelante était « bel et bien en service » au moment où elle est arrivée dans le stationnement avant le début de son quart de travail. Le membre dissident ne conteste pas cette conclusion.
Toutefois, la minorité accorde plus de poids à la déclaration de l'officier supérieur immédiat de l'appelante, le sergent d'état-major C., qui a déclaré par écrit – à des fins opérationnelles au cours du mois suivant l'incident – que celle-ci n'était ni en service ni dans l'exercice de ses fonctions lorsque l'accident s'est produit.
Règles de droit
Dans l'arrêt Ewing c. Canada (Tribunal des anciens combattants - révision et appel) (1997), 137 F.T.R. 298 (F.C.T.D.), le juge Gibson a déclaré ce qui suit au paragraphe 8 :
«. . . La question n'est pas de savoir s'il était de service. Elle est plutôt de savoir si les blessures du demandeur menant à l'invalidité « découlent du service militaire [en temps de paix] ou y [sont] directement liées » ou n'en découlent pas ni n'y sont directement liées . . . » [TRADUCTION]
Dans d'autres affaires semblables, le présent comité a dû décider si une blessure ouvrait droit à pension en vertu du paragraphe 21(2) lorsque des questions étaient soulevées quant aux activités accomplies par le membre au moment donné, et si ces activités étaient directement liées au service militaire.
Dans l'arrêt McTague c. Canada (Tribunal des anciens combattants - révision et appel) [2001] 1 F.C. 647, la cour a examiné l'utilisation, par le présent comité, des expressions « contexte » et « cause contributive » dans la décision visant à déterminer jusqu'à quel point les blessures à l'origine de l'incapacité étaient rattachées au service militaire - même si ces expressions ne se retrouvent pas dans les textes juridiques.
Dans sa décision, le juge Evans a écrit ce qui suit, aux paragraphes 66 et 67 :
[66] Deuxièmement, l'avocat du demandeur a soutenu que le Tribunal avait mal interprété la Loi sur les pensions parce qu'il avait introduit des termes qui ne figuraient pas dans le texte même de la loi, à savoir la distinction entre une "cause contributive" et le "contexte". En particulier, il a affirmé dans ses motifs que la survenance de la blessure du demandeur durant un jour de travail ne fournissait pas un lien de causalité suffisant pour qu'il s'agisse d'une blessure au sens de l'alinéa 21(2)a ). La survenance de la blessure pendant un jour de travail constituait simplement le "contexte" et non une "cause contributive".
[67] Il est vrai que ces termes ne figurent pas dans la loi; toutefois, l'expression "rattachée directement" exigeait, à mon avis, que le Tribunal examine la solidité du lien de causalité entre la blessure et le service militaire du demandeur. En mettant en contraste la "cause contributive" avec le "contexte", le Tribunal distinguait les liens de causalité plus forts des liens de causalité plus faibles susceptibles d'exister entre la blessure et l'exécution du service militaire. Comme le fait que le demandeur était au service de l'armée quand il s'est blessé ne suffit pas, je conclus que le Tribunal n'a commis aucune erreur de droit en l'espèce dans sa compréhension du critère prévu par la loi.
Le présent comité doit appliquer le même critère pour décider si, du fait que l'appelante a perdu pied et fait une chute, elle a droit ou non à une pension, conformément au paragraphe 21(2) de la Loi.
Pour statuer sur la question de l'accomplissement du service, le présent comité doit également respecter la volonté du Parlement, exprimée dans la Loi sur les pensions. Ce dernier souhaite en effet que cette loi soit interprétée de façon libérale de sorte que le Canada s'acquitte de son obligation d'indemniser les membres des Forces armées (et de la GRC) qui souffrent d'une incapacité attribuable au service et que les tribunaux se fondent sur les éléments de preuve pour en arriver à une conclusion raisonnable en faveur des personnes qui ont présenté une demande. Ils doivent également tenir compte de l'article 3 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), formulé d'une manière non pas identique mais bien similaire.
Dans ce contexte, le comité doit toujours tenir compte de deux questions déjà mentionnées : premièrement, la solidité du lien de causalité entre la blessure et le service de l'appelant(e) et, deuxièmement, le lien entre la blessure et l'incapacité présumée.
Le fait que la blessure soit la cause de l'incapacité actuelle n'étant pas contesté, le membre dissident ne doit se prononcer que sur la première question.
Les raisons avancées par l'appelante pour justifier son droit à une pension sont les suivantes :
• La chute a eu lieu à l'endroit où se trouve le détachement de la GRC.
• Elle était en uniforme au moment de l'incident et se préparait à se présenter pour son quart de travail régulier et à entrer dans les locaux du détachement lorsque l'incident s'est produit.
• Dans une lettre adressée au Bureau de services juridiques des pensions, le surintendant R. confirme que l'appelante était « bel et bien en service au moment de l'accident » puisqu'elle se présentait au bureau avant le début de son quart de travail afin d'avoir le temps de récupérer son arme réglementaire et de prendre connaissance des messages ou directives qui l'attendaient en prévision de son quart de travail.
Pour déterminer si l'appelante était ou non en service, la majorité a tenu compte de plusieurs facteurs et a tiré des conclusions relativement à chacun d'eux. Elle a fait savoir, par écrit, que la cause directe de l'accident et le fait d'être ou non en service n'étaient pas – en soi – des facteurs expressément déterminants de l'admissibilité.
Le membre dissident est d'accord avec la majorité sur le fait que l'appelante n'accomplissait aucune des tâches liées au service au moment de la chute. Même si l'on est d'accord avec le surintendant R. qui affirme que l'appelante était « bel et bien en service » lorsqu'elle a fait une chute, on doit quand même se demander si elle s'acquittait ou non de ses fonctions, et la réponse à cette question est négative.
Si, comme le surintendant R. l'affirme, on s'attendait que l'appelante se présente au travail à l'avance pour prendre possession de son arme réglementaire rangée dans son casier, pour vérifier si elle avait reçu des messages et pour passer en revue d'autres renseignements ou éléments opérationnels avant d'entreprendre son quart de travail, il faudrait alors, de l'avis du membre dissident, prouver qu'elle était en train de se livrer à l'une ou l'autre de ces activités lorsque la chute s'est produite.
Cela n'était pas le cas. La chute est survenue avant que l'appelante ait pu entrer dans l'immeuble où se trouvent les locaux du détachement afin d'entreprendre n'importe laquelle de ces activités en raison desquelles on s'attendait à ce qu'elle arrive tôt. Dans cette même veine, si l'appelante était arrivée en retard pour son quart de travail et si la chute était survenue dix minutes après qu'elle aurait été officiellement en service, la question de l'admissibilité ne se poserait toujours pas, même selon l'interprétation la plus restrictive, puisque le point du litige n'est pas l'heure qu'indiquait l'horloge mais bien plutôt la nature des activités exécutées au moment de l'accident.
Autres facteurs ayant trait au service dans la GRC
Pour déterminer si des aspects de l'environnement de la GRC ont pu causer l'accident ou y contribuer, le membre dissident s'est également demandé si certaines caractéristiques de l'aire de stationnement du détachement de la GRC différaient de celles qu'on retrouve d'ordinaire en de tels lieux. La possibilité de chute à cet endroit n'était ni plus grande ni moins grande que si l'appelante avait stationné son véhicule ailleurs et en était sortie au même moment. Par conséquent, le stationnement de la GRC ne présentait pas un risque additionnel, et l'accident n'était pas attribuable à l'environnement de la GRC.
Étant donné que l'appelante n'a jamais prétendu que l'uniforme ou les chaussures de la GRC avaient contribué, de quelque façon que ce soit, à accroître le risque de chute, le présent comité n'a pas à rendre de conclusion sur cet aspect de la cause.
Degré de contrôle
La majorité est d'avis que l'accident est survenu dans un endroit relevant de la responsabilité de la GRC et que celle-ci exerçait, sur l'appelante, un degré de contrôle suffisant pour justifier l'admissibilité de celle-ci.
C'est sur ce point que le membre dissident ne partage pas l'opinion de la majorité, car il estime qu'au moment où l'appelante a fait une chute ses supérieurs n'avaient aucun contrôle sur ses agissements. Rien n'indique qu'elle faisait l'objet d'un suivi de la part d'un répartiteur, était connectée à un système de communications quelconque ou pouvait être déployée avant d'entrer dans l'immeuble où se trouve le détachement, ce qu'elle n'avait pas encore fait au moment de sa chute. Rien n'indique non plus que l'un ou l'autre de ses supérieurs ou collègues connaissait l'endroit précis où elle se trouvait lorsqu'elle est tombée.
Quant à l'endroit lui-même, la minorité est d'avis que le stationnement fait partie des lieux occupés par la GRC. Toutefois, pour les raisons susmentionnées, le membre dissident estime que le stationnement était en tous points semblables aux autres stationnements et qu'il n'était ni en mauvais état ni mal entretenu. Personne n'a prétendu que la GRC n'entretenait pas le stationnement, et la négligence de l'occupant ne saurait être invoquée en l'occurrence.
Selon le membre dissident, aucun des facteurs entrant en ligne de compte dans la chute ne découlait du service auprès de la GRC.
Affaire Wannamaker
Le membre dissident est d'accord avec la majorité en ce qui concerne la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Wannamaker. La décision ayant été annulée, les avocats des pensions ne peuvent en tirer des éléments de jurisprudence.
Conclusion
Le membre dissident estime que le service dans la GRC n'est pas un facteur contributif de la chute ayant provoqué l'invalidité de l'appelante. L'aire de stationnement du détachement de la GRC a simplement été le théâtre de ce malheureux accident. Pour sa part, le membre dissident confirme la décision du comité de révision et rejette la demande de l'appelante.
Copie originale signée par:
_________________________Membre présidant
Brent Taylor